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Peter et David Paul

(1ère publication de cette bio : 2012)

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Les rivaux de Rambo, rien que ça !


A Nanarland on se moque, on se moque, mais soyons honnêtes, dès qu'on gratte un peu, on s'aperçoit qu'en fait les acteurs nanars, nous, on les aime bien. Et dans le genre sympa, indéniablement, les frères Paul se posent là. Des gamins de six ans qui se seraient incarnés dans le corps de mastards de 120 kilos avec des bras comme mes cuisses. Des mecs larger than life, le genre qu'on aimerait bien avoir comme copain, d'abord parce qu'avec des potes comme ça plus personne viendrait vous embêter à la récré et surtout parce qu'avec eux, on serait sûr de pouvoir faire les pires bêtises en se marrant comme des bossus.


Tous les témoignages concordent sur le fait que dans la vie, Peter et David Paul sont comme à l'écran : deux gros costauds rigolards, pas finauds finauds mais avec un coeur gros comme ça, et jamais les derniers dans la déconne. Le cinéma ne s'y est d'ailleurs pas trompé en récupérant les jumeaux culturistes pour les mettre à l'écran dans des aventures de plus en plus enfantines. Avec leurs mulettes insouciantes, leurs jeans troués et leurs bandanas fluos, ils représentent plus que tout autres la Californian Touch des années 80.


Les frères Paul : un style inimitable qui n'appartient (heureusement) qu'à eux.


Les frangins sont nés en 1957 à Hartford, dans le Connecticut. Peter est l'aîné de trois minutes. Ils sont les troisièmes et quatrièmes enfants d'une famille déjà sportive, qui s’installe par la suite à Narragansett, Rhode Island. Leurs parents, Lenny et Terry Paul, pratiquent à haut niveau marathons et compétitions de ski, tout comme les deux aînés, Hap et Debbie, qui obliqueront une fois adultes vers des carrières médicales. Les jumeaux, eux, sont moins doués pour les études et se décrivent dans leurs interviews comme des enfants hyperactifs, habitués des conseils de discipline à l'école et des urgences à hôpital. Il faut dire aussi qu'on leur a diagnostiqué une sévère dyslexie qui les pousse à se consacrer en priorité au sport. Ils s’intéressent à la lutte et au football mais s'éclatent véritablement dans la culture physique et l'haltérophilie, qu'ils pratiquent régulièrement. Arrivés à l'âge adulte, sans véritable projet professionnel précis, Peter et David décident en mai 79 d'aller tenter leur chance en Californie et débarquent sur la scène du culturisme, à Venice Beach, la Mecque du bodybuilding.


A Venice, ils établissent leurs quartiers au "Gold's Gym", un célèbre centre d'entraînement où se croisent aussi bien le gratin des souleveurs de fonte que les vedettes d'Hollywood venues se remettre en forme. On y a vu traîner Arnold Schwarzenegger et Lou Ferrigno, Jane Fonda et David Lee Roth. Rapidement, ils se font remarquer par leur caractère exubérant et leurs capacités physiques hors normes. Faut dire qu'ils ne s’embarrassent pas vraiment de subtilité, les frangins. Les méthodes d'entraînement scientifiquement étudiées, les programmes de développement corporel respectueuses du biorythme, tout ça c'est bien gentil mais ça remplace pas l'exploit physique à la brutale. Stakhanovistes du bodybuilding à la dure, ils développent une méthode très personnelle qui consiste à soulever des poids toujours plus lourds, toujours plus longtemps, à grands renforts de beuglement sonores. A moins de 200 kg, c'est pas la peine.


Diverses photos tirées de magazines de culturisme d'époque.


Pete Grymkowski, champion du monde 77 de culturisme et patron du Gold Gym, décrit leur méthode médusé : "A poids égal, ils ont une plus grande densité musculaire que n'importe quel autre bodybuilder de ce pays. Et on ne sait même pas quel est leur maximum parce qu'ils continuent à progresser." ("Pound for pound, they have greater muscle density than any bodybuilder in the country. And we don't even know what their peak will be because they're still climbing.")


"Train till you die" est leur slogan, et cet entraînement extrême leur vaut vite le surnom de "Frères Barbares". Faut reconnaître aussi que commencer ces sessions d'entraînement en engloutissant 36 œufs pour se gaver de protéines, ça vous pose un homme.

Chose curieuse, les jumeaux ne semblent pas intéressés par les concours de bodybuilding. Avec leur look improbable, leur franc parler et leurs performances étonnantes, ils acquièrent pourtant une notoriété dans le milieu des salles de gym qui leur permet de faire la couverture des magazines spécialisés, vendre des posters et des T-shirts à leur effigie etc., preuve qu'ils savent parfaitement rentabiliser leur image sans avoir à courir les compétitions.


Fatalement le cinéma leur tend les bras. Ils sont repérés par un Joël Schumacher encore débutant qui ne peut résister à la vue de ces grands gaillards tous muscles dehors, et leur offre leur premier rôle en 1983 dans D.C. Cab, une comédie gentiment lourdingue mettant en vedette Adam Baldwin, Irene Cara, Gary Busey et Mister T. Crédités sous le nom des "Barbarian Brothers", ils y incarnent Buddy et Buzzy, des chauffeurs de taxis sympas, barbus, rigolards et bas du front. Pas vraiment des rôles de composition. Un camion klaxonne parce qu'ils bloquent la rue avec leur taxi ? Pas de problème, ils démontent la cabine à main nues. Le film connaît un honnête succès et lance leur carrière.


Mais curieusement, là encore, ils ne persévèrent pas immédiatement dans cette voie. Le cinéma ne semble qu'une simple activité périphérique par rapport à l'entraînement physique et l'exploitation de leur image de culturistes. On les croise bien dans un épisode de K2000, ou en quasi figurants dans Le Kid de la plage avec Matt Dillon, mais c'est à peu près tout. Les frangins ne semblent pas pressés de briller au cinéma. Il faut attendre 1987 pour les voir revenir sur les plateaux et s'illustrer dans une production à leur démesure : l'immense Les Barbarians de Ruggero Deodato.


Après le succès de Conan le Barbare, la Cannon de Golan & Globus se doit de réagir, et cherche à grappiller les miettes du succès en produisant son propre film médiéval fantastique. Avec pour le même prix non pas un, mais deux culturistes en pagne. Et les Barbarians Brothers sont évidemment les vedettes rêvées pour un tel projet.

Le film coproduit avec l'Italie pille ouvertement l’esthétique du chef-d’œuvre de John Millius, et se donne des allures de super production alignant les trognes patibulaires de Richard Lynch et Michael Berryman pour jouer les méchants. Peter et David incarnent Kutchek et Gore, deux jumeaux séparés à la naissance, élevés comme esclaves pour devenir de véritables machines de guerre, avant de découvrir qu'ils sont les seuls à pouvoir vaincre le roi sorcier responsable de tous leurs malheurs. Sauf que quand Deodato découvre ses acteurs, il tombe de haut. Deux grands dadais qui passent leur temps à faire des blagues de potaches, à pousser des cris d'animaux et qui s’avèrent incapables de jouer sérieusement la moindre de leur scène. Face à ce désastre, il décide d'abandonner tout sérieux et de pousser franchement le film sur la voie de la parodie.


Deux gif extraordinaires piqués sur le forum de getbig.com, et qui permettent d'admirer l'intensité dramatique du jeu des jumeaux.


Les frérots écopent illico du Razzie Award de pires nouvelles stars de l'année 88. Il n'empêche, leur carrière est cette fois lancée pour de bon et ils tournent dans la foulée une poignée de films à leur gloire, où ils transposent leurs personnages de culturistes chamailleurs dans des histoires de plus en plus clairement orientées vers le jeune public. Ils tiennent d’abord des seconds rôles pittoresques, comme dans l’oublié Fantôme malgré elle, une comédie fantastique où ils jouent deux hommes de main, ou dans The Road Raiders, sorti très furtivement en vidéo chez nous sous le nom de Mad Raiders. Dans cette espèce de mix entre Mad Max et L'Agence Tous Risques, où zone également Bruce Boxleitner, ils incarnent des soldats américains de la Seconde Guerre mondiale qui affrontent les Japonais dans des engins bricolés à partir d'épaves. Le tout dans des Philippines reconstituées en Floride ! (le contraire de Laser Force en fait).


Puis ils accèdent de nouveau à des premiers rôles dans des comédies familiales spécialement conçues pour eux. Ils jouent ainsi les camionneurs dans Think Big avec le géant Richard Kiel, échappé de James Bond, Tony Lister et David Carradine. Au passage les voici en tournée promo au Japon avec Richard Kiel, montrant leur puissance et poussant la chansonnette

Ils recroisent d’ailleurs Carradine dans Double Trouble (le temps d’une scène, le vieux briscard s’étant fait la spécialité des apparitions éclair dans des films, l’occasion de toucher un chèque et de mettre son nom sur l’affiche) où ils reprennent comme dans Les Barbarians l'idée des jumeaux séparés à la naissance, l'un devenant flic, l'autre voleur, et devant faire équipe pour affronter des malfaisants.


Citons encore Twin Sitters alias Jumeaux Jumeaux, dans lequel ils deviennent les gardes du corps / nounous de deux insupportables gosses de riches, jumeaux eux aussi, menacés par Georges Lazenby. Peut-être leur film le plus personnel puisqu'ils le co-produisent. Il est à noter qu'ils sont les auteurs de la chanson du film, même s’ils ne poussent pas le vice jusqu'à chercher à l'interpréter ! Ah, on me glisse dans mon oreillette que si, ce sont bien eux qui beuglent en fond "At war with the weights" sur le hard rock FM de Paul Sabu (à qui l'ont doit aussi la BO de Hard Rock Zombies)… la vache ! Gros riffs Power !!


En fait, ils participent pleinement à la composition de la B.O. du film, interprétant des raps définitifs dont les titres semblent vouloir exprimer la quintessence de ce que sont nos frangins culturistes. Qu’on en juge avec des titres comme "Shut Up," "Whatcha Lookin’ At?", "I Ride my Harley" ou "Brothers Forever". Le virus de la musique semble bien les avoir atteint puisque dès lors, on peut régulièrement les voir se lancer dans des battles de rap endiablés sur les plateaux télé où ils lâchent le flow comme des guedins.


Même quand ils chantent, les frangins se donnent au maximum.


Mais une fois encore, malgré un vrai succès de vidéo-club, le cinéma demeure une activité secondaire pour eux. Leur dernière apparition d'envergure est dans Tueurs Nés d’Oliver Stone, et encore la scène écrite par Quentin Tarantino où ils sont interrogés par un journaliste joué par Robert Downey Junior est elle coupée au montage !

Ils retournent à la musculation pure et dure et continuent à parader dans les conventions de bodybuilding, multipliant les couvertures de magazines spécialisés, présentant des régimes hyper protéinés et les programmes télé de fitness. Avec l’âge, l’heure de la reconversion commence à arriver mais, fidèles à leur insouciance légendaire, ils ne semblent pas avoir prévu de vrai plan de carrière.


Un florilège de photos promo : certaines sont tout simplement... autres !


Même s’ils continuent à hanter les salles de sport, on les voit désormais moins dans les magazines à l’orée des années 2000. Si David se lance dans la photo et commence à publier dans des revues de culturisme, Peter semble lui frappé par une vague de mysticisme qui le fait embrasser un mode de vie new age flamboyant.

Ils apparaissent en 2005 aux côtés de l’imbibé Gary Busey dans Souled Out, une production amateure assez obscure réalisée par Charles Adelman, un vidéaste jusqu’alors spécialisé dans les exhibitions de filles en bikini sur des plages paradisiaques dans la série Swimsuits Illustrated. Ce téléfilm quasiment invisible n'a pas d'affiche connue, et ne semble jamais avoir été édité sur quelque support que ce soit. Il est décrit par les quelques happy few qui ont pu le voir comme une comédie assez sympa où David incarnerait un musicien vendant son âme à un Satan interprété par… Peter ! Peter qui fera en solo une apparition secondaire dans The White Horse is Dead, un thriller érotique arty à base de frustration adolescente, de sangsues utilisées comme stimulant sexuel et d’images saturées qui se la jouent. Le tout signé d’un mystérieux Pete Red Sky dont c’est la seule œuvre connue.


Encore un film qui se prévaut d'avoir été sélectionné dans deux obscurs festivals locaux où il suffit en fait de s'inscrire pour être présenté !


Les frangins sont depuis repartis en Nouvelle Angleterre. David semble avoir trouvé une certaine stabilité dans l’art photographique, ayant semble t-il acquis une réelle reconnaissance dans le milieu. S'il se consacre toujours essentiellement au milieu de la culture physique, comme en témoignent ses livres, il aime aussi shooter visages et paysages.


Le dernier livre de David.


Il n’en est pas de même pour Peter, qui semble lui avoir pété une durite. Traversant une sorte de crise mystique où il se décrit comme un chevalier de lumière, il est retourné à Narragansett dans le Rhode Island, et s’est installé dans une église désaffectée qu’il a retapée. Semi clochardisé, toujours vêtu de ses incroyables fringues trop larges « à la barbarian », mi-indien mi-culturiste, on l’a vu errer du côté d’une université du Vermont voisine, dansant et rappant sous le nom de "Sweeter Peter Palpin" au point, d’après certains témoignages, de se voir interdire par la justice de harceler les étudiants de passage avec ses happenings. S'il est toujours en forme et témoigne d'un physique impressionnant à plus de 55 ans, les vidéos et les nombreux posts délirants que Peter adresse à des sites internets laissent perplexe, voire même un peu peiné. Qu'on en juge...

David, visiblement fasciné par le trip mystique de son frangin, aurait aux dernières nouvelles (été 2012) pour projet de tourner Faith Street Corner Tavern, un film expérimental où Peter tiendrait la vedette et aurait enfin l’occasion d’exposer au monde son illumination. La bande-annonce visible sur youtube est assez hallucinante, mélangeant les délires textuels de l'un aux expérimentations filmiques de l'autre. S’il ne semble jamais avoir dépassé le stade du trailer, Faith Street Corner Tavern semblait pourtant bien parti pour être une expérience totalement baroque (surtout si on prend le temps d'écouter la toute dernière scène, qui donne une vraie dimension tragique à l'ensemble).

Après tout, avec les frères Paul, la démesure semble la norme…


N’empêche, nous aussi on est fans !

Hélas, le 6 mars 2020 nous avons appris avec tristesse la mort dans son sommeil de David Paul, deux jours avant son 62ème anniversaire, nous laissant partiellement orphelin de deux grands frères rigolards et diablement attachants.

Sources (notamment iconographiques) : Getbig.com  ; Sports Illustrated Online ; Popculturemag.com (site désormais disparu)

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie



2013 - Faith Street Corner Tavern (réalisation et scénario David Paul)

2005 - The White Horse is Dead (Peter seulement, crédité aussi comme co-producteur)

2005 - Souled Out (acteurs et co-producteurs)

1994 - Tueurs nés (Natural Born Killers) (scène coupée au montage)

1994 - Jumeaux Jumeaux (Twin Sitters)

1992 - Double Trouble / A chacun sa loi (Québec)

1989 - Think Big

1989 - Fantôme malgré elle (The Ghost Writer)

1989 - Mad Raiders / Le commando de la dernière chance (Québec) (The Road Raiders)

1987 - Les Barbarians (The Barbarians)

1984 - Le Kid de la Plage (The Flamingo Kid)

1983 - D.C. Cab