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Escape from Death Block 13

(1ère publication de cette chronique : 2022)
Escape from Death Block 13

Titre original : Escape from Death Block 13

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Gary Jones

Producteur(s) :Gary Jones

Année : 2021

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h44

Genre : Bronsonsploitation

Acteurs principaux :Lawrence Hilton-Jacobs, Robert Kovacs alias Robert Bronzi, Chris Hahn, Nicholas Turturro, Debbie Scaletta, Lyindaa Russell

John Nada
NOTE
2.5/ 5

Après la mort de son frère Laslo lors d’un accident du travail suspect, le bourru Miklos Kovacs se rend en Amérique pour demander réparation auprès de son employeur. La situation dégénère. Arrêté et condamné à tort pour extorsion et tentative de meurtre, Miklos est envoyé au tristement célèbre bloc N°13 du pénitencier de Pleasant Hill.

Autant l’avouer d’emblée : Escape from Death Block 13 est un tout petit nanar. Un actionner cheapos, correctement emballé mais déroulant sans une once d’originalité tous les poncifs du b-movie en milieu carcéral. Le seul élément qui le distingue des centaines de productions du même acabit, c’est son acteur principal un peu particulier. La présence sur Nanarland de Escape from Death Block 13 est donc, je le confesse, un quasi-prétexte pour m’épancher sur mon gros crush nanar du moment, mon nouvel acteur mauvais préféré : Robert Kovacs, alias Robert Bronzi, improbable sosie de Charles Bronson.

Charles « presque » Bronson.

Robert Kovacs est né en 1955 dans la banlieue de Budapest, en Hongrie, dans une famille modeste. Son père était mineur de fond (Charles « Bronson » Buchinsky, onzième enfant d’une famille d’immigrés lituaniens, a lui même travaillé dans une mine de charbon, parmi les nombreux métiers qu’il a exercés avant de devenir acteur). Sur son site internet, Robert Kovacs dit avoir travaillé comme charpentier, comme musicien, met en avant son service militaire ou ses compétences en judo et en Muay Thai pour soigner sa street cred', mais c’est surtout sa passion pour les chevaux qui semble avoir marqué son parcours. Un intérêt qui lui serait venu en regardant les westerns américains et italiens dans la salle de ciné de son quartier. « A compter du jour où j’ai vu Il était une fois dans l’Ouest [en 1969], j’ai su que je voulais travailler dans l’industrie du spectacle. »

« Quand j’avais dans les 20 ans, un ami avec qui je travaillais dans un élevage de chevaux n’arrêtait pas de me dire que je ressemblais à Bronson. Alors je me suis laissé pousser la moustache et j’ai commencé à me coiffer comme lui. Et dès lors, tout le monde s’est mis à dire que je lui ressemblais. »

De fait, Robert Kovacs a longtemps travaillé en Espagne comme dresseur de chevaux, cavalier et cascadeur dans des parcs d’attraction ayant pour thème le Far West. Pendant des années, il joue ainsi les cowboys dans des spectacles pour touristes sur la Costa Dorada, les îles Canaries et surtout à Almeria, en Andalousie, dans les décors qui servirent autrefois de lieux de tournage à de nombreux westerns spaghetti et paëlla.

« Port Aventura », « Rancho Texas Park », « Fort Bravo - Texas Hollywood »… Robert Kovacs les a tous faits.

C’est là qu’un jour il est repéré par le réalisateur américain Rene Perez, qui tourne alors une série dans le coin. Bluffé par la ressemblance de Kovacs avec Bronson, Rene Perez l’invite à venir en Californie, le rebaptise Robert Bronzi et propulse notre Hongrois de 62 ans en tête d’affiche de From Hell to the Wild West, western horrifique vraiment pas terrible qui sortira en 2017. A l’âge où la plupart prennent leur retraite, Bronzi entame ainsi une fulgurante nouvelle carrière, tel un météore magyar fonçant dans la galaxie des direct-to-video ultra fauchés.

Hongrois que c'est Charles Bronson, mais en fait non.

Dans la foulée, il va enchaîner pour le même réalisateur des titres ultra-bis comme Death Kiss (2018, reboot officieux de Death Wish / Un justicier dans la ville qu’un critique américain qualifiera de « meilleur film jamais tourné par la Cannon »), le western Once Upon a Time in Deadwood (2019), le thriller horrifique Cry Havoc (2020)…

Dans l’enfer du bis : affrontement au sommet entre un clone de Charles Bronson et un clone de Jason Voorhees dans Cry Havoc (2020).

Puis c’est le producteur Jeff Miller qui le récupère pour Escape from Death Block 13 (2021), The Gardener (2021, un home invasion movie dans lequel Bronzi, jardinier dans un manoir en Angleterre, affronte Gary Daniels), Exorcist Vengeance (2022, un sous-L'Exorciste où Bronzi campe un prêtre dur à cuire).

Le Bagarreur contre les esprits frappeurs, alias Le Justicier braque les démons.

Escape from Death Block 13 s’ouvre sur quelques plans relativement soignés, où l’on découvre Bronzi singeant le Bronson de Mister Majestyk, avec une veste en cuir et une casquette similaires. Il faut reconnaître que sous certains angles, la ressemblance est vraiment bluffante. Le film tient ainsi la route durant ces premières minutes d’exposition, jusqu’à ce que... Bronzi ouvre la bouche. Damned ! L’anglais est prononcé laborieusement, avec un très fort accent, mais c’est immédiatement et savamment justifié par un script, qui nous apprend que Bronzi incarne – comme c'est pratique – un Hongrois nommé Miklos Kovacs, qui débarque tout juste en Amérique. Ce n’est plus un rôle de composition, c’est du sur-mesure, du cousu-main. A la limite Bronzi n’a plus besoin de jouer, il lui suffit d’être lui même. Bien vu le scénariste !

Bronzi déguisé en Bronson, période Mister Majestyk.

Une poignée de minutes s’écoule et, pour le spectateur indulgent, tout semble encore se tenir à peu près. Jusqu’à la première scène d’action. Une baston incroyablement balourde qui voit Bronzi et une poignée de sbires nanars se castagner dans un entrepôt. Il ne serait guère charitable de se moquer de Bronzi, 65 ans au compteur et épais comme une barrique de gros rouge, qui fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. Ses adversaires, bien plus jeunes et tout aussi patauds, ne méritent pas autant d’indulgence. Leur jeu de jambes digne de phacochères fins saouls, leurs petits sauts évoquant la légèreté d’un sac de ciment, les quelques bourre-pifs échangés avec une grâce hippopotamesque, lourdement appuyés par des bruitages tonitruants… Cette première incursion dans l’action anéantit instantanément la crédibilité du film qui n’a pas débuté depuis 10 minutes. L’illusion n’aura pas duré longtemps : on est bien dans du bis pur et dur, et la suite ne fera que nous le confirmer.

Des bastons d’un autre âge (le troisième, de toute évidence).

Le scénario de Escape from Death Block 13, c’est de l’avoine pour ruminants. Aux petits soins avec ses spectateurs, le réal’ Gary Jones nous sert à pleines louches, ras l’écuelle, tous les gros poncifs du film de zonzon. Le centre pénitentiaire dans lequel notre héros est injustement enfermé est un lieu sordide à souhait, un ancien asile psychiatrique peuplé de taulards patibulaires, de psychopathes ricanants et de matons sadiques, parmi lesquels Kovacs devra montrer les muscles pour se faire respecter.

Une prison pleine de voyous qui grimacent beaucoup…

…avec des cafards en images de synthèse…

…des matons armés de matraques électriques pour une ambiance son et lumière…

…et même un diabolique docteur nanar qui mène de sournoises attaques à la seringue.

La directrice de la prison est une horrible harpie ayant droit de vie et de mort sur ses pensionnaires, et comme par dessus le pompon elle est à la tête d’un vaste réseau de traffic de drogue, Kovacs n’aura d’autre choix scénaristique que de saisir un lance-roquettes option « munitions infinies » et tout faire péter, à grands coups d’explosions numériques moches, avant de s’évader comme dans un run & gun en mode super easy (disons plutôt un walk & gun), le tout sans transpirer ni se roussir les moustaches.

La directrice recrute des hommes de main pour son réseau en organisant des combats entre détenus.

Papy Bronzi, stoïque, se plie gentiment aux règles et réussit haut la main son intégration.

Le chef des gardiens, beau spécimen de boss de fin de niveau. A noter que les matons portent tous des noms de réalisateurs qui ont tourné avec Bronson : Shaffner, Aldrich, Siegel...

John Woo faisait voler les colombes, ici on voit planer des pigeons numériques.

Incrustation de sosie filmé sur fond vert + explosion numérique moche = joli combo.

Sans vouloir jouer les blasés, sur Nanarland les clones et les sosies on en a vu passer quelques brouettes (voir la définition "sosies" dans notre glossaire). Des sosies de John Travolta (l’Italien John Travolto, vu dans John's fever, ce soir on s'éclate), de Sean Connery (son frère Neil dans Opération Frère Cadet), de Humphrey Bogart (l'Italo-Américain Robert Sacchi, qui a fait toute une carrière dans ce registre, avec des titres comme Détective comme Bogart), de Sylvester Stallone (le Turc Serdar, vu en Rambo dans Korkusuz et en Rocky dans Kara simsek), de Jerry Lewis (insupportable Sammy Petrillo dans Le Gorille de Brooklyn), de Bud Spencer et Terence Hill (Paul Smith et Michael Coby), sans oublier bien sûr les armées de sous-Jackie Chan (Jack Chan, Johnny Chan, Jackie Cheng…) et les légions de sous-Bruce Lee (Bruce Li, Bruce Le, Bruce Ly, Bruce Lea, Bruce Leung, Dragon Lee et même, déjà, un Bronson Lee tiens !). Mais tout ça, c’était… il y a 40 ou 50 ans ! Voir remis au goût du jour ce genre de pratique – alors que Charles Bronson est décédé depuis quasiment 20 ans, et que le deepfake et le Facial motion capture se sont banalisés – c’est assister au retour d’un margoulinage d’une autre époque.

« Justice has a familiar face »

Robert Bronzi est donc à Charles Bronson ce que Richie Hallyday ou Johnny Holloway sont à feu l’idole des jeunes : un ersatz hâtivement estampillé « sosie officiel », avec un petit quelque chose qui rappelle vaguement l’original, mais qui est bien loin d’en avoir la saveur. De loin, dans la pénombre, sur un plan furtif, ça peut passer. En gros plan, à la moindre bribe de dialogue, l’illusion ne tient pas une seconde. Et s’il faut jouer une émotion un tant soit peu complexe, c’est une catastrophe absolue. Lorsque des policiers lui apprennent que la mort de son frère n’était pas accidentelle, le pauvre comédien réagit avec la même énergie que si on venait de lui annoncer une hausse de 2% du prix du PQ.

« What? My brother was murdered? »

En interview, Bronzi nous confirme l’évidence : c’est quand il ne parle pas qu’il s’en sort le mieux. « J’aime jouer avec mon physique et les expressions du visage. J’ai l’habitude de jouer en live devant des foules, et comme souvent c’est très bruyant, on joue toujours sans parler. Mais vous pouvez exprimer tellement de choses rien qu’avec le corps et le regard. » Sauf que même avec la meilleure volonté du monde, Bronzi n’arrive pas à la cheville d’une boule de charisme comme Bronson. Même quand il est mutique, il ne dégage aucun magnétisme, aucune intensité dramatique. Là où Bronson vous transperçait de son regard pénétrant, Bronzi affiche un air placide, pour ne pas dire bovin. Là où Bronson, incarnation du taiseux viril, intériorisait beaucoup, exprimant parfois une colère rentrée, sourde, comme une bombe sur le point d’exploser, Bronzi a juste l’air d’une grosse coquille vide qui peine à exprimer quoi que ce soit. Au fond des yeux de Bronson, taillés en fente comme ceux d'un félin à l'affût, il y avait toujours cette lueur intense, qui pouvait cacher quelque insondable mystère (Le Passager de la pluie), un lourd secret, une détermination (Il était une fois dans l’Ouest), une profonde mélancolie (La Cité de la violence), une espiègle ironie. Dans le regard de Rantanplan de Bronzi, il n’y a que cette lourde interrogation : c’est quoi que je dois faire ? C’est quoi mon texte ? Quand c’est qu’on mange ?

Robert Bronzi est, euh… déterminé.

Ecrit, produit et réalisé par le bisseux Gary Jones (Crocodile 2 : Death Swamp, Mosquito, Spiders, Planet Raptor, Ballistica, Paranormal Phenomena…), Escape from Death Block 13 assume crânement son cahier des charges ultra basique : un héros bad ass, quelques bourre-pifs bien placés et de la mitraille pétaradante. Comme le faisait remarquer mon collègue Barracuda, les projets de Bronzi, « ça sent le cheap, ça pue le margoulinage de bas étage, c'est tout le cinoche bricolé des 70’s/80’s qu'on aime – un peu branlant, un peu marlou – qui semble faire son comeback ». A ce niveau, Escape from Death Block 13 est un vrai plaisir coupable qui nous ramène 40 piges en arrière. C’est comme si on venait d’exhumer une capsule temporelle, avec des scénarios d’époque inédits de la Cannon dedans. Mais avec un Bronson de BTP, visiblement plus à l’aise sur les chantiers que sur les plateaux. De fait, quand il ne tourne pas, Robert Kovacs travaille paraît-il dans l’entreprise de construction de son neveu, en Hongrie…

- John Nada -
Moyenne : 2.88 / 5
John Nada
NOTE
2.5/ 5
Rico
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
3.25/ 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Hermanniwy
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Escape from Death Block 13 est sorti en DVD zone 1 aux Etats-Unis chez l'éditeur "Uncorked", et au Royaume-Uni chez "UK-L". Des éditions ultra-basiques avec VO anglaise (a priori sans sous-titres) et zéro bonus. L’épure absolue.