Recherche...
Le glossaire du Pr. Ryback

Y comme …

Sosies



Se dit de deux personnes se ressemblant physiquement, ne serait-ce que sous un certain angle (de caméra ou de mauvaise foi).




Massimo Vanni alias Alex McBride, ersatz de Chuck Norris dans Robowar.

Un sosie de Vin Diesel dans MSG: The Messenger.

Un autre de Tom Cruise dans Dumbbells.


Plus improbable, un sosie de Josianne Balasko vampirise l’affiche de cette production française de 2022.

Au cinéma, on trouve absolument de tout, et le phénomène est loin d'être récent. Plus que de simples copieurs, qui se contentent de singer le modèle original (qui se souvient des Ritz Brothers, sorte de sous-Marx Brothers ?), les sosies jouent souvent à créer la confusion chez le public pas très attentif. Leur plan de carrière se résume souvent à grappiller quelques miettes de gloire dans le sillage d'une célébrité.


A gauche, Duke Mitchell, sosie vocal de Dean Martin. A droite Sammy Petrillo, sosie de Jerry Lewis. Un duo """comique""" qu'on vit notamment sévir dans Le Gorille de Brooklyn, avec Bela Lugosi. Les menaces de poursuites judiciaires de la part de Jerry Lewis en firent la première et dernière apparition du tandem à l'écran, les renvoyant dans les night-clubs dont ils n'auraient jamais dû sortir.

Robert Sacchi alias "L'homme au visage de Bogart" dans Meurtre dans la 17e avenue alias Maison de rendez-vous (1972).

Cet acteur italo-américain a fait toute une mini-carrière dans ce registre, avec des titres comme ce Détective comme Bogart (The Man with Bogart's Face, 1980).

Robert Sacchi, quand on le filme de 3/4, sous un angle bien précis, pas trop près de la caméra, avec une lumière tamisée, qu'on le coiffe comme il faut et qu'il n'ouvre pas la bouche, si tu lui mets un imper, et ben la vie d'ma mère j'te jure, il fait un peu penser à Humphrey Bogart.

Certains sosies ne sont employés que le temps d'un one-shot, dans des projets qui flirtent plus ou moins ouvertement avec la parodie. On peut citer par exemple les films italiens Opération Frère Cadet (1967) et John's fever, ce soir on s'éclate (1979). Pastiche de James Bond, Opération Frère Cadet met en vedette Neil Connery, frère de Sean (interprète de 007 à l'époque). Le réalisateur Alberto De Martino, dans une interview qu'il nous avait accordée en 2007, nous racontait : « Non seulement c'était le contraire d'un acteur, mais il ne ressemblait à rien. Mon père, qui était maquilleur, s'est occupé de lui, et l'a refait de pied en cap. Il perdait ses cheveux, donc on lui a mis une perruque ; il avait de vilaines dents, donc il a eu un dentier ; il avait un visage fade, on lui a mis une barbe ; il avait de petits yeux qui ne donnaient rien à l'écran, on lui a mis des adhésifs sur les tempes pour lui tirer les yeux et les faire davantage ressortir... Nous lui avions inventé un personnage de médecin hypnotiseur : il n'avait donc qu'à agiter les mains pour hypnotiser les gens, et il parlait le moins possible. A part ça, il faisait ce qu'il pouvait, mais je considère comme un tour de force d'avoir réussi à faire tenir debout le film. »

 

Voir également notre définition "fils de / frère de etc.", qui contient quelques correspondances avec celle-ci.

Dans cette même interview, Alberto De Martino évoquait également l’acteur néo-zélandais David Warbeck qu’il avait dirigé dans Miami Golem. Dans les années 1980, Warbeck a beaucoup tourné en Italie, notamment pour Antonio Margheriti et Lucio Fulci, et d’après De Martino la raison de ce plébiscite est toute simple : « les gens lui trouvaient un air de famille avec Jack Nicholson ». On vous laisse juger…

David Warbeck, très vague faux jumeau de Jack Nicholson dans Serpent noir, de Russ Meyer (1973).

Dans John's fever, ce soir on s'éclate, c'est un certain Giuseppe Spezia qui incarne John Travolto (!), héros de cette comédie romantique louchant complètement sur l'immense succès de La Fièvre du samedi soir sorti deux ans auparavant.



Le visuel de la VHS sortie en France, avec la tête de John Travolta coupée-collée sur un costume blanc peint à la gouache.


Plus surprenant, on a vu les Italiens copier leurs propres succès ! Ainsi, le duo formé par Terence Hill et Bud Spencer  (Mario Girotti et Carlo Pedersoli de leur vrai nom), spécialistes des films à base de grandes beignes et de plats de fayots, s'est vu photocopié à cinq reprises par un duo formé de Paul Smith et Michael Coby (alias Antonio Cantafora). Les titres, surfant ouvertement sur ceux de Spencer & Hill, relèvent du braconnage le plus grossier : Mon nom est Trinita (1974), Si ce n'est toi, c'est donc ton frère alias Les Deux super cowboys (1975), Trinita, connais pas (alias Ah mon pote ! / Bons, brutes, mais pas méchants / Les Mauvais Garçons, 1975), Trinita, nous voilà ! alias Trinita en veux-tu ? En voilà ! (1975), Pour pâques ou à la trinita (1976). Et les accrochent sur les affiches et jaquettes vidéo ne se privent évidemment pas d'évoquer "le duo irresistible" ou "le célèbre duo de choc".

Paul Smith et Michael Coby, les Terence Hill et Bud Spencer du pauvre.



La jaquette de la honte !

La célébrité ayant eu le plus grand nombre de sosies à l'écran demeure sans doute Bruce Lee. Véritable vache à lait du cinéma de Hong Kong, la mort prématurée du petit dragon en 1973 aura laissé un grand vide immédiatement comblé par des cohortes de producteurs avides. On vit ainsi apparaître des légions de sous-Bruce Lee en survêt' jaune, s'efforçant de reprendre tous les tics de la défunte star des arts martiaux dans des titres surfant sur ses grands succès (La Nouvelle fureur de vaincre, Exit the Dragon, Enter the Tiger etc.). Rebaptisés Bruce Li, Bruce Le, Bruce Ly, Bruce Lea, Bruce Leung, Bruce Thai, Bruce Lai, Bruce Lo, Myron-Bruce Lee, Dragon Lee etc., ces clones ont été si nombreux qu'on a donné un terme à ce cynique phénomène de copie carbone : la bruceploitation.

The Clones of Bruce Lee (1977), sans doute le titre le plus emblématique de la bruceploitation.

Les copies de Bruce Lee ayant été inombrables, on a vu débouler des choses assez improbables, comme un cross over entre Bruce Lee et Jackie Chan, un autre entre Bruce Lee et James Bond venu du Pakistan, un hybride japonais entre Bruce Lee et Charles Bronson baptisé Bronson Lee (!!!) et même un improbable Ilsa meets Bruce Lee in the devil’s triangle qui n'aura finalement jamais vu le jour, hélas.

50% Bruce Lee, 50% James Bond : voici l'agent 009 !


Jacky et Bruce défient le maître du karaté / Jackie et Bruce défient le maître du Kung-Fu / Jackie Chen défie Bruce (Jackie and Bruce To The Rescue / Jackie Vs. Bruce to the Rescue / Twin Ships / Fist Of Death), film de 1982 avec Jackie Chang et le Coréen Kim Tae Jeong dans le rôle de « Maître Bruce »…

Dans les années 1980, Hong Kong a également vu déferler, dans des proportions beaucoup plus modestes, une vaguelette de sous-Jackie Chan (Jack Chan, Johnny Chan, Jackie Cheng…)

Revenge of the Drunken Master (1984), un film de Godfrey Ho produit par Tomas Tang pour Filmark, avec en vedette Johnny Chan alias Jacky Chong !

Jackie le redoutable chinois (Fearless Master / Fearless Hyena 3, 1983) avec Jackie Chen.

Toujours plus loin dans l'escroquerie : un "Jackie Chan" est crédité au générique de Ninja the Protector (Ninja's Terror en VF), un 2-en-1 de chez IFD sorti quelques mois à peine après The Protector (alias Le Retour du Chinois en France ), film mettant en vedette le vrai Jackie Chan !

Ces lookalikes sont le plus souvent vis-à-vis de leur modèle ce que Richie Hallyday ou Johnny Holloway sont à feu l’idole des jeunes : un ersatz hâtivement estampillé « sosie officiel », avec un petit quelque chose qui rappelle vaguement l’original, mais qui est bien loin d’en avoir la saveur. De loin, dans la pénombre, sur un plan furtif, ça peut passer. En gros plan, à la moindre bribe de dialogue, l’illusion ne tient pas une seconde. Et s’il faut jouer une émotion un tant soit peu complexe, c’est une catastrophe absolue.



Vous n'avez pas de quoi vous payer Arnold Schwarzenegger ? C'est pas grave, vous pouvez toujours embaucher Robert Pentz, qui a été sa doublure sur quelques films : c'est pas cher, et ça peut rapporter... des clopinettes.

Robert Pentz, das große ersatz.

Dans les années 1980, plus qu'Arnold Schwarzenegger, c'est Sylvester Stallone qui semble avoir été le plus copié. Citons Peter O’Brian qui a fait une petite carrière en Indonésie dans ce registre, mais aussi le culturiste turc Serdar (vu en Rambo dans Korkusuz et en Rocky dans Kara simsek), Valentin Trujillo au Mexique ou encore le kickboxer sud-africain Paolo Tocha, re-baptisé "Bruce Stallion" (en référence à L'étalon italien / The Italian Stallion, film érotique américain de 1970 connu pour avoir offert à Stallone, alors quasiment inconnu, son premier rôle).

Peter O’Brian incarne John Rambu (!) dans The Intruder.

Peter O’Brian toujours, cette fois-ci dans une surprenante version résille de Cobra !

Serdar, le Stallone turc, dans le Rambo 2 turc.

Paolo Tocha alias Bruce Stallion dans L'Empire des ninjas.

Valentin Trujillo, le Sylvester Stallone mexicain.

Parfois, les sosies sont simplement employés pour incarner des personnages historiques décédés, ou des figures politiques qu'il serait impossible d'embaucher. Cet emploi plus légitime n'en constitue pas moins un savoureux vivier de sosies nanars. Les amateurs d'Histoire pourront notamment apprécier toutes les figures historiques vues dans les nanars propagandistes soviétiques de Mikhaïl Tchiaourelli comme La Chute de Berlin (1949), Le Serment (1946) ou L'Inoubliable année 1919 (1951).


Le comédien Mikheïl Gelovani dans le rôle de Staline...


...et V. Savelyev dans celui d'Hitler, tous les deux dans La Chute de Berlin.

Le fourbe Nikolaï Boukharine...


...le Général allemand Friedrich Paulus...

...et un autre Hitler bien gratiné dans Le serment (1946).


Winston Churchill...

...David Loyd George...


...Woodrow Wilson...


...et George Clémenceau, méchants nanars dans L'inoubliable année 1919 (1951).

Ces dernières années, on a ainsi vu un lookalike de Sarkozy cabotinant comme un fou dans le film de monstre géant japonais Monster X Strikes Back: attack of the G8 Summit (2008), et un sosie de Donald Trump dans le toxique Donald Trump, The Chosen (2020).



Le Président français "Escargot Sorkozy", dans le film de monstre géant japonais Monster X Strikes Back: Attack of the G8 Summit. Vous pouvez l'admirer en action dans notre rubrique vidéo (extrait 1, extrait 2 et extrait 3).


Donald Trump, The Chosen.

Alors qu'on pensait naïvement que le phénomène des sosies opportunistes avait plus ou moins disparu, on a vu apparaître en 2017 un certain Robert Kovacs alias Robert Bronzi, improbable clone hongrois de Charles Bronson, qui s'est dès lors mis à enquiller les direct-to-video cheapos comme Death Kiss (2018, reboot officieux de Death Wish / Un justicier dans la ville qu’un critique américain qualifiera de « meilleur film jamais tourné par la Cannon ») ou Escape from Death Block 13 (2021).. Voir remis au goût du jour ce genre de pratique – alors que Charles Bronson est décédé en 2003, et que le deepfake et le Facial motion capture se sont banalisés – c’est véritablement assister au retour d’un margoulinage d’une autre époque.


Robert Bronzi dans Escape from Death Block 13 (2021).