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Weasels Rip My Flesh

(1ère publication de cette chronique : 2016)
Weasels Rip My Flesh

Titre original : Weasels Rip My Flesh

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Nathan Schiff

Année : 1979

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h04

Genre : L'inspecteur Harry contre les belettes mutantes radioactives de l'espace

Acteurs principaux :John Smihula, Fred Borges, Steven Kriete, Fred Dabby, Jody Kadish, Edward Schiff et d'autres potes et parents du metteur en scène

Jack Tillman
NOTE
3.5/ 5

Le film devait au départ s'appeler "Twilight of the Living Horror", mais comme les amis à qui Nathan Schiff en avait parlé lui demandaient ce que ça voulait dire et qu'il ne savait pas quoi leur répondre, il opta pour ce quasi-homonyme d'une chanson de Frank Zappa, davantage parce que le titre lui plaisait qu'en hommage au chanteur d'ailleurs.

Nathan Schiff fait partie de ces quelques cinéphiles sincères et passionnés qui ont voulu rendre hommage au cinéma de genre qu'ils vénèrent par le biais de réalisations amateurs et qui sont sortis de l'anonymat du cinéma fait à la maison grâce à la redécouverte de leurs films par la jeune génération de nanardeurs. Son nom est venu s'ajouter à ceux d'autres réalisateurs cultes comme les frères Mark et John Polonia ou Jon McBride aux États-Unis, Michael J. Murphy au Royaume-Uni, et Norbert Moutier et Richard J. Thompson en France. Nathan Schiff a quatre films et quelques dizaines de courts-métrages à son actif, tous tournés en format Super-8 pour le fun, en famille et entre potes dans son petit coin natal du Long Island. "Weasels Rip My Flesh" est son film le plus célèbre et est considéré comme son meilleur (à noter qu'il s'agit d'un auto-remake d'un des courts-métrages de jeunesse de Nathan Schiff appelé "Mission: Destroy"). Il s'agit de son tout premier long-métrage, sorte de fourre-tout qui réunit pêle-mêle les codes des films de SF des années 50 aillant bercé son enfance, ceux des films d'agressions animales et de peur écologique des 70's, avec en plus une bonne touche polar à base de flic badass dans la lignée de "L'inspecteur Harry", le tout baignant dans une esthétique hallucinogène. Le résultat est un nanar pas révolutionnaire mais très agréable à regarder et dont chaque scène réserve sa part de nanardise, la faible durée du film étant un atout certain pour empêcher le rythme de décliner (car Nathan a un peu tendance à étirer ses plans trop en longueur, avouons-le).








Le contre-jour, pierre angulaire du métrage.


Alors certes, un film amateur ne peut être jugé sur le même plan qu'un blockbuster ou même qu'une série B professionnelle. Toujours est-il qu'on rigole bien et qu'on prend son pied devant "Weasels Rip My Flesh" et c'est bien là le principal. Avec un budget avoisinant les 400 dollars, le jeune Nathan est parvenu à mener son ambitieux projet à terme et à offrir une heure de bonheur aux amateurs (comme lui) de films fauchés et ringards. Le résultat est bourré d'erreurs techniques mais les petits trucs ingénieux que le réalisateur emploie pour nous faire croire à son histoire et faire comme dans les "vrais films" suscitent un rire bienveillant et attendri : en un mot, c'est mignon.


Il y a bien longtemps, dans une galaxie très très éloignée du cinéma mainstream...





Le coup du stylo bic/fusée et de la lampe de chevet filmée dans le noir en contre-plongée pour simuler le réacteur en plein décollage, mine de rien, il fallait y penser !


Le postulat est réjouissant à souhait : de retour de Venus, une sonde spatiale de la NASA s'écrase dans un lac du Long Island, lâchant dans la nature un produit radioactif qui a pour effet de faire muter une belette qui roupillait tranquillement dans son terrier et de la transformer en monstre géant sanguinaire. L'inspecteur James Cameron (!) est chargé d'enquêter avec son adjoint sur les meurtres qui ensanglantent la campagne environnante. En arrivant sur une scène de crime, notre flic "à qui on ne la fait pas" et son sidekick sont capturés par un savant fou qui se livre dans son laboratoire secret à d'inquiétantes expériences. Fasciné par la capacité de régénération de la belette géante, il entreprend d'injecter du jus de belette sur un cobaye humain. Le coéquipier de notre héros en sera quitte pour devenir le premier mutant homme-belette d'une armée invincible, avec laquelle le savant compte bien conquérir la planète. L'inspecteur James Cameron va-t-il réussir à sauver l'Humanité de cette menace en papier mâché véritable ?




Alerte ! Un produit toxique verdâtre et tout gluant dégouline dans la nature !



Ceci est une belette dans son terrier.





Ceci est une belette en pleine mutation.



Non, ceci n'est pas un crottin de cheval semé sur la route mais la patte de la belette géante.





Non, ce n'est pas un homme-boudin.



Ça par contre, je ne sais pas du tout ce que c'est censé représenter. Des embryons d'hommes-belettes sous couveuses ?


"Weasels Rip My Flesh" réunit tous les éléments qui font le charme du cinéma Z : ketchup à gogo, craignos monsters en carton bouilli, prises de vue souvent approximatives, bruitages passés en boucle à longueur de scène, montage parfois abstrait, acteurs débutants qui prennent un plaisir communicatif à cabotiner... A quoi il faut ajouter une solide érudition de tout le cinéma de genre de la part de l'auteur, doublée d'un amour sans modération pour toute une face cachée du Septième Art qui était à l'époque beaucoup plus obscure et méprisée qu'aujourd'hui. La volonté et l'ambition sans bornes de Nathan Schiff forcent tout de même l'admiration. De nos jours, les conditions de tournage d'un film indépendant ont en effet considérablement évolué vers plus de facilité, alors qu'à la fin des années 70, réaliser un long-métrage à effets spéciaux sans avoir jamais fait d'études de cinéma était une autre paire de manche.








Le coup du chien qui disparaît dans les fourrés pour revenir en ayant découvert un cadavre... Nathan Schiff connaît son "Petit illustré des gros clichés d'Hollywood" par coeur. A noter que le chien de Nathan Schiff fut son tout premier acteur dans un court-métrage traitant de l'attaque d'un chien géant atomique dévastateur de ville en carton.



"Avis de recherche : La belette court toujours", notre reportage d'investigation.





Heureusement pour l'Humanité, un homme, un vrai, va entrer en scène...



"Mmh, il manque quelque chose..."



"Yeeeaaaah ! Là, c'est tout de suite mieux !"



"Le patron a raison : pour l'enquête, les lunettes noires, c'est in-dis-pen-sable."





Long Island Vice.


"Weasels Rip My Flesh" est le genre de film susceptible de renforcer la foi de tout aspirant cinéaste en sa propre capacité à se lancer dans des projets ambitieux. Vous aussi, vous rêvez de faire des films, mais quand vous regardez un Spielberg, vous vous dites : "Mais jamais je ne serai capable de faire des trucs pareils, ma carrière à Hollywood est foutue !" ? Que nenni ! Nathan Schiff nous prouve qu'avec un stylo bic customisé, un décor en papier cartonné et un papier-peint imitation ciel étoilé, on peut faire du "2001 : L'Odyssée de l'Espace" les doigt dans le nez. Avec de la pâte à modeler ou du carton mélangé à de la glue, on peut faire un monstre géant digne de "Godzilla". Avec un copain qui est un fan hardcore de Clint Eastwood, ce serait trop cool de se lancer dans une copie des "Dirty Harry". Avec trois potes réunis dans une cave faisant office de repaire top-secret de savant fou, vous pouvez faire un "James Bond" à l'aise. Et si vous avez le coup de bol de tomber par hasard sur un cadavre de requin dans une poubelle, ce serait vraiment bête de ne pas conclure votre film par un remake des "Dents de la Mer", même si ça n'a aucun rapport avec le reste. C'est ça la magie du cinéma !










Ouais, il est un peu accro le mec...



Rôôh, relou ! Faut que j'enlève mon cigare de ma bouche le temps de boire ce verre de vin...





Évidemment, le méchant savant mégalomane (le génial Fred Borges, décédé en 2005 à l'âge de 43 ans) ne peut s'empêcher d'expliquer l'ingéniosité de son plan aux héros dans son salon/laboratoire top-secret. Les méchants savants mégalomanes sont bien tous les mêmes...















Un casting d'enfer.


Le cinéma de Nathan Schiff, c'est la série Z dans ce qu'elle a de plus poétique et charmante. La naïveté touchante des effets spéciaux et l'incohérence elliptique du montage - qui fait intervenir un incendie de forêt sorti de nulle part pour tuer la poupée miniature à l'effigie du monstre, alors que dans le plan précédent il se battait contre le héros - sont autant d'arguments qui font de "Weasels Rip My Flesh" un nanar des plus attendrissant. Ajoutez-y le charme inégalable du Super-8, quelques jolis contre-jours, une ambiance sonore d'un autre monde (où l'on peut reconnaitre les B.O. d'autres séries Z nanardesques comme "Curse of Bigfoot" de Dave Flocker, "Nurse Sherri" d'Al Adamson et "Chasseurs de Sang" de Robert W. Morgan), une scène d'intro absconse uniquement destinée à rallonger la durée du film de quelques minutes, un mutant en papier-mâché ressemblant davantage à un homme-étron qu'à un homme-belette, et se battant en duel kaiju-eiga style avec une belette géante qui vous rappellera les tyrannosaures de "Dinosaur From The Deep", un rat dans un bocal que le réalisateur tente de nous faire passer pour une belette, un zombie baveux, du gore cheapo-gras-double qui dégueule partout, un ersatz moustachu de Clint Eastwood dont le trait de caractère badass est de fumer barreaux de chaise sur barreaux de chaise, et une scène en mode MacGyver qui fait un doigt d'honneur à la campagne anti-tabac actuelle en nous prouvant que fumer peut non seulement vous sauver la vie mais du coup vous permettre de sauver le monde... vous conviendrez que le film dispose de pas mal d'ingrédients bien sympathiques.


Dissection de belette mutante. Le port des gants de cuisine est obligatoire pour se protéger des radiations.



Des scènes chocs.









Dévoré vif par deux rangées de dents acérées en papier Canson, quelle fin atroce !







Un combat venu d'une autre dimension entre un John Smihula à fond dans son rôle, et une belette géante en carton dont la mâchoire est animée par un technicien hors-champ.







Giant Weasel versus Mega Boudin, le nouveau choc de titans des studios Asylum.



L'inspecteur Harry contre...



... les Dents de la Mer !







L'attaque du mort-vivant (personne n'aurait un bavoir, siouplaît ?).


La sincérité et la bonne volonté de ce cri d'amour envers le cinéma d'exploitation sauront, je l'espère, conquérir vos cœurs de cinéphiles déviants. Personnellement, ce petit film à la fois généreux et sans prétention m'a définitivement acquis à son réalisateur, véritable amoureux du bis ne se reconnaissant absolument pas dans le cinéma blockbuster actuel ni dans son public (un peu comme moi en fait, ce Nathan m'est décidément très sympathique). "Weasels Rip My Flesh" peut être considéré comme une sorte d'équivalent ricain de "Mad Mutilator", en ce sens qu'il ne fait pas forcément partie de ces nanars qui vous font rire aux éclats sur toute leur durée, mais qu'il tire sa capacité de fascination hypnotique de son aspect complètement hallucinant et non-sensique. Le résultat n'est peut-être pas tel qu'il l'avait imaginé au départ et Nathan n'a pas caché sa légère déception par rapport au produit fini, mais pour les nanardeurs, ses belettes déchireuses de chair sont désormais un petit classique incontournable.

Le fantastique John Smihula alias l'inspecteur James Cameron alias "le flic de choc trop cool avec ses cigares et ses lunettes noires" reviendra dans de nouvelles aventures intitulées "Long Island Cannibal Massacre", cette fois pour enquêter sur les exactions d'une secte de lépreux anthropophages menés par un zombie mutant violeur d'adolescente. Un nouveau long-métrage tourné l'année suivante par un Nathan Schiff encouragé par le bon accueil que les autres étudiants de son lycée réservèrent à "Weasels", et conscient de la demande fébrile de ses fans de voir de nouveaux monstres grumeleux plonger la campagne new-yorkaise dans une nouvelle vague de crimes ketchupesques en Super-8. Ce second opus de la "franchise" de James Cameron (le policier, pas le mec qui fait couler les paquebots) s'avère un brin moins nanar que son prédécesseur et un peu plus abouti au niveau de son ambiance malsaine et crépusculaire, mais se révèle heureusement d'un non-sens scénaristique encore bien plus poussé avec des twists totalement improbables et une ambiance d'un autre monde qui mériteraient bien une autre chronique.










"Nan mais regarde-moi ça Nathan, t'en as mis partout ! Et c'est à qui de nettoyer après ?!"
"Mais-euh, m'man, c'est pour faire un grand film d'Hollywood !"



"J'adore qu'un plan se déroule sans accroc."

- Jack Tillman -
Moyenne : 3.00 / 5
Jack Tillman
NOTE
3.5/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Si l'éditeur américain "Cult Cinema Collection" n'avait pas ressorti sur support numérique les trois premiers films de Nathan Schiff, à savoir "Weasels Rip My Flesh", "The Long Island Cannibal Massacre" et "They Don't Cut The Grass Anymore", il est probable que nous n'aurions jamais entendu parler de ce metteur en scène et de son œuvre, ce qui eut été fort dommage. "Weasels Rip My Flesh" a donc bénéficié d'un "New Digital Transfer" dans un copieux DVD zone 0 contenant en bonus un commentaire audio et une interview de Nathan Schiff, des interviews de ses comédiens John Smihula et Fred Borges, des trailers promotionnels des trois films pré-cités (où l'on apprend qu'à un moment le film devait s'appeler "Giant Weasel Strikes Brooklyn"), six sympathiques courts-métrages muets du jeune Nathan Schiff et une galerie photo. Visuel en tête de chronique. Il va sans dire qu'aucune VF de ce film n'existe (pas de sous-titres non plus).


Mais va t-en vilaine bête !