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Rat Scratch Fever

(1ère publication de cette chronique : 2012)
Rat Scratch Fever

Titre original : Rat Scratch Fever

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Jeff Leroy

Année : 2011

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h31

Genre : Leroy des rats (Rat Sonja)

Acteurs principaux :Phoebe Dollar, Ford Austin, Vinnie Bilancio, Randal Malone, Tasha Tacosa, Jed Rowen

Kobal
NOTE
3.5/ 5


Quand on n'a pas d'argent, mieux vaut avoir un bon sens du marketing. Jeff Leroy est de ces génies qui savent profiter de l'excitation qui peut embraser le net à la vue d'une bande-annonce complètement tarée, où des astronautes semblent contaminés par des rats mutants géants dans une composition d'éclatement de bide qui n'est pas sans rappeler "Alien". Depuis 4 ans que circulait le trailer de "Rat Scratch Fever", la frustration ne faisait que croître à mesure que plus aucune nouvelle ne filtrait quant à une possible sortie du film. Mais l'espoir, le ténu espoir, maintenait tout de même en vie les fidèles qui attendaient le moindre signe pour célébrer leur divinité de la néo-maquette zédarde. Après tout, Jeff nous avait fait le même coup avec Werewolf in a Women's Prison et on avait bien fini par accéder au chef-d’œuvre.


Une affiche qui en met plein la vue...

Mais qui en fait est repompée sur celle des Rats de Manhattan de Bruno Mattei ! Allez on va dire que c'est un hommage...


Mais tout de même, 4 ans, c'est long. D'autant plus que Mr Leroy est décidément un homme très secret dont on ne sait pas grand chose, entre autres ce qu'il devient entre deux tournages, dans quel grotte mystique il se terre pour trouver son inspiration, dans quelle supérette il fait ses courses, et si oui ou non, il aborde avec sérieux son Art. Pas moyen donc d'en savoir plus sur son nouveau bébé. 4 ans... Et puis soudain, un jour, sans aucune annonce, le DVD apparaît à la vente sur internet. Pouf, pas d'anges soufflant dans leurs trompettes, pas de lumière surnaturelle éclairant soudain la scène, ni même de ces explosions pétaradantes si précieuses à Jeff. Il suffit d'un banal clic et de moins de 10 $ pour enfin accéder au Graal. Et aussitôt s'en angoisser : après avoir été tant désiré de toute notre âme, le film pourra-t-il résister à nos attentes fantasmées les plus démesurées ? L'épreuve de réalité ne va-t-elle pas cruellement balayer nos pathétiques espoirs névrotiques, nous renvoyant à notre insignifiance dans ce vaste univers indifférent ? Et bien pour vous, amis lecteurs, voici en exclusivité ma normande réponse : p'têt bin qu'oui, p'têt bin qu'non, peuchère. Direction le film.



Quel prétexte scénaristique Jeff a-t-il cette fois employé pour déployer les fastes de son talent ? C'bin simple : après avoir frôlé l'orbite martienne, une planète à la dérive s'approche dangereusement de la Terre. L'agence para-gouvernementale Steel Space Corporation décide d'y envoyer une équipe d'astronautes afin d'étudier les lieux. Et les gars ne sont pas déçus du voyage : la planète X contient en effet des restes de civilisation inconnue avec plein de cadavres dont l'origine ne tarde pas à être révélée. Car il suffit d'un malheureux faux-pas pour réveiller la terrible menace tapie dans l'ombre de l'espace : les rats géants. Leur irruption entraîne immédiatement panique et désorganisation chez nos space rangers dont les rangs se clairsèment en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "cheese" (alors oui, la blague est nulle, mais c'est pas ma faute, je l'ai volée au film). Leur fuite éperdue et leur acharnement à repomper les scènes clés de la saga "Alien" (avec nettement plus de lasers atomiques, tout de même) parviennent néanmoins à tirer d'affaire la seule survivante de l'équipe, qui s'empresse de retourner aussi sec vers la base terrestre... Sans savoir qu'elle est désormais contaminée. L'humanité est-elle condamnée ?


La planète X, ou la preuve qu'un zeste de matières littéraires dans les sections scientifiques universitaires pourrait enrichir l'imagination des astronomes...

 


...et qu'un soupçon de matières scientifiques dans les études de Jeff Leroy pourrait éviter certains écueils nanars dans ses films.

 


Encore une civilisation qui kiffe le glauque inquiétant en terme d'architecture. Sans parler des rivières de crânes à la "Terminator".

 


Des scientifiques qui, malgré la présence d'une décoration à base de capotes aliens, ne se doutent de rien.

 


Une fuite éperdue vers la maison terrienne...

 


...qui n'empêche pas de penser à ramener un petit souvenir exotique.


Il suffit de quelques secondes de visionnage de "Rat Scratch Fever" pour n'avoir aucun doute quant à sa filiation à la filmographie de Jeff Leroy. Maquettes splendides (mais maquettes évidentes), réalisation DV à la va-comme-j'te-pousse mémé dans un escalier d'orties, caméo de Phoebe Dollar, présence de Randal Malone, cartes-mères de récupération collées sur les parois des véhicules, idées de tournage impensables, étalage outrancièrement gore, et surtout, surtout, l'inimitable assemblage foutraque de techniques d'effets spéciaux hétéroclites et tous plus foudingues les uns que les autres, systématiquement dévoilés en full frontal, sans honte aucune de leur difformité digne d'un cirque de freaks. Bref, l'art cinématographique naïf unique de Jeff, ici concentré en une essence d'une telle pureté que la jouissance qu'elle procure en deviendrait presque douloureuse.


La base de lancement privée de la Steel Space Corporation. Place de parking offerte aux ingénieurs qui n'ont pas peur de récupérer leur voiture roussie.

 


La belle Phoebe, insensible au temps qui passe.

 


Plus gore que ça, y'a pas.

 


Jeff apprécie les clins d’œil à son public en lui glissant quelques panneaux évocateurs, des "High Voltage" et "Danger Restricted Area", clé de voute de son œuvre.


La séquence d'introduction est ainsi à elle seule un petit bijou de folie, les rats bénéficiant de l'approche complexe et quasi-totipotente de Jeff qui semble vouloir les aborder sous toutes les formes de FX possibles : animaux réels en surimpression à la Bert I. Gordon, peluches miteuses, CGI bruts de pomme, abus de flares oculaires rouges, pluie de rats embrasés, etc., sur fond de bruitages assourdissants qui n'hésitent jamais à en rajouter pour tenter de conférer un sentiment de menace angoissante à nos joyeux gaspards. Ajoutez à cela des acteurs qui courent en hurlant dans tous les sens, des sacrifices héroïques, des explosions enflammées, des tirs de laser et un peu de tout ce qu'on trouve dans un spectacle pyrotechnique de la fête de fin d'année de l'école primaire du coin. Il devient alors impossible de discriminer la composante nanar tellement elle infiltre chaque image, chaque mouvement, chaque regard désolé d'un rongeur égaré sur un plateau de maquettes. Le cerveau humain n'a décidément pas encore suffisamment évolué pour affronter un tel spectacle.


Un Enfer de lave et de rats.

 


Des mesures de dératisation radicales mais vaines face à la masse grouillante.

 


La célèbre myxomatose bioluminescente ixienne.

 


Les rats semblent s'amuser de ce grand terrain de jeu.


Soyons honnêtes : le corrélât d'une telle intensité est qu'elle ne peut décemment pas être maintenue durant 1h30. Certes, c'est un peu décevant mais d'un autre côté, ce n'est pas un mal en soit : qui accepterait en effet de ne pouvoir regarder "Rat Scratch Fever" que dans le périmètre immédiat d'une unité d'urgence cérébrovasculaire ? Le rythme du film va donc tranquillement redescendre jusqu'à connaître un tunnel plus planplan en son milieu, avec une perte malheureuse de sa dimension space opera, avant de conclure en une beauté apocalyptique digne du réalisateur. Mais oh, n'allez pas pour autant croire qu'on s'ennuie. On parle bien d'un film de Jeff Leroy, là !


La preuve : il s'autorise un infanticide.

 


Et pis y'a Phoebe Dollar qui retrouve sa grosse pétoire de "Alien 3000".

 


Et pis y'a des rats qui circulent en voiture téléguidée.

 


Et pis je vous rappelle que le film repart à la hausse lors de sa conclusion.


Mais revenons-en donc à notre héroïne rescapée de la planète X. La gagnante du concours est Sonia, une scientifique avec quelques problèmes personnels qu'elle aura bien de la peine à régler car elle a désormais un rat dans le corps, un parasite qui peut prendre le contrôle de sa volonté et l'obliger à faire plein de trucs sympas, comme manger le crâne de ses co-Terriens. Pourquoi donc faire ? Va savoir, Charles, face à l'intelligence suprême des rats, tu peux pas test. Mais Sonia peut également répandre la contamination exo-rattus selon un processus qui demeure inconstant et assez mystérieux, se rapprochant tantôt de l'infection zombie, tantôt de la reproduction intestinale Alien. Sauf que là, les rats rentrent et sortent par le vagin, c'est plus érotique (en plus, la fièvre favorise les suées et donc la sensualité féminine). Ça doit être l'habitude de se faire ingérer par des minous. Ou bien Jeff se laisse aller à la réalisation d'une métaphore cinématographique des ravages de la syphilis, maladie qui démarre par une banale infection génitale avant de fêter l'obtention de son stade tertiaire en cramant la cervelle de sa victime. J'ai pas regardé si l'OMS était citée au générique.


Tasha Tacosa dans ses débuts de scream queen.

 


Tout commence par une blennorragie sans gravité...

 


...mais les complications cérébrales ne tardent pas à survenir. Vous comprenez mieux pourquoi le temple de la planète X était jonché de capotes ?

 


Mais il en va des préservatifs comme des casques, évitez de les choisir trop grands.

 


Au-delà de sa thématique IST, "Rat Scratch Fever" est bien entendu un pamphlet à charge contre les migrations humaines à l'origine du bouleversement des écosystèmes.


N'allez toutefois pas croire qu'aucune mesure n'est prise devant cette menace. En effet, le Dr Steel, grand Manitou de la société qui porte son nom, n'a pas très envie de voir un agent exogène inconnu se répandre sur Terre et prévoit donc de vaporiser Sonia à son retour de l'espace. Principe de précaution oblige, à juste titre cette fois, ce qui n'empêche pas le brave Docteur d'être caractérisé comme un méchant de comics (faut dire que des lunettes noires et des mains métalliques à loupiotte, ça pose un look). Mais, avertie par son petit-copain des forces spéciales, Sonia préfère crasher son vaisseau sur la base de la Steel Space Corporation (déluge d'effets pyrotechniques sur maquette garanti) avant de s'enfuir dans la pampa californienne, traquée par des blindés futuristes. L'occasion de constater la progression constante de Jeff en matière d'artisanat de maquettes, atteignant ici des niveaux dignes de Sentai nippons. Les véhicules se déplacent ainsi avec aisance et balancent leurs missiles sans hésitation dans des séquences qui ont de quoi émerveiller notre âme d'enfant. Un joli spectacle avec un p'tit arrière-goôt de "The Amazing Bulk" pas désagréable : Jeff a en effet décidé d'incruster des gens à travers les vitres de ses jouets, afin de les rendre plus crédibles. Bien entendu c'est l'effet inverse qui est obtenu, mais n'est-ce pas mieux ainsi ?


Le Dr Steel et ses mains pratiques pour lire dans le noir.

 


Si Randal Malone, toujours dans les bons coups de son pote, tente cette fois de mettre de côté son cabotinage naturel en incarnant un cyborg apathique, il compense avec sa décoration d'intérieur.

 


De splendides maquettes télécommandées.

 


Pour montrer la présence d'un conducteur, Jeff opte autant pour l'effet vignette photo collée sur le pare-brise...

 


...que pour l'incrustation à la sauvage.

 


La touche Bulk est renforcée par la présence au casting de Jed Rowen.


Les séquences gores sont quant à elles toujours aussi inventives. On retiendra cette scène démentiellement bandulatoire, entraperçue dans le trailer, où le Roi des rats surgit de la tête fendue de Sonia, assis sur son trône de chair éclatée et couinant avec arrogance son sentiment de toute-puissance. Mais le plus balaise, c'est qu'il peut ensuite refermer la tête comme si de rien n'était. Si vous cherchez un chirurgien de génie... Loin de se cantonner à une simple répétition de ses succès antérieurs, Jeff Leroy n'hésite jamais à explorer de nouveaux horizons de réalisation : il s'essaie ainsi à quelques sympathiques plans en vue à la première personne, typés FPS. Tout comme il ose se laisser aller à quelques fantaisies en marquant la domination des rats par la diffusion télé d'une publicité pour voitures conduites par les rongeurs mutants ! Du pur what the fuck qui ne trouve son sens que dans les bonus du DVD.



Dans la grotte de Platon, voici l'idée du beau.

 


On se représente mal la fragilité élastique du corps humain.

 


Bison Futé s'est fait bouffer la gueule par des rats.

 


Les publicitaires également.


Car oui, le DVD de "Rat Scratch Fever" offre un supplément indispensable : une vidéo de la séance de questions après la diffusion ciné (!) du film au Cinefamiliy (!!!) de Los Angeles. On y découvre Jeff Leroy aux côtés de sa troupe d'acteurs, dont un Randal Malone méconnaissable en vague sosie d'Edward Scissorhands. On y apprend surtout plein de choses très intéressantes, comme la confirmation que Jeff n'est pas dupe quant à la qualité artistique de ce qu'il réalise, affichant sans complexe sa volonté de se faire plaisir en trippant sur les concepts les plus fumeux et en détruisant systématiquement tout ce qu'il construit (peut-être a-t-il des ascendants philippins). C'est d'ailleurs sa volonté de travailler les techniques de puppets qui l'a amené à réaliser le présent film, en hommage aux kaiju eiga et aux "Thunderbirds". L'interview confirme également que la maison de Randal Malone semble décidément un lieu de tournage alternatif incontournable de Los Angeles (Psychon Invaders y avait déjà été en partie réalisé, tout comme quelques films pornos à l'insu du plein gré de son propriétaire) et que, si aucun animal n'a été tué durant le tournage, les rats morts (de cause naturelle) peuvent tout de même avoir une seconde vie... en servant d'accessoires pour le film !! Il suffit juste d'y mettre le feu et de les balancer devant des fonds verts. Jeff Leroy, c'est l'amour des animaux de Bruno Mattei sans le côté crapuleux.


Le Dr Steel examine des pochons de rats props.

 


Le death tank du grand final.


Quant à Tasha Tacosa, l'interprète de Sonia, elle livre une bien belle anecdote de la rude vie de starlette à Hollywood : n'ayant accepté de tourner dans "Rat Scratch Fever" que parce que le script ne contenait aucune scène de nudité, elle a en contrepartie dû concéder se faire crotter dessus par des rats. Quel sacerdoce ! Bref, un Q&A incontournable qui ne peut que renforcer l'éminente sympathie que l'on ressent pour Jeff et ses réalisations loufoques. Surtout quand ce dernier laisse échapper une brève confidence au sujet du concept de son futur film qui reposerait sur l'idée suivante : "Evil Dead in a space ship". N’aie crainte, Jeff, même dans 10 ans, nous seront encore au rendez-vous.



HAIL TO THE KIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING !!



- Kobal -
Moyenne : 3.50 / 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Un DVD est donc disponible outre-Atlantique. Attention, piste son anglaise d'origine uniquement, sans sous-titres (mais bon, on a l'habitude avec la filmo de Jeff). En bonus, on retrouve donc les questions filmées, des scènes alternatives, la BA du film et celles d'autres productions (dont certaines semblent bien gratinées).