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The Survivalist

(1ère publication de cette chronique : 2025)
The Survivalist

Titre original : The Survivalist

Titre(s) alternatif(s) : Opération Survie

Réalisateur(s) : Sig Shore

Année : 1987

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h33

Genre : Apocalypse naze

Acteurs principaux : Susan Blakely, Marjoe Gortner, Steve Railsback, Cliff De Young, J. Kenneth Campbell, David Wayne

Jack Tillman
NOTE
1.5 / 5

 

Quand on est un jeune nanardeur solitaire farfouillant dans un stand de DVD soldés près de la caisse de la Maison de la presse de sa petite ville de province, comment ne pas être ébloui lorsqu'on tombe nez à nez avec le regard éteint de ce gros dur en blouson de cuir, brandissant sa grosse pétoire dans la direction du client sur fond de champignon atomique ? Comment ne pas saisir fébrilement le boîtier en lisant les accroches bourrines "Un seul mot d'ordre : survivre !" et "Dans un monde livré au chaos, il est l'ultime rempart !", surtout quand une telle merveille est dissimulée au milieu de disques de fitness et de feux de cheminée ? Il va sans dire que quand le novice nanardeur quitta la Maison de la presse, le DVD de The Survivalist ne s'y trouvait plus.

 



 

De retour chez lui, il jette un coup d'oeil plus attentif à la fiche technique. Un film "avec Jack Tillman" proclame la jaquette. Qui ça ? Jamais entendu parler, mais si la jaquette met le nom de l'acteur principal à la place de celui de son personnage dans le résumé, c'est qu'il doit être connu, se dit naïvement notre nanardeur. Il met le disque dans son lecteur, le menu lambda avec "Film" et "Chapitrage" s'affiche à l'écran. Méfiant, il va d'abord naviguer dans la sélection des chapitres pour s'assurer qu'il n'a pas affaire à une arnaque à la jaquette volante qui lui vendrait un téléfilm policier allemand comme un nanar d'action américain. Il découvre alors quelque chose d'un peu plus soigné que chez Prism et ses sous-marques, avec des chapitres portant des titres allant de "Etat d'urgence !" à "Oeil pour oeil !" (c'est signé MAP, un éditeur très bon marché mais plutôt fiable, avec toujours des titres rigolos pour chaque chapitre), puis il sélectionne enfin le film.

 

Une jaquette britannique mensongère (vous ne verrez pas de mutants dans ce film).

 

A présent, je suis en mesure de vous dire la VERITE ! Jack Tillman n'existe PAS ! Ce n'est qu'un personnage de FICTION ! La jaquette nous a MENTI ! Jack Tillman, en vrai, c'est Steve Railsback, un acteur formé à l'Actor's Studio, remarqué pour ses prestations de serial-killer dans Ed Gein et dans Helter Skelter (pour se préparer au rôle de Charles Manson, il restait paraît-il enfermé deux heures par jour dans un placard !), dont la carrière s'embourba rapidement dans le bis alimentaire. Après le loufoque et ultra-violent Les Traqués de l'An 2000 de Brian Trenchard-Smith (dans lequel il se faisait pourchasser par un maton sadique moustachu et son loup-garou/chien de chasse dans le futur !), on le vit cachetonner dans des productions de plus en plus foireuses. Si le délirant Lifeforce de la Cannon (où il traquait la très sexy Mathilda May déambulant à poil dans Londres en proie à une épidémie de vampires de l'espace !) se révèle plutôt une bonne surprise quand on le revoit aujourd'hui, que dire de ses prestations affligées en sous-MacGyver dans l'innommable sous-E.T. sud-africain Nukie et Miko, en sous-James Bond bionique dans le très mauvais Termination Man ou en Himmler d'opérette se faisant tuer de façon débile par Pamela Anderson dans le par ailleurs très fun Barb Wire, sinon qu'il y semble au fond du gouffre ? Entre affronter un insecte mutant géant en caoutchouc à coups de rayon laser dans Blue Monkey et attendre son chèque au milieu des monstres en CGI moches de King of the Lost World des studios The Asylum, sa filmo connut souvent la dèche et le mauvais goût rigolo des films d'exploitation.

 

 

D'ailleurs, sans remettre en question ses capacités de comédien, il devait être plus que conscient que son talent ne serait pas mis à l'honneur avec tous ces films, car il y tire invariablement une tronche de six pieds de long n'ayant rien à envier à Christopher Mitchum en matière de regard droopyesque et de mollesse. Ici, il ne déroge pas à son habitude et on aurait bien envie de lui proposer une bonne tasse de café tant il a l'air ramollo. Rarement la démotivation d'un acteur principal aura été à ce point poussée dans ses derniers retranchements.

 

Steve Railsback alias Jack Tillman, notre sauveur à tous, fusion parfaite entre David Heavener et Christopher Mitchum.

 

The Survivalist a ceci de curieux qu'il reprend les ingrédients et le contexte du post-apocalyptique, mais qu'il s'agit techniquement d'un pré-apocalyptique. Le pitch est simple : une bombe atomique explose en Sibérie. L'URSS suspecte aussitôt les Etats-Unis et menace de riposter. La loi martiale est alors déclarée aux USA. La population, cédant à la panique, crée un chaos sans précédent dans un pays où la Garde nationale, pour maintenir l'ordre, finit par faire régner la terreur et recrute des Hell's Angels pour grossir ses effectifs. Voilà un postulat plutôt intéressant et plus original que les sempiternelles bagarres entre cyber-punks et survivants crasseux dans des carrières de graviers que les Italiens ont fini par nous faire connaître par coeur. Bien que le réalisateur parvienne occasionnellement, malgré de très petits moyens, à créer un climat de désordre et d'angoisse plutôt crédible et prenant, on sourira devant le caractère terriblement cheap des annonces télé qui suivent le déroulé de la crise nucléaire, à faire honte à Borat. Quant à la milice fascisante de service, la Garde nationale, elle est vraiment trrrèèès pauvrement équipée et se limite à une quinzaine de motards sur des 125cm3 ainsi qu'à un seul hélicoptère, bizarrement orné d'une étoile rouge (c'est dire s'ils sont méchants !).

 

Suivant la tradition, le réal fait péter un stock-shot de champignon nucléaire dès le premier plan.

Un porte-parole du gouvernement nous annonce la catastrophe d'une voix émue devant un rideau de douche.

La Bannière étoilée part en fumée.

La racaille motorisée fait la loi.

Bref, notre "ultime rempart" a du pain sur la planche.

 

Parlons donc du héros, Jack Tillman. Jack est un vrai dur, c'est même un "roi de la survie". Car comme 99% des héros de films d'action des années 80, Jack est un ancien du Viêt-Nam, donc la Troisième Guerre mondiale, l'holocauste nucléaire et les bandes armées qui vandalisent à qui-mieux-mieux, ça ne lui fait pas peur à Jack, ça lui en touche même une sans faire bouger l'autre. Mais il est quand même un peu inquiet pour sa famille, surtout son jeune fils qui est en colo à l'autre bout du pays. Comme le gouvernement et tout le système sont en train de se casser la figure, Jack doit passer prendre de l'argent à la banque, logique quoi. Il dit alors à sa femme de se barricader dans leur maison jusqu'à son retour, mais comme elle n'a pas fait le Viêt-Nam, elle n'est pas une reine de la survie, donc elle laisse la porte ouverte, et aussitôt Jack parti, trois pillards grimaçants déboulent dans le salon et les massacrent elle et sa fille. C'est malin, voilà notre héros veuf. Aaah, ces bonnes femmes, on peut pas les laisser cinq minutes...

 

Jack est très à cheval sur le Deuxième Amendement de la Constitution.

 

Jack prend alors la route au volant de son 4x4 pour aller chercher son fils. Notre héros embarque avec lui un couple d'amis, un médecin joué par l'ex-rockeur Cliff De Young (vu dans Carnosaur 2) et une infirmière jouée par l'ex-top modèle Susan Blakely (vue dans Over the Top et Airport 80 : Concorde). Ces deux-là non plus n'ont pas fait le Viêt-Nam ; notre Survivaliste sera donc obligé de les protéger des bikers et autres racailles qui pullulent en cette saison de fin du monde. En revanche, un autre, qui lui a bien fait le Viêt-Nam, va coller aux basques du Survivaliste. Cet autre vétéran, c'est Marjoe Gortner (MARJOE GOOORTNEEER !!!), un ancien compagnon d'armes de Jack qui ne peut pas le piffrer depuis l'armée. Comme il commande la Garde nationale dans le secteur, il fait croire à ses supérieurs que Jack est un fauteur de troubles pour lancer une chasse à l'homme à la tête de sa troupe de mercenaires. Résumons : le monde entier voit les actes de barbarie se multiplier, des meurtres ont lieu à travers tout le pays, c'est le chaos généralisé, on est au bord de la Troisième Guerre mondiale mais les autorités dépêchent toute une armée pour attraper un seul homme parce qu'il a cassé une vitrine. Passons...

 

Hit the road, Jack...

"Je l'aurai un jour, je l'aurai..."

 

Suivant cette exposition des faits, Jack est donc le gentil, le héros viril auquel le spectateur doit s'identifier et qui doit susciter l'admiration de tous les vrais Américains, par opposition à l'ignoble Marjoe, pure caricature de salopard fini, brutal, sadique et traître, et de sa horde de brutes et de marginaux. Car comme le proclame la jaquette : "Face à l'Apocalypse, seul un homme croit encore à l'avenir de son pays. Pour que triomphe la justice et la liberté, Jack Tillman prend les armes et élimine la vermine avec panache !" Toujours prêt au pire ! Seul contre tous mais ne baissant jamais les bras ! Prenez-en de la graine, Jack Tillman est le modèle à suivre !

Sauf que...

Sauf que Jack Tillman n'est qu'un gros CONNARD !!! On a affaire à l'un des héros les plus intolérants et bornés de l'histoire du cinéma d'action de série B. Si on y ajoute le regard de cocker de Steve Railsback, on tient là le héros le plus antipathique depuis Hal dans Mad Foxes. Un sadique tout rigolard et fier de lui quand il abandonne deux flics en pleine nuit, menottés à leur voiture et pantalon baissé , à la merci des rôdeurs, juste parce que ces deux teigneux lui avaient barré la route. Un macho fini, veuf pas très inconsolable puisqu'il se tape la femme de son meilleur ami quelques semaines à peine après le meurtre de sa propre épouse (plan nichon sur fond de saxophone langoureux offert). Un sombre bourrin qui commence par braquer les banques au bulldozer AVANT que la moindre bombe n'ait pété, se contre-foutant des plus élémentaires consignes de sécurité et se comportant comme le dernier des hooligans alors qu'il est censé constituer l'ultime rempart de l'Humanité ! Une brute à la mentalité de redneck présenté comme le plus responsable et solidaire, mais dont toute l'attitude prône le "chacun pour soi", doublé d'un Droopy aux airs de dépressif en phase terminale, aussi mou qu'un mollusque hors de sa coquille.

 

Seuls les plus démotivés survivront...

Le héros et son regard qui tue en mode commando.

 

Et le pire, c'est que le réalisateur semble vouer une réelle admiration à son héros, idéalisant un réac ultra-individualiste et fascisoïde comme le ferait n'importe quel Texan encarté à la NRA et militant républicain de base. Et ce alors que le réalisateur Sig Shore est originaire d'Harlem, importa de nombreux films soviétiques pendant la Guerre Froide, ainsi que Les 400 Coups de François Truffaut, Hiroshima Mon Amour d'Alain Resnais et Black Jesus de Valerio Zurlini sur le territoire US. Pionnier de la Blaxploitation, il produisit notamment la saga Superfly. Mais on lui doit aussi durant ces 80's reaganiennes la réalisation de Rouge Sang alias Sudden Death, un rape and revenge sécuritaire à souhait, qui semble davantage dans l'esprit de ce Survivalist au héros queutard et sans complexe. Un condensé parfait de l'idéologie survivaliste individualiste et basse du front qui a de quoi réjouir les nanardeurs.

 

 

Mais l'autre star du film, à même de contrebalancer le monolithisme geignard de Jack Tillman/Steve Railsback par son cabotinage, c'est Marjoe Gortner. Aaah, Marjoe ! Un génie de l'acting dont le jeu et la coupe de cheveux sont faits pour combler le cinéphile déviant. Ici, Marjoe est loin de calmer sa nanar-attitude. Composant une raclure de bidet sans scrupules, meneur d'hommes impitoyable, avec la même énergie que quand il incarnait Akton, le contrebandier interstellaire dans Starcrash, Marjoe est une source de ravissement de tous les instants. Nous gratifiant de grimaces constipées dont lui seul a le secret, il joue au gros dur, roule des mécaniques sur sa moto, défie les bikers en combat singulier pour montrer qui c'est le patron, abuse de l'autorité que lui donnent ses fonctions tout en léchant les pompes de sa hiérarchie d'un sourire mielleux, se réjouit secrètement de la situation, éructe de haine à la pensée de son ennemi, et se pose en défenseur de la loi et de l'ordre alors que c'est le pire de tous les fauteurs de souk qui maraudent sur les routes où les honnêtes gens fuient les villes à feu et à sang (le pire après Jack Tillman bien sûr, qui est un champion dans la discipline consistant à aggraver un désordre déjà bien lourd à gérer pour les autorités). Il deviendrait le maître du monde après la bombe s'il ne mourait de façon grotesque de la main du Survivaliste (bah oui, je spoile, mais vous vous attendiez à quoi, franchement ?).

 

Marjoe dans un rôle calqué sur son propre personnage de réserviste psychopathe dans "Tremblement de Terre" de Mark Robson.

Mode "constipation aigüe".

Mode "content".

 

Enfin, évoquons les figurants. C'est un véritable festival de trognes comme on n'en voit plus depuis les années 80. Entre sbires ahuris et moustachus de tout poil, on ne sait plus où donner de la tête. C'est bien simple, tous auraient pu jouer des ninjas dans un Godfrey Ho, voire des hippies amateurs des "Gullies" dans Blood Freak. Petit tronchoscope des derniers jours de la civilisation :

 

Des loulous gentiment patibulaires.

Loulous par-ci, loulous par-là...

Un shérif bouseux et son adjoint qui viennent de comprendre qu'ils n'auraient pas dû faire chier le Survivaliste.

Celui-là, on ne le voit pas très bien mais il a vraiment une tronche d'anthologie.

Boooorn to beee wiiiiiiiiiild!!!

Librement adapté d'une série de romans pulp écrits par Jerry Ahern (parus en France dans la collection "Gérard de Villiers présente" !), ce film est donc un road-movie post-apocalyptique crétin et fauché, à la réalisation de vieux téléfilm des années 70, se prenant très au sérieux, qui fera rêver les fans de cinéma navrant et les adeptes du survivalisme frustrés par l'échec des prophéties mayas de 2012. Clin d'oeil à tous les amateurs de pêche, de feux de camp, de grosses pétoires, de matos militaire, de couteaux de survie et de bunker auto-suffisant creusé dans le fond de leur jardin. Pas un summum du nanar, loin s'en faut, mais le témoignage plaisant et cocasse des peurs et des fantasmes d'une époque, et surtout d'un réalisateur capable de trouver sympathique un naze absolu comme Jack Tillman.

La série de romans originaux, avec lesquels le film n'entretient qu'un rapport très lointain.

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Un DVD zone 2 basique sorti chez "MAP" attend les vrais survivalistes dans les cashs et les bacs à soldes. Le disque n'est ceci dit pas hyper courant (il faut vraiment vouloir tomber dessus), mais le commander en ligne est à la portée de toutes les bourses. Attention aux homonymes : The Survivalist est aussi le titre d'un film de Jon Keeyes, avec John Malkovich et Jonathan Rhys-Meyers, et d'un autre film de Stephen Fingleton, avec Mia Goth et Martin McCann.

La VHS française.