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Lastikman

(1ère publication de cette chronique : 2007)
Lastikman

Titre original : Lastikman

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Tony Y. Reyes

Année : 2003

Nationalité : Philippines

Durée : 1h45

Genre : Super-héros en grande forme

Acteurs principaux :Vic Sotto, Donita Rose, Michael V., Jeffrey Quizon

John Nada
NOTE
3.75/ 5


"The No. 1 Blockbuster Movie of 2003", oui Madame ! ("Ang bagong super hero ng bayan" signifie grosso modo "le nouveau super héros local" ou "le dernier né des super héros philippins").


Peu à peu, film après film, nous affinons nos connaissances sur les super héros philippins en général, et ceux nés sous la plume du dessinateur Mars Ravelo en particulier. Ainsi, après les personnages de Darna et de Captain Barbell, c'est au tour du super héros Lastikman d'être mis à l'honneur sur Nanarland. Si la première est un décalque philippin de Wonder Woman et le second un croisement entre Superman et Captain Marvel, Lastikman a lui tout l'air d'un beau copié-collé de Plastic Man, ce personnage créé par l’éditeur Quality Comics (puis intégré à DC Comics) qui a la faculté d'étirer et de modeler son corps à volonté. Lastikman présente en effet rigoureusement les mêmes caractéristiques. J’avais d’abord fait le rapprochement avec Reed Richards alias Mr. Fantastic, des 4 Fantastiques, jusqu’à ce que mon collègue Nikita, amateur impénitent de comics, ne m’apporte son éclairage d’érudit : outre la proximité patronymique (Plastic Man / Lastikman), le look, les pouvoirs de transformation (qui sont plus étendus que ceux de Mr Fantastic) et la personnalité de rigolo de Lastikman correspondent beaucoup plus à Plastic Man (alors que Reed Richards/Mr Fantastic est plutôt du genre pas drôle). Bref, tout ça pour dire que les "créations" de Mars Ravelo ont toujours été sous forte influence et que la manie de copier les gros succès américains ne se limite pas au cinéma.


Reed Richards, plus connu sous le nom de Mr. Fantastic, membre des 4 Fantastiques.


Plastic Man.


Un album "one-shot" de Lastikman sorti en décembre 2004 chez Mango Comics.


Alors que Darna et Captain Barbell ont fait l’objet de nombreuses adaptations au cinéma, Lastikman s’est lui fait plus rare sur les écrans, probablement à cause des contraintes techniques qu’impliquent l’animation d’un tel personnage. Il semble pourtant qu’il existe une version en noir et blanc datant de 1968 dont on n’ose à peine imaginer à quoi elle peut ressembler.


La première apparition du personnage en 1964 dans Aliwan Komiks.



En 2003, pour surfer sur la vague des films de super héros qui bat son plein aux Etats-Unis avec les Hulk, Spiderman, X-Men et autres Daredevil, les studios philippins se lancent dans la réadaptation avec effets spéciaux numériques Made in Manila de leurs propres héros de comics pinoy. Ainsi, lorsque Viva Films et Premiere Productions (la firme de Cirio H. Santiago, qu’on retrouve producteur exécutif) mettent en chantier un nouveau Captain Barbell (Viva Films semblant détenir les droits – on leur devait déjà la fabuleuse version de 1986), OctoArts Films et M-Zet TV Production se rabattent eux sur une adaptation de Lastikman. Comme rien n’est simple et qu’il arrive souvent, dans les comics comme dans les films, que les personnages créés par Mars Ravelo se croisent au cours de leurs aventures, Lastikman et Darna font un caméo dans la version 2003 de Captain Barbell le temps d’aider celui-ci à rosser quelques méchants... au cours d'un rêve.








Lastikman, interprété par Christopher "P.J." Malonzo, dans le film "Captain Barbell" datant de 2003.


Cette version 2003 de Captain Barbell, sans aller jusqu’à considérer qu’elle ne mériterait pas sa place sur Nanarland, nous aura parue globalement décevante, souffrant mal la comparaison (en tant que nanar s’entend) avec le festival de n’importe quoi qu’avait été la kitschissime adaptation de 1986 dont nous conservons un souvenir aussi vivace qu'ému. Même très en deçà de ceux des productions américaines, les effets spéciaux restaient à peu près honnêtes et le point faible du métrage demeurait finalement son rythme languide, le réalisateur Mac C. Alejandre accouchant d’un film de super-héros bavard de près de 2 heures (certes, le fait d’avoir vu le film en version originale tagalog non sous-titrée ne m’aura pas aidé à trouver le temps moins long). Du coup, c’est avec un enthousiasme plutôt modéré que je jetais un œil à ce Lastikman sorti la même année. La surprise n’en aura été que meilleure !




Il est en latex et sauve des vies tous les jours : mesdames et messieurs voici le préserv… euh, pardon, Lastikman !


Consacrons quelques lignes à l'histoire : dans la version originale sur papier, Lastikman était le dernier représentant d'une race d'extraterrestres aux organismes naturellement élastiques qui, échoué sur Terre et condamné à y rester, décidait d'y combattre le Mal. Dans notre film de 2003 en revanche, Lastikman est à la base un simple être humain, Hilario alias Larry, qui obtient accidentellement ses pouvoirs lorsqu'une météorite frappe l'hévéa (arbre producteur de caoutchouc) à côté duquel il se trouvait.








La genèse d'un super héros de comic-book...


Adolescent orphelin, binoclard et brimé, notre Peter Parker philippin se fait d'abord la main sur les brutes de son lycée avant de décider de mettre ses super pouvoirs au service du bon droit, histoire d'honorer la mémoire de ses parents décédés. Une fois adulte, il partage ainsi ses journées entre ses activités d'honorable professeur de physique et de super justicier élastique.




Ainsi, durant les deux-tiers du métrage, Lastikman tabasse du gredin et vole au secours de bimbos à un rythme étonnamment soutenu pour une production philippine. Puis survient l'inévitable deus ex machina : suite à un malentendu, l'homme élastique tombe en disgrâce aux yeux des médias et d'une partie du public (un peu comme Spiderman, quoi). Parallèlement, le freluquet Jepoy (Jeffrey Quezon), élève de Hilario ignorant la double identité de son prof, se bricole un super attirail en pianotant sur trois ordinateurs. Lui aussi était un intello binoclard brimé, désormais il fera payer au monde l'hostilité que celui-ci lui a manifesté sous le nom de Stryker. Bref, un boulot délicat pour Lastikman et un scénario transparent de bout en bout pour le spectateur.








La genèse d'un méchant de comic-book...


Ne tournons pas autour du pot plus longtemps : oui, Lastikman est à ranger parmi les nanars qui dépotent, essentiellement grâce à un rythme relativement soutenu et des séquences à base d'effets spéciaux déjà datés qui, par bonheur, abondent. Dès la scène d'intro, le spectateur a droit à la caricature sauce philippine de ce que le cinéma d'action de la fin des années 90 a pu inventer de plus clinquant et de plus m'as-tu-vu : le bullet time. Ce concept galvaudé, déjà outrancier à la base, se voit en effet poussé ici jusqu'à la parodie involontaire pure et simple : imaginez d'interminables rafales de balles mal incrustées défilant autour d'un héros goguenard avec des bruits de missiles de croisière. Vous imaginez mal ? Alors jetez un oeil à l'extrait de cette séquence proposé dans l'onglet vidéos.
















De même qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois, aux Philippines Lastikman se pare fièrement de l'appellation "blockbuster". Exposé sur le marché international en revanche, le film ferait plutôt penser à une production Nu Image des débuts. Certes, depuis les années 80 les Philippins ont fait de sacrés progrès en matière d'effets spéciaux, mais quand on garde en tête que Lastikman date de 2003 et qu'on repense au Spiderman de Sam Raimi, on se dit qu'ils ont beau avoir fait du chemin, Manille a toujours le même nombre de rames de métro de retard sur Hollywood qu'il y a 20 ans.


Une technique très cheap en matière d'effets spéciaux : le zoom numérique ! En gros on filme un perso sur fond bleu ou vert (ici Stryker), on l'incruste dans un plan donné et on l'agrandit ou on le rétrécit (zoom in / zoom out) afin de renforcer l'illusion du mouvement.


J'aurais tendance à distinguer deux catégories de films aux effets spéciaux ratés : ceux qui ont clairement honte de leurs effets et tentent de limiter autant que possible leur utilisation (du genre film de monstre ne montrant que 3 mn une créature que le public aura attendu pendant une heure trente, et encore en la filmant de loin dans la pénombre), et ceux qui s'en foutent, parce qu'ils sont satisfaits de leurs effets ou simplement décomplexés, et qui du coup ne rechignent pas à aligner les séquences riches en artifices visuels foireux. Lastikman appartient très clairement à cette deuxième catégorie, un ancrage essentiel qui, avec la question du rythme, distingue souvent un bon nanar d'un gros navet.




Le film enchaîne donc sans temps mort les morceaux de bravoure qui voient l'homme élastique prendre toutes les formes possibles et imaginables – de la roue de vélo au trampoline en passant par le ballon de plage – et accomplir, avec panache et une nanardise qui fait feu de tout bois, sa routine de super héros. Une vraie jubilation !








Le film prend une dimension supplémentaire avec l'arrivée du méchant-malgré-lui Stryker. Sorte de mélange entre le bouffon vert (pour le mode de transport - Spiderman aura décidément été pillé sans vergogne) et le bassiste Gene Simmons de Kiss (pour le côté "hystérie échevelée"), le personnage qu'incarne Jeffrey Quezon est un modèle patenté d'ultra-cabotinage insane. L'acteur en faisait déjà des tonnes dans le rôle de l'étudiant très nerd Jepoy : ce n'était pourtant qu'un simple échauffement, une vulgaire mise-en-bouche. Il faut attendre de le voir camper son alter ego démoniaque Stryker pour en prendre pleinement conscience : regard halluciné genre "je suis un malade" à la Brad Dourif, mimiques et gestuelle à la Louis de Funès sous speed, ricanements et hurlements perpétuels... nulle doute que l'on tient là un énième candidat sérieux au titre de champion du monde du surjeu.












Néanmoins, je ne vais pas vous baratiner, tel un camelot du nanar, à essayer de faire passer Lastikman pour un objet de compétition ultime à la Turkish Star Wars : il n'en a sans doute pas encore tout à fait l'étoffe (ou la défroque). Mais les nanars ayant en commun avec les vins qu'ils se bonifient avec le temps, gageons que le potentiel ringard fort prometteur de ce film atteindra sa pleine maturité dans quelques années.








Un grand bravo donc au réalisateur Tony Y. Reyes pour avoir su apporter ce qui, contrairement à un savoir-faire local certain en matière de ringardise, fait trop souvent défaut aux productions philippines : un minimum de RYTHME. La filmographie de ce réalisateur spécialisé dans les parodies s'étire en une longue liste de titres hauts en couleur (Once Upon a Time in Manila, Bobocop, Starzan, Goosebuster, SuperMouse and the Roborats, Ali in Wonderland etc. etc.) qui n'ont jamais eu l'honneur d'une sortie par chez nous, même en vidéo. Après Lastikman, Tony Y. Reyes enchaînera sur un autre film de super héros, Fantastic Man, toujours avec Vic Sotto dans le rôle titre, mais qui aurait la réputation d’avoir des effets spéciaux bien moins « réussis » que ceux de Lastikman… on rêve évidemment de mettre la main dessus !


Signalons l'existence d'une nouvelle adaptation des aventures de l'homme élastique sortie un an plus tard seulement, en 2004, par le studio rival Viva Films. Titrée "Mars Ravelo's Lastikman: Unang Banat", on retrouve aux commandes Mac C. Alejandre (réalisateur de Captain Barbell version 2003) et Mark Bautista dans le rôle titre. Apparemment, après le succès de leur film en 2003, OctoArts Films et M-Zet TV Production n'auraient pas réussi à conserver les droits du personnage pour lancer une séquelle. Les héritiers de Mars Ravelo auraient en effet réclamé aux studios la somme de 1,5 million de pesos philippins (soit environ 25 000 € avec le taux de change actuel), somme que Viva Films semble avoir payé puisque leur titre met bien en avant le nom du dessinateur.


La version 2004 de Lastikman produite par Viva Films…


...avec le jeune minet Mark Bautista dans le rôle titre.


Signalons enfin qu'à l'instar de Darna et du Captain Barbell, Lastikman a lui aussi eu droit à sa série TV à partir de 2007, avec Vhong Navarro dans le rôle titre, un acteur populaire aux Philippines vu entre autre dans Gagamboy (une parodie de Spiderman), D'Anothers ou encore le décevant Agent X44, reprise sur le mode parodique des aventures du célébrissime agent secret interprété par Tony Falcon dans Sabotage (lire l'addendum de cette chronique à ce sujet).




Lastikman version série TV 2007, avec Vhong Navarro.

- John Nada -
Moyenne : 3.55 / 5
John Nada
NOTE
3.75/ 5
Mayonne
NOTE
3.5/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Alors que les films philippins les plus récents sont désormais proposés en DVD, ce Lastikman datant de 2003 n’a eu droit qu’à une édition VCD trouvable sur des sites de vente en ligne basés en Asie. C'est donc de la VO sans sous-titres ni bonus, avec une qualité d'image très moyenne, mais c'est toujours mieux que rien...

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