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Les 3 Furies du Ninja

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Les 3 Furies du Ninja

Titre original :Revenge of the Ninja / Gadis berwajah seribu

Titre(s) alternatif(s) :L'Affrontement des Ninjas, Kickboxer Furies, Kickboxer Furico

Réalisateur(s) :Ratno Timoer

Année : 1988

Nationalité : Indonésie

Durée : 1h30

Genre : Les 3 fous rires du ninja

Acteurs principaux :Barry Prima, Advent Bangun, Dana Christina, W.D. Mochtar, Harry Capri, Muni Cader, Farida Pasha

John Nada
NOTE
3.5/ 5


Une petite chronique guillerette pour fêter la sortie en DVD d’un film dont la première vision m’avait complètement estourbi. Séquence nostalgie : c’était l’époque où je commençais tout juste à offrir en holocauste mon enthousiasme cinéphilique débonnaire en visionnant toutes les VHS qui me tombaient sous la main, pour le meilleur et pour le pire, et mes rétines n’avaient pas encore été irrémédiablement flétries par l’abus de mauvaise pellicule. Je fréquentais depuis peu un certain Labroche, webmestre d’un certain site sur les mauvais films sympathiques. Labroche était jeune, son site était jeune, j’étais jeune, je veux dire plus qu’aujourd’hui, en même temps c’était il y a seulement deux ans. Il entretenait depuis peu d’obscurs contacts avec un intriguant mécène corse, ouvrant chaque colis en provenance de l’Ile de Beauté avec un mélange d’enthousiasme fébrile et d’appréhension circonspecte. Il y avait beaucoup de matière première, le filon des Cashs Converters semblait inépuisable, nous nous tenions, impavides, à la lisière d’un océan de VHS au fond duquel sédimentaient quelques strates de nanars à la portée d’explorateurs volontaires et passionnés. Sans même nous en rendre compte, nous commencions à glisser tout doucement dans un autre univers, échangeant avec un naturel déconcertant des propos aux références sibyllines pour le commun des mortels, tu ne trouves pas que cette coupe fait très Reb Brown dans Yor, si tout à fait, tiens c’est quoi cette K7, je sais pas ça vient d’arriver de Corse, je peux te l’emprunter, oui bien sûr.


La classe indonésienne.









Le genre d’effets spéciaux que j’affectionne. Barry Prima a beau gonfler les pecs, je n’ai d’yeux que pour le collier volant.


Une VHS étiquetée Les Trois Furies du Ninja ne se glisse pas dans un magnéto comme n’importe quelle VHS. On s’attend à juste titre à plonger dans un univers visuel et artistique différent, une alternative secourable à la potée grise et fadasse du cinéma de masse multipléxé-télévisé-multirediffusé. En revoyant ce film aujourd’hui, je me suis demandé pourquoi je ne l’avais pas encore honoré d’une chronique cordiale et je crois que c’est parce que quelque part je l’ai sottement refoulé, incapable de l’appréhender véritablement, de le digérer parmi la tambouille d’ovnis filmiques que j’ingérais à l’époque au rythme d’une chaîne de production. Cette seconde vision plus distanciée me permet d’y remédier, donc trêve de bavasseries et place à l’œuvre :




Les moustachus parlent aux moustachus, on s’observe, on se jauge…





…et puis c’est la curée.



Notez que même en mousse, une lance dans le ventre fait toujours mal.


Produit par Rapi Films, Les Trois Furies du Ninja semble être le dernier film que Ratno Timoer ait tourné en Indonésie – juste avant de se compromettre avec la douteuse firme hongkongaise Filmark que les habitués de Nanarland connaissent bien – Il y retrouve des stars locales, à savoir le Dieu vivant Barry Prima (surtout connu chez nous pour la trilogie Le Guerrier / Jaka Sembung mais aussi Le Justicier contre la reine des crocodiles, déjà mis en scène par Ratno Timoer), Advent Bangun (également vu dansLe justicier contre la reine des crocodilesmais encore dansLady Kickboxeravec Cynthia Rothrock et Bob Ginty) et Dana Christina (vue dans The Stabilizer, The Intruder, Le Guerrier / Jaka Sembung ou encore la série de films Les 5 Anges de la Mort, repompe indonésienne de Drôles de Dames où l’on retrouve là aussi Barry Prima, parce que les grands esprits se rencontrent souvent du côté de Jakarta). A noter que la jaquette du DVD de chez Bach Films proclame d’ailleurs un peu n’importe quoi côté casting, ne vous y fiez pas.








Au volant de son buggy, Barry s’amuse à faire 1000 tonneaux sur la plage, juste histoire de faire une bonne blague à sa copine.



Vas-y, tâte voir un peu comme c’est dur.


Bon, monsieur le chroniqueur fait son connaisseur, il est bien brave mais le film en lui-même, qu’a-t-il à offrir ? Et bien… déjà, malgré le titre, il faut savoir qu’aucun ninja digne de ce nom ne pointe le bout de sa cagoule. Rassurez-vous, on n’a jamais l’occasion de le regretter : dès la séquence d’intro on s’en prend plein les mirettes ! En effet, les noms de l’équipe technique n’ont pas fini de s’inscrire sur l’écran qu’on s’extasie déjà la bouche grande ouverte devant les vaines gesticulations de dizaines de figurants débraillés qui s'assaillent au fond d’une carrière de gravier dans l’anarchie la plus totale. L’aspect post-nuke du Tiers-monde s’est vu providentiellement aggravé par les choix un peu désespérés d’un accessoiriste sans le sou et d’un costumier pris de boisson. Certains de ces gaillards au look autre se castagnent avec des armes moyenâgeuses et rudimentaires, d’autres avec des armes à feu et des bazookas qui ressemblent étrangement à des tuyaux de poêle. Un grand moment de grâce.


Certains parlent de gouttière et d’entonnoir, moi j’en reste à l’hypothèse du tuyau de poêle.



S’il existait une catégorie « chaussettes nanardes », je miserais tout sur lui.



Le trafic d’organes, phénomène de société. Ici, un pickpocket de la barbaque pris en flagrant délit. Comme d’habitude, la victime ne s’était rendue compte de rien…



Magie de la télévision par satellite : l’Actor’s Studio fait des émules jusqu’en Indonésie !


Le ton est ainsi donné avec une saine franchise puisque durant le reste du métrage, les protagonistes s’emploieront évidemment à se tataner vigoureusement la gueule pour un oui ou pour un non quand ce ne sera pas pour un peut-être, mais dans un style heureusement un poil moins primaire qu’un de ces trop classiques kung-fu flicks 70’s qui donnent mal à la tête à force d’abuser de la boîte à bruiter bi-fonction coup de pied / coup de poing.








Les deux plus belles moustaches du film (mention spéciale pour la version Saddam Hussein avec chapeau)…



…et la moustache de bronze, qui semble avoir besoin d’être consolée.



Les moustaches certifiées naturelles étant seules habilitées à concourir, vous comprendrez que celle-ci a été immédiatement disqualifiée.


La bonne tenue nanarde des Trois Furies du Ninja tient surtout à ce que l’ensemble est régulièrement saupoudré de petites fantaisies bien venues : objets qui volent aux quatre vents (collier magique, cœur palpitant), inoubliables séquences d’exorcismes stroboscopiques, apparitions-disparitions fumigénées, invocations de zombies glaiseux, dialogues qui fusillent (« Pourquoi m’avoir choisie pour accomplir cette tâche ? » « Parce que vous êtes la personne qu’il faut. » CQFD !), troupeaux de moustaches s’ébaudissant dans leur milieu naturel, flash-backs délicieusement naïfs et musiques franchement fantastiques pour peu qu’on sache apprécier les sonorités minimalistes d’un bon vieux synthé indonésien.








Maya est possédée, son visage change de couleur toutes les 2 secondes. Barry ne comprend plus rien, le vieil exorciste fait ce qu’il peut.









Une attaque de crado-zombies. Heureusement, le kung-fu en vient à bout.


Alors tant pis si les motivations des personnages restent floues, que leur nombre un peu trop élevé embrouille l’intrigue, que globalement le rythme n’ait rien de notoirement frénétique : Les Trois Furies du Ninja est à prendre pour ce qu’il est et ce qu’il a à offrir, en digne représentant d’un cinéma de genre décomplexé et authentiquement réjouissant, à des kilo-lieues des entreprises vénales d’un Godfrey Ho ou des tombereaux de direct-to-video ricains que dégorgent aujourd’hui nos réseaux de location aseptisés. Un cinéma de genre quasi-disparu en Indonésie comme dans le reste du monde. Evidemment j’enfonce des portes ouvertes, c’est un peu vain de rabâcher tout ça mais bon, je crois que vous l’aurez compris, je reste un nostalgique impénitent (et malgré toute l’affection que je lui porte, j’emmerde Chuck et sa vilaine moustache !).


Malgré les apparences, il ne s’agit pas d’un teufeur égaré sur le plateau du Larzac mais d’un redoutable démon invoqué dans une grotte avec un cœur de sorcière et contrôlé par un clou planté dans sa tête (mais si, j’vous jure…).

- John Nada -
Moyenne : 3.25 / 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation
Le DVD de l'éditeur Bach Films. On notera les "3 oublis du ninja", à savoir Barry Prima, Advent Bangun et Dana Christina, principales vedettes du film, dont le nom n'apparait nulle part sur la jaquette.


Sorti au cinéma en France le 5 novembre 1986, ce film fit autrefois les beaux jours du marché de la vidéo sous des titres plus ou moins fumeux : L’Affrontement des Ninjas chez "VHS Ciné Budget", Kickboxer Furies / Kickboxer Furico chez "VHS BM Prod. / Magic Entertainment" et Les Trois Furies du Ninja chez "Socai Films". Il est disponible en DVD depuis le 1er janvier 2004 chez Bach Films, avec la bande-annonce française d'époque comme seul vrai bonus et un vain relooking de la jaquette.
 
La jaquette VHS de "Socai Films".


La version de chez "Cinébudget" où l'on peut reconnaître Mike "Viens ici que j'te bute enculé !" Abbott qui ne joue pourtant pas dans ce film. De même le casting fantaisiste a visiblement servi de base de travail pour l'édition DVD de Bach Films. Se seraient-ils servis de la VHS comme master vidéo pour graver leur galette ?

La VHS de BM Productions / Magic Entertainment, qui reprend le visuel du film "Catman In Boxer's Blow" de chez IFD...


Une jaquette alternative de l'édition DVD de Bach Films. On retrouve les mêmes crédits incomplets que pour la VHS de "Cinébudget".



A l'international, le film est connu sous le titre "Revenge of the ninja", mais attention car il existe un autre "Revenge of the ninja" signé Sam Firstenberg avec Shô Kosugi. Pfff, le ninja avance toujours masqué...

 

Une brillante synthèse du contenu thématique de l'oeuvre, par Le Rôdeur.