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Yéti, le Géant d’un Autre Monde

(1ère publication de cette chronique : 2005)
Yéti, le Géant d’un Autre Monde

Titre original :Yeti, il gigante del ventesimo secolo

Titre(s) alternatif(s) :Big Foot, Yeti: The Giant of the 20th Century

Réalisateur(s) :Gianfranco Parolini (alias Frank Kramer)

Année : 1977

Nationalité : Italie

Durée : 1h58

Genre : L’Attaque de la moquette géante

Acteurs principaux :Donal O'Brien, Mimmo Crao, Antonella Interlenghi, Tony Kendall, John Stacy

Nikita
NOTE
4/ 5


Quand on veut péter plus haut que son cul, on fait un trou dans son dos (proverbe picard). C'est à peu près ce qu'aurait dû se rappeler Gianfranco Parolini avant d'entreprendre le tournage de ce Yéti qui allait le faire passer à la postérité d'une manière assez peu enviable. Car nous assistons là au crash en piqué du cinéma bis italien, qui se couvre de ridicule en voulant copier servilement les superproductions hollywoodiennes : on quitte le registre de l'artisanat des années 1950-60 pour donner tête baissée dans le n'importe quoi, qui allait ensuite s'épanouir dans les post-apocalyptiques les plus douteux.


Après « L'Homme Puma », intégralement conçu comme une réponse italienne à « Superman », le cinéma italien s'engage ici sans peur dans un second round, qui consiste à rivaliser avec « King Kong ». Dino De Laurentiis avait en effet lancé la production de son remake du film de 1933, déchaînant la frénésie des plagiaires de tous poils : on vit ainsi fleurir « Le Colosse de Hong Kong », l'américano-coréen « King Kong revient » (alias « A.P.E. »), le piteusement parodique « Queen Kong » (le seul film à avoir eu un procès de la part de De Laurentiis) et enfin ce « Yéti… » qui, s'il n'est pas le pire du lot, remporte selon moi, haut la main, la médaille du nanar d'or deux fois plus kong.


Oh, ils ont détérré une bite géante ! Ah bon c'est un yéti ?


Prudemment caché sous le pseudonyme de Frank Kramer, Parolini mixe frénétiquement des éléments du scénario de « King Kong » : un scientifique et un profiteur capitaliste confrontés à l'exploitation d'un monstre géant dont ils ont fait la découverte ; ledit monstre lâché dans la nature. On rajoute dans la tambouille des gamins énervants et un chien savant pour plaire au jeune public, on agrémente l'ensemble d'une musique branchée (enfin, branchée dans les années 70) et on sert le tout : si on ne vend pas ça partout dans le monde, c'est à vous dégoûter d'être malhonnête !


Patatras : non seulement le remake de « King Kong » n'obtint pas le succès escompté, plombant les espoirs des suiveurs, mais Parolini ne réussit même pas à fourguer son bébé aux studios américains dont il espérait un investissement. Faute d'avoir fracassé le box-office, « Yéti, le géant d'un autre monde » devait demeurer dans les mémoires comme un magnifique accident industriel, digne des plus beaux gadins de l'arrière-ban du show-business.
Le récit démarre sur les chapeaux de roue avec la découverte dans les glaces du Groenland du corps d'un Yéti congelé. Morgan Hunnicut, industriel adipeux, persuade son ami le Professeur Waterman de diriger l'opération « décongélation du yéti ».




Le Professeur Waterman, qui va se livrer durant tout le film à un concours de couvre-chefs ridicules.





Morgan Hunnicut rit de sa bonne affaire.


Le capitaliste ventripotent estime en effet que la créature, une fois ramenée à la vie, fournira à ses entreprises une publicité des plus fructueuses. Waterman accepte et supervise le transport du corps gelé du Yéti et sa décongélation, effectuée en l'emmenant par hélicoptère dans les hauteurs, là où il pourra s'alimenter de gaz carbonique et de rayons ultraviolets, ce qui aura pour effet de le ranimer.




« Nous devons lui donner de l'oxygène! C'est essentiel pour qu'il puisse respirer ! » (sic)


Si l'on passe sur le côté grand-guignolesque des explication scientifiques – on a vu pire – le véritable dérapage de « Yéti, le géant d'un autre monde » se situe à un niveau purement technique. Dès l'apparition de la créature-titre, l'évidence se fait jour : les effets spéciaux sont les pires jamais vus sur un écran depuis les premières années du cinéma muet, au point qu'on les croirait bâclés par un Georges Méliès en panne de talent. Le yéti est en effet interprété par un acteur revêtu d'un costume de fourrure et les surimpressions destinées à nous faire croire que la créature géantes partage l'image avec les acteurs nous donne droit à quelques-unes des transparences les plus ratées jamais vues. Du vrai travail de sagouin, à se faire sacquer dans n'importe quelle école de cinéma !










Le réveil du yéti.















Le yéti, l'ami des enfants.


Le comédien interprète du yéti, un certain Mimmo Crao, tente de donner le change en chargeant avec l'énergie du désespoir, dans deux registres : « cocker battu en manque de câlins » pour les séquences émotion et « cris de Bruce Lee » pour les scènes d'action. Ce qui nous vaut un véritable festival de cabotinage qui, marié à l'incompétence technique généralisée, donne lieu à une double strate de catastrophe artistique. Mais cela ne serait rien sans la naïveté générale du scénario, qui nous promet un film de monstre géant bien hargneux et nous refourgue un spectacle pour jeune public en mal de Disneyeries. Les auteurs ont en effet décidé de jouer à fond sur le côté « sympathique » de King Kong, oubliant 80% de son côté « effrayant » : le yéti est une brave pâte adorable et gentille comme tout, qui ne s'énerve que quand on lui fait peur. La vedette est tenue par les deux petits-enfants de Hunnicut, une jeune fille affable et pure comme l'aube (Phoenix Grant, de son vrai nom Antonella Interlenghi) et un jeune garçon muet (séquences émotion supplémentaire avec la présence d'un enfant handicapé). Comme si cela ne suffisait pas, on nous rajoute un colley savant qui nous rejoue l'intégrale de « Lassie chien fidèle ». On voulait « King Kong », on a « Monsieur Joe » ! Remboursez !








Le merchandising de Hunnicut bat son plein !


Mais l'action ne va pas tarder à démarrer, car des méchants capitalistes concurrents d'Hunnicut ont décidé de saboter l'opération « Yéti » afin que leur ennemi ne s'en mette pas plein les fouilles.






Non seulement ils sont méchants, mais en plus ce sont des fashion victims des années 70 !


On ne voit d'ailleurs pas trop en quoi consiste leur plan tant l'opération « arrivage du yéti en ville » est menée en dépit du bon sens par Hunnicut, en ceci qu'on ne voit pas comment il espérait éviter que la créature ne s'échappe en pleine ville (mais comment la mairie a-t-elle pu lui en donner l'autorisation ??). Déposé sur le toit d'un building, le yéti est libéré, sans aucune entrave, face aux journalistes. Effrayée par les flashes des appareils photos (des flashes en plein jour, soit dit en passant), la créature s'échappe aussitôt et sème la panique en ville. A se demander comment Hunnicut a pu faire fortune en étant si stupide !










Signalons au passage que l'arrivée du Yéti en ville nous vaut un nouveau festival d'effets spéciaux ratés : l'action est en effet censée se passer au Canada, et certaines scènes ont visiblement été tournées là-bas. Or, les acteurs italiens n'ont manifestement pas fait le voyage jusqu'au Canada, d'où plusieurs plans qui tentent pitoyablement de les intégrer à l'image pour faire croire qu'ils se trouvent sur place. La preuve par l'image :






Les acteurs italiens tapent (mal) l'incruste...


Festival Yéti !













Quelques mots sur le casting : on note la présence de Tony Kendall (de son vrai nom Luciano Stella), vedette de sous-James Bond italiens dans les années 1960, qui se voit ici transformé en vague sosie de Dirk Benedict (mais si, vous savez, celui de « L'Agence tous risques » et « Galactica »).


Quant à Donal O'Brien, il nous gratifie d'un cameo parfaitement inutile en chef de la police. Ca fait toujours une tête vaguement connue au casting !


A tout prendre, « Yéti, le géant d'un autre monde » n'est pas ce que le bis italien nous a offert de pire, d'un point de vue purement cinématographique. La mise en scène est à peu près correcte, les acteurs font plutôt bien ce qu'on leur demande de faire. Mais il semble qu'au niveau de la post-production, un dysfonctionnement quelconque ait eu lieu : les techniciens des effets spéciaux se sont-ils mis en grève, le studio a-t-il fait faillite, le réalisateur a-t-il sombré dans l'alcoolisme en plein mixage ? Toujours est-il qu'entre les prises de vue et l'intégration du yéti au reste de l'image, quelque chose s'est passé, qui nous a valu les images les plus techniquement pourraves de toute l'histoire du cinéma, à croire que le yéti était découpé à même la pellicule avec des ciseaux, puis collé sur les images avec de la super glu bien baveuse.




Ajoutons enfin que personne ne semble s'être mis d'accord sur la taille du yéti qui mesure, selon les plans, dix, vingt ou cinquante mètres de haut. On n'en est plus à ça près.



Dix ans de cours Florent pour faire ça !


Totalement anachronique de par le décalage entre sa désuétude technique et son ambition affichée, « Yéti, le géant d'un autre monde » est un exemple flagrant d'inconscience totale de la part de ses auteurs, persuadés de révolutionner le film de monstres alors qu'ils ne faisaient qu'enterrer le cinéma italien. A voir pour le croire : des années après sa réalisation, ce spectacle familial bricolé en dépit du bon sens résonne encore à nos oreilles comme un véritable coup de canon contre le bon goût et les bonnes mœurs ! KISS ME, YETI !!


- Nikita -
Moyenne : 3.44 / 5
Nikita
NOTE
4/ 5
LeRôdeur
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5
Mayonne
NOTE
4/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Peter Wonkley
NOTE
3/ 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Jack Tillman
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Ce film semble curieusement avoir été consciencieusement oublié par les éditeurs. On a longtemps eu droit à de modestes DVD-R anglo-saxons peuvent être achetés en ligne chez "Luminous films" ou chez "Bijouflix" rippés directement à partir d'une VHS. Puis en 2014 est apparu un DVD zone 1 chez l'obscur "Cfs Releasing" spécialisé dans l'édition bas de gamme de films avec des jaquettes plus ou moins volantes. Toutefois là c'est bien le bon film, en anglais, exporté à l'arrache sous un visuel reprenant l'affiche internationale.




En France, bonne chance pour trouver les VHS d'époque aux "Editions du Tigre Vidéo".

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