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Santa and the Ice Cream Bunny

(1ère publication de cette chronique : 2024)
Santa and the Ice Cream Bunny

Titre original : Santa and the Ice Cream Bunny

Titre(s) alternatif(s) : Aucun

Réalisateur(s) : Barry Mahon, Richard Winer

Année : 1972

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h36 (1h11 selon les versions)

Genre : (Godfrey) Ho Ho Ho !

Acteurs principaux : Jay Ripley et les "Kids" from Ruth Foreman's Pied Piper Playhouse

Jack Tillman
NOTE
3 / 5

Vous connaissez tous Ed Wood, sa vie, son oeuvre, mais connaissez-vous Barry Mahon ? Sa vie et son oeuvre sont tout aussi folles.


Comme tonton Eddy, Jackson Barrett Mahon est un héros de la Seconde Guerre mondiale devenu réalisateur nanar. Cet Américain né à Santa Barbara s'engagea en Angleterre dans la Royal Air Force en 1941, à tout juste vingt ans, pour casser du Nazi avant que les Etats-Unis n'entrent officiellement en guerre. Après plusieurs missions et un tableau de chasse qui lui valurent plus tard d'être décoré de la British Distinguished Flying Cross, son Spitfire fut abattu et il se retrouva prisonnier au tristement célèbre Stalag Luft III. Il y participa au tunnel immortalisé dans La Grande Evasion, Barry étant paraît-il une des sources d'inspiration du personnage incarné par Steve McQueen. Après plusieurs tentatives d'évasion manquées, il fut finalement libéré par les troupes du général Patton en 1945. Après la guerre, il devint l'ami et le manager d'Errol Flynn, avec qui il se lança en 1959 dans la réalisation du consternant Cuban Rebel Girls, hallucinant pamphlet pro-castriste filmé à Cuba avec le soutien de Fidel Castro (bon pote d'Errol). Véhicule pour la petite amie mineure de Flynn, la formidablement mauvaise Beverly Aadland, qui y tient la vedette au côté d'Errol, cet ovni hyper-fauché, filmé avec les pieds, au scénario et dialogues aberrants (écrits par Errol Flynn lui-même !), est le dernier et de loin le pire film du célébrissime interprète de Capitaine Blood et de Robin des Bois. Un an à peine après ce navrant brûlot castriste, Barry Mahon allait ensuite pondre un film de propagande anticommuniste paranoïaque, l'incroyablement nul Rocket Attack USA (1960). Situé à l'extrême opposé du spectre idéologique par rapport à Cuban Rebel Girls – un revirement qui sent l'influence du maccarthysme – mais tout aussi mauvais, Rocket Attack USA est un navet léthargique dont le seul mérite était de nous apprendre que se couvrir le visage avec un journal humide est une protection efficace contre un stock-shot de missile nucléaire en mauvais dessin animé.

Bourvil a terminé sa carrière avec "Clodo et les Vicieuses". Robert Hossein a tiré sa révérence avec "Noni - Le Fruit de l'Espoir". Pour Errol Flynn, ce fut... ça.

Ca aurait pu être pire. Il aurait pu jouer là-dedans.


Dans le même temps, Barry Mahon se spécialisa dans la sexploitation, les nudies et les films de naturistes, avec des titres comme The Beast That Killed Women, The Adventures of Busty Brown, The Sex Killer ou Fanny Hill Meets Dr. Erotico. Il a même marché sur les traces d'Ed Wood en réalisant I Was a Man, un film d'exploitation sur le changement de sexe (avec la véritable transgenre Ansa Kansas dans son propre rôle) qui ferait semble-t-il passer Glen or Glenda pour un chef-d'oeuvre candidat à la cérémonie des Oscars. Et puis, l'âge venant, notre Russ Meyer du pauvre se sentit brusquement l'âme d'un Walt Disney de série Z, et se mit à produire et réaliser des films pour enfants tous plus foireux et kitschs les uns que les autres, avant de prendre une retraite bien méritée à l'aube des années 1970.

Quelques autres oeuvres de Barry Mahon.


C'est là qu'intervint un deuxième larron, Richard Winer, qui se mit en tête de jouer les Godfrey Ho en incorporant des scènes réalisées par Barry Mahon à un tout nouveau film encore plus fauché, histoire de pouvoir sortir un long-métrage d'une heure trente en ne tournant que trente minutes d'inserts bâclés à l'économie. Santa and the Ice Cream Bunny est le deuxième et dernier film de Winer, également réalisateur d'un mondo sur le Triangle des Bermudes. Quand un réalisateur de mondo bricole un film de Noël à partir d'un film pour enfants réalisé par un pornographe, ça donne quoi à votre avis ? Un nanar terrifiant à ne surtout pas montrer à vos enfants sous peine de devoir les faire suivre par un psychothérapeute, cela va sans dire. A côté de ce film, le Santa Claus de René Cardona est une véritable superproduction de prestige.


Après "De Gaulle à la plage"...


Ca démarre très fort dès le premier plan du générique d'ouverture, qui nous montre l'atelier du Père Noël au Pôle Nord. Une petite dizaine d'enfants habillés en lutins s'affairent en chantant à fabriquer des jouets sur une table à l'intérieur du garage du réalisateur. Saint Nicholas est un sordide exploiteur qui fait trimer des enfants, sans doute amenés clandestinement via une filière de traite d'êtres humains, en les faisant probablement bosser 16 heures par jour 365 jours par an, car vu leur si faible nombre, comment pourraient-ils créer des jouets pour des milliards d'autres chiards pour chaque 25 décembre ? C'est en voyant un si pauvre atelier qu'on réalise que distribuer gratuitement des cadeaux à tous les gosses de la Terre ne doit pas être un business plan très lucratif.


En France, le travail des enfants est interdit depuis 1882, mais pas au Pôle Nord en 1972 apparemment.

Une fois le générique terminé, une petite blondinette jouant très mal va ouvrir la porte du garage pour jeter un coup d'oeil à l'extérieur, et au lieu de nous montrer l'allée de son garage, Richard Winer nous balance un stock-shot de rennes en train de brouter dans une prairie verdoyante. Le réchauffement climatique semblait donc très avancé en décembre 1972 puisque la neige avait déjà totalement fondu au Pôle Nord. La petite lutine va alors prévenir ses camarades que les rennes sont rentrés sans le Père Noël. Et les enfants-lutins de se demander en choeur où est passé le Père Noël...


Devine qui vient brouter ce soir.



Cabotinage à gogo : la fille cachée de Stuart Smith.


Pas d'inquiétude, Papa Noël n'est pas entré en collision avec un avion ou un missile ballistique russe, et il n'a pas non plus été enlevé par des Martiens. Son traineau s'est juste ensablé sur une plage de Floride (ça coûtait moins cher en effet spéciaux) et ses rennes l'ont laissé en rade parce qu'il y faisait trop chaud pour eux ! Nous découvrons alors le Père Noël, joué par Jay Ripley, un acteur malingre portant un déguisement et un postiche bon marché, le genre de type de bonne volonté mais mal payé qui fait pleurer les bébés à la sortie des supermarchés au moment des fêtes de fin d'année. Apparemment, il a échoué sur cette plage alors qu'il faisait le tour du monde pour voir quels enfants étaient sages et lesquels allaient trouver un martinet au pied du sapin.


"Pffiou... Qu'est-ce qu'il fait chaud sous cette perruque !"

L'heure est grave car le 25 décembre approche et si Saint Nicolas ne réussit pas à trouver un dépanneur pour se faire rapatrier à temps au Pôle Nord, "le Père Noël est une ordure" va devenir le nouveau slogan des bambins du monde entier. Le Père Noël nous explique d'ailleurs tout ça en chantant comme une casserole une chanson anti-mélodieuse à souhait qui vous fera crier grâce. Heureusement, en Floride aussi il y a des enfants, et une bande de kids, prévenue par une étrange voix céleste, accourt sur les lieux du naufrage pour tenter de désensabler le traineau du barbu à bonnet rouge. Seulement, la marmaille a beau essayer toutes sortes de montures (dont un intermittent du spectacle dans un costume de gorille), rien ne parvient à décoincer le véhicule 100% écologique de l'égérie de Coca Cola. "Que faire ?" comme disait Lénine.
Un caméo d'Huckleberry Finn et de Tom Sawyer.



Un type déguisé en singe, un faux raccord où l'acteur qui joue le Père Noël a oublié d'enlever ses lunettes de soleil et des enfants acteurs qui pouffent de rire alors que c'est pas dans le scénario... La nanardise se niche dans ce genre de détails.


Alors que le temps presse, Petit Papa Noël décide de s'asseoir et de raconter une histoire aux enfants rassemblés au pied de son traineau. Et c'est là que toute la margoulinerie de ce film à l'amateurisme stupéfiant prend toute sa saveur. Alors que Godfrey Ho se cassait la tête à lier de vieux polars thaïlandais à des histoires très compliquées de ninjas d'Interpol, Richard Winer, lui, se contente de nous balancer le plus gratuitement du monde l'une des adaptations de contes de fée réalisées deux ans plus tôt par Barry Mahon dans le parc d'attractions Pirates World à Dania en Floride. Et encore, il me faut signaler une grosse particularité de Santa and the Ice Cream Bunny. Non seulement le film est un 2 en 1 mais il existe en deux versions différentes, chaque version vampirisant un film différent de Barry Mahon !

Les deux films cannibalisés par Richard Winer.

Père Noël, raaaconte-nous une hiiistoooiiire ! Père Noël, raaaconte-nous une hiiistoooiiire ! (Si vous n'avez pas la référence, c'est que vous être trop jeune pour avoir connu l'âge d'or des séries animées sur France 3 et ça me fait prendre un coup de vieux...)


Dans une des versions, Richard Winer recycle Jack and the Beanstalk (1970), une adaptation très 60's et très cheap de Jack et le Haricot Magique de Benjamin Tabart, aux décors peints à la main et aux effets définitivement spéciaux. Jack est mal joué par le jeune Mitch Poulos, qui chante aussi faux que Jay Ripley/Santa Claus, le haricot magique est interprété de façon tout aussi peu crédible par une grosse corde peinte en vert et customisée avec des feuilles, les effets de gigantisme sont obtenus grâce à des transparences qui feraient pâlir de honte les auteurs de Mega Force et le sens des proportions de Barry Mahon donne le vertige, la poule aux oeufs d'or faisant à peu près la même taille dans les mains du géant que dans celles de Jack. Au moins, on notera que le géant sait chanter et que le réalisateur fait des efforts sincères pour bricoler un conte de fée avec de très petits moyens, pour un résultat très nanar, bourré de faux raccords, mais en même temps assez charmant de naïveté.

Cette tête à claques de Mitch Poulos (devenu depuis second couteau d'un paquet de séries télé et de téléfilms de Noël) en plein massacre de tympans.


Non, ce n'est pas un tableau de traviole, c'est la fenêtre donnant sur le jardin !





"Au voleur ! Police !"

"La propriété, c'est le vol, nananère !"


De l'or véritable, garanti zéro carat !

Des costumes indémodables !


Dans l'autre version, Richard Winer se foule encore moins et nous refourgue carrément Thumbelina (1970), in extenso, c'est-à-dire avec son générique de début et son générique de fin. Dans cette adaptation également musicale et complètement psychédélique de La petite Poucette de Hans Christian Andersen, la jolie Shay Garner évolue parmi des décors en carton et des personnages-animaux qui évoqueront irrésistiblement aux parents les costumes qu'ils ont cousu pour le spectacle de fin d'année de leurs enfants quand ceux-ci étaient en maternelle. Les quelques surimpressions sont du même tonneau que celles de Jack and the Beanstalk, le scénario prend quelques libertés avec le conte d'Andersen et la séquence de vol de Thumbelina (le nom anglo-saxon de Poucette) à dos d'hirondelle est absolument à la hauteur de nos attentes. Summum du kitsch en papier mâché, l'ensemble fait esthétiquement un peu penser à une version "jeune public" de Cinderella 2000. Les chansons sont cela dit convenablement interprétées ici et se révèlent même assez entêtantes. On ne peut pas dire que la réalisation de Barry Mahon jure tellement avec celle de Richard Winer, les deux metteurs en scène étant aussi manchots et mous du genou l'un que l'autre. La sincérité et l'innocence des oeuvres de Barry Mahon cèdent juste la place au cynisme et à la malhonnêteté de Richard Winer.


La mignonne Shay Garner dans son premier rôle. Après un petit break durant les années 1970, elle tiendra de petits rôles dans une petite poignée de slashers et de teen-movies canadiens dans les années 1980, comme "La Malédiction de l'Île aux Chiens" et "Teenage Dream" avec le jeune Keanu Reeves et Olivia d'Abo.








La drogue, c'est mal, les enfants !


Flash forward. Nous revenons sur la plage de Floride, où le Père Noël explique aux enfants la morale de l'histoire, enfin des deux histoires, enfin je me comprends : faites confiance aux charlatans qui vous promettent monts et merveilles en échange de toutes vos économies et alors vos rêves les plus fous se réaliseront. Aussitôt, tous les enfants s'en vont en courant. Est-ce l'heure de leur feuilleton favori ? Santa Claus en profite pour se mettre en tee-shirt car il a chaud sous son bonnet et sa moumoute. Et aussi car il faut caser deux-trois minutes de remplissage. Soudain, Saint-Nicolas entend au loin une sirène de pompier. "Il n'y a pourtant aucune fumée à l'horizon..." s'étonne notre bonhomme en remettant son manteau rouge. Il s'agit en fait du Ice Cream Bunny dans sa grosse voiture rouge, que les mômes sont allés chercher pour dépanner le Père Noël. Le Ice Cream Bunny, qui n'a rien de très ice cream, est un anonyme figurant dans un déguisement de lapin ultra low-cost, dont seule la paupière droite est animée pour faire quelques clins d'oeil approximatifs. Lui et Papa Noël sont de vieux potes, et notre lapin pelucheux prend en auto-stop le migrant clandestin barbu pour le reconduire dare-dare au Groenland avant que les services d'immigration ne lui tombent sur le râble.




Après avoir tous fait au revoir de la main au Père Noël et au Ice Cream Bunny jusqu'à ce que leur voiture de pompier disparaisse à un virage, les enfants retournent au traineau, qui disparaît soudain dans un effet spécial à la Georges Méliès ("Bon, les enfants, surtout vous ne bougez pas et vous gardez la pause le temps qu'on enlève le traineau et que le caméraman réenclenche la caméra !"). Le narrateur omniscient nous informe que c'est parce que le Père Noël est rentré au Pôle Nord, le Ice Cream Bunny ayant donc fait le trajet Floride/Pôle Nord en moins d'une minute. Euh, mais si le Père Noël avait le pouvoir magique de téléporter son traineau jusqu'au Pôle Nord, pourquoi ne s'en est-il pas servi avant ? Ben, y aurait pas eu de film sinon...



Santa Claus est tellement ému de retrouver son bon vieux poto le Ice Cream Bunny qu'il en perd son postiche.


Voilà, c'était Santa and the Ice Cream Bunny, un nanar bien craignos et bizarre pour arnaquer les petits et les grands. On a non seulement à faire à un 2 en 1 au sens nanarlandais du terme, mais aussi à deux films différents sous le même titre, soit un double 2 en 1, ou un 2 en 1 au carré. Absurde jusque dans son titre, mal joué, ringard, ponctué par un climax sans queue ni tête, voilà un film de Noël de série Z qui pourra faire le bonheur des amateurs d'ovnis nonsensiques un poil masochistes sur les bords.

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation



Pour punir vos chérubins de n'avoir pas été sages, offrez-leur pour Noël le DVD-R américain de la version Thumbelina de ce classique du nanar, commandable sur le site dvdrparty.com. Et si vraiment vous êtes un bourreau d'enfants et que vous voulez les faire souffrir, vous pouvez vous risquer à commander le DVD zone 1 de Rifftrax. Attention cependant, car vous pourriez recevoir la visite des services sociaux suite à un signalement pour maltraitance car il s'agit d'une version parodique "à l'américaine", avec un trio de comiques balançant des blagues vaseuses tout au long du métrage. C'est assuré par les stars du Mystery Science Theater 3000 alias MST3K. Si vous choisissez cette version, on pourra vraiment vous accuser de mal élever vos petites têtes blondes.

Le DVD zone 1 de la redoutable équipe de Rifftrax, qui a eu le mérite de faire redécouvrir ce trésor oublié à une nouvelle génération d'Américains.

Le DVD-R pour pouvoir apprécier ce nanar à sa juste valeur sans commentaires parasites.