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Charles Napier

(1ère publication de cette bio : 2011)

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Une gueule. Un sourire carnassier planté dans une mâchoire carrée. L’image de Charles Napier évoque immédiatement les shérifs autoritaires, les rednecks bornés, les officiers forts en gueule.... Les méchants, les brutes, les sales types, il en a fait son fond de commerce. Des grosses productions hollywoodiennes au bis italien, des séries télés aux direct to vidéo les plus fauchés, Napier a traîné sa grande carcasse et sa voix rocailleuse dans plus de 140 productions et, en 45 ans de carrière, s’est taillé une place de second rôle incontournable au cinéma comme à la télévision.



Né le 12 avril 1936 à Mont Union dans le Kentucky, fils d’un planteur de tabac, le jeune Charles est, adolescent, un basketteur accompli qui rêve d’une carrière sportive universitaire. Pourtant, malgré quelques sélections dans des tournois inter-états, il n’arrive pas à devenir basketteur professionnel. Alors il s’engage dans l’armée, au milieu des années 50, et fait un service de trois ans passant notamment par l’Allemagne. Il atteint le grade de sergent parachutiste mais, dans cette période relativement calme qui suit la guerre de Corée, se retrouve essentiellement avec un emploi dans les bureaux. Il découvre à cette époque le théâtre et décide d’en faire sa voie. Après trois ans sous les drapeaux, incertain de son avenir, il se réinscrit à l’université et tente sa chance dans le milieu du spectacle, étudiant parallèlement l’art dramatique et l’éducation physique, espérant un temps devenir coach au basket. C'est l'époque où il s'ouvre aussi à la peinture, un moyen d’expression qui va le passionner et auquel il s’adonnera toute sa vie, principalement l’aquarelle.



Le voilà qui bourlingue de Miami à New York en passant par San Diego, faisant ses gammes au théâtre, avant d’atterrir tout naturellement à Los Angeles. Il a déjà la trentaine et joue les profs de sport remplaçants quelques temps pour subvenir à ses besoins. Il traîne alors avec d’autres acteurs en devenir, qui hantent les plateaux de série B : Jack Nicholson, Dennis Hopper ou Peter Fonda. Il décroche son premier rôle en 1967, dans la série télé Mission Impossible. Un garde patrouillant le long d’une frontière avec un berger allemand. Mais le premier rôle qui le fait véritablement remarquer, c’est celui d’une espèce de hippie de l’espace dans "Star Trek". Il doit chanter, jouer d’un genre de guitare spatiale assez improbable et, pour obtenir le rôle, n’hésite pas à faire croire à la production qu’il est aussi musicien. Une fois sur les plateaux, il est trop tard pour faire marche arrière. Une performance gentiment ringarde qui va rester mythique pour les trekkies de la première heure, et que l'on peut admirer ici.



Il glisse ainsi un pied dans la porte et enchaîne les apparitions à la télévision : "Papa Schultz", "Mannix", deux autres rôles pour "Mission Impossible"...

Dans le même temps, il tourne quelques films pour un modeste réalisateur de cinéma d'exploitation, l'obscur Jean Van Hearn : le western "The Hanging of Jake Ellis" ou le polar sexy "The House Near the Prado". À chaque fois, pas beaucoup d'argent, mais beaucoup de filles à poil. Mais c’est sa rencontre avec Russ Meyer, producteur réalisateur de nudies obnubilé par les grosses poitrines qui va véritablement lancer sa carrière. À cette époque, Napier sort avec une strip teaseuse. Celle-ci doit se rendre à une audition auprès de Meyer mais, peu rassurée par la réputation sulfureuse du personnage, demande à Charles de l’accompagner. Sur place, c’est lui qui, avec son franc-parler et ses allures de cow boy plus vrai que nature, est engagé.



Et le voici dans son premier vrai grand rôle avec "Cherry, Harry et Raquel". Un softcore sur fond de ménage à trois campagnard. Pour ce film, même s’il avouera plus tard ne pas avoir été très à l’aise en la tournant, Charles se permet une scène assez osée à l’époque en courant totalement nu dans le désert. Une nudité frontale qui choque à l’époque et vaut même à sa mère une visite de journalistes venus dans sa ferme du Kentucky lui demander sa réaction. Elégant.






L'inimitable Russ Meyer.



Charles et Russ se lient d’amitié et l’acteur tourne encore trois autres films pour lui, ce qui permet de le lancer dans le milieu du cinéma à petit budget. Il enquille quelques séries B érotiques ou d’action. A l’occasion du film "Moonshine", une histoire de routiers traquant un ancien nazi en fuite, il passe son permis poids lourd et se passionne pour ce milieu, devenant même un temps correspondant pour "Overdrive Magazine", une publication spécialisée qui avait financé le film. Il passe un an loin des plateaux à décrire et photographier le monde de la route, jusqu’à ce qu’une grève du syndicat des routiers ne remette en cause son boulot. Retour à la case Hollywood, où il se retrouve sans job à dormir la nuit dans sa voiture garée dans le parking au pied du bureau de Russ Meyer.

La stabilité arrive lorsqu’au début de l’année 75, il signe un contrat avec la Universal, remarqué par Alfred Hitchcock lui-même (le maître se rinçait-il l’œil sur les productions Russ Meyer ? Quand on connaît la réputation d’érotomane distingué du grand Alfred, on est tenté de le croire). Le réalisateur anglais possédait des parts importantes dans les studios Universal et Charles devient un second rôle récurrent dans les séries télés du studio : "Les Têtes brûlées", "Kojak", "Starsky et Hutch", pendant deux ans, il est de tous les feuilletons du moment. Dans le même temps, les films qu'il a tournés avec Russ Meyer ressortent au cinéma et obtiennent un bon succès. D’ailleurs, par amitié, il accepte non seulement d’apparaître, mais aussi de mettre un peu d’argent dans "Supervixens".



À 40 ans passés, son visage est connu, sa carrière est lancée. Désormais et jusqu’à sa mort, Napier n’arrêtera plus, multipliant les rôles dans tous les domaines. La télé bien sûr, d’abord en exclusivité pour Universal puis, dans les années 80, de "K 2000" à "l’Agence Tout Risque", on le voit jouer les guest-stars dans d’innombrables séries, obtenant même un de ses rares rôles réguliers en jouant les pisteurs dans le western "Oregon Trail" avec Rod Taylor, autre mâchoire en granit du ciné américain. Mais il est aussi un doubleur très apprécié. Son timbre rauque et son accent sudiste lui valent de devenir une voix récurrente du dessin animé. "Les Simpsons"," Superman" ou "Johnny Quest", entre autres, mais c’est aussi lui qui est chargé d’assurer les grognements de "Hulk" dans la série télé avec Bill Bixby et Lou Ferrigno.


"Oregon Trail", l'homme des bois sait aussi être un séducteur...



Les réalisateurs de série B tant américains qu'italiens vont très vite faire appel à lui. Napier est parfait pour jouer les figures autoritaires basses du front, les flics soupçonneux, les militaires cachant des projets secrets. Il tourne pour des cadors de vidéo-clubs locaux comme Fred Olen Ray sous la direction duquel, en flic coriace, il affronte un alien dévastateur dans "L'Invasion des cocons", un de ses rares premiers rôles en tant que gentil de l’histoire. Ou encore David Prior qui le fait tourner à trois reprises, notamment dans "Future Zone" où il est face à David Carradine.


Napier peut tout jouer y compris les mecs sympas comme dans "L'Invasion des cocons".


Mais il se sent aussi très concerné par la cause animale comme dans "Skeeter"...



Les Italiens s’intéressent aussi à cette trogne immédiatement reconnaissable. Ruggero Deodato en fait un shérif dans le slasher "Body Count" dans lequel il croise David Hess, autre pilier du bis (mort trois jours après Charles, le 8 octobre 2011, le sort s’acharne), Antonio Margheriti dans "Alien, la Créature des Abysses" le nomme chef de la sécurité d’une entreprise malveillante qui à force de jeter ses produits toxiques n’importe où réveille une pince de crabe géante belliqueuse plus ancienne que le soleil, Umberto Lenzi lui fait croiser Robert Ginty dans un "Cop Target" semble t-il inédit chez nous (va falloir qu'on déniche ce film !).



Et ce ne sont là que quelques titres dans une filmographie magistralement fournie. Napier devient une figure obligée du direct to vidéo. Et puis quand vous jouez dans des films qui s’appellent "Hit List", "One Man Force", "Killer instinct", "Fatal Poursuit", vous devez bien vous attendre à autre choses que des bluettes.



Il va aussi apparaître dans de grosses productions. Le premier à lui faire confiance, c'est Jonathan Demme qui lui offre un second rôle dans "Meurtre en cascade" avec Roy Scheider. Les deux hommes sympathisent et le réalisateur reprendra régulièrement Charles dans ses futurs films. Un gardien de prison qui finit en casse-croûte pour Hannibal Lecter dans "Le Silence des agneaux", un juge frappé par le sida dans "Philadelphia" (son meilleur rôle d’après lui) et même un coiffeur pour dames dans "Veuve mais pas trop". Le film qui va le révéler auprès du grand public c'est bien entendu "Les Blues Brothers" : en leader du groupe de country "The Good Ol’Boys", ridiculisé par les frères Blues. Bien qu'ami de John Belushi, il ne croit pas du tout dans ce projet au départ et est persuadé pendant le tournage que tout le monde fait n’importe quoi et que cela va aboutir à un four. On connaît la suite. Autre rôle marquant, le sinistre Murdoch, bureaucrate de Washington véreux qui n’hésite pas à laisser Rambo pourrir entre les mains des Viêt-congs dans "Rambo II".




Turner Mc Elroy chanteur country revanchard.



Et encore faudrait-il rajouter les nombreuses publicités auxquelles il a participé. Bref, après avoir attendu la quarantaine pour commencer à percer, Napier rattrape le temps perdu par une activité débordante.




Aux bons soins du docteur Lecter...



Indestructible, imperméable à l’âge, Charles Napier va ainsi tourner et prêter sa voix à des dessins animés quasiment jusqu'à sa mort. Il s’installe à Bakersfield, une ville tranquille du centre de la Californie où il devient une personnalité locale très appréciée (comme avant lui un autre tough guy, Jack Palance), s'investissant dans la vie de sa communauté en soutenant notamment des actions pour les vétérans. On le voit régulièrement dans des conventions de cinéma où il dédicace son autobiographie "Square Jaws and Big Heart" ("Mâchoire carrée et grand cœur").




Napier dans une de ses dernières apparitions publiques en mars 2011, dédicaçant sa biographie.



Il nous quitte brutalement le 5 octobre 2011, à 75 ans, laissant un grand vide à Bakersfield et dans le cœur de tous les amateurs de séries B. Discrètement, au second plan, comme toujours. Evidemment mourir en même temps que Steve Jobs n’est pas le meilleur moyen de faire la une de l’actualité... Avec la perte de ce monument du cinéma d’exploitation, c’est pourtant une autre de ces figures paternelles du cinéma que nous aimons tant que nous voyons s’en aller. Nous tenions à vous rendre hommage monsieur Napier, ici à Nanarland, car nous savons qu’au détour d’une série télé, d’un vieux film bis ou d’un direct to video, nous n’avons jamais fini de recroiser votre sourire carnassier.



Source: Le site officiel de Charles Napier
Les News de Bakersfield
IMDB

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie


Alien, la créature des abysses version grecque. Vous n'avez pas idée de la difficulté de trouver une affiche ou une jaquette sur laquelle Charles Napier apparaisse vraiment.



2009 - Life Blood

2009 - The Goods : Live Hard, Sell Hard

2009 - Retour à Legend City (Shadowheart)

2008 - One Eyed Monster

2008 - BigFATlady

2008 - Your Name Here

2008 - The River Bridge

2006 - Annapolis

2005 - The Kids and I

2005 - Suits on the Loose

2005 - Un destin si fragile (Fielder’s Choice)

2005 - Les Seigneurs de Dogtown (Lords of Dogtown)

2004 - Un Crime dans la tête (The Mandchurian Candidate)

2004 - Dinocroc



2002 - Trash

2001 - Extreme Honnor

2001 - Le nettoyeur (Down’n Dirty)

2001 - The Hunter’s Moon

2001 - Forgive Me Father

2000 - The Thief and the Stripper / Strip and Run

2000 - La famille Foldingue (The Nutty Professor II : The Klumps)

2000 - Very Mean Men

2000 - Complot Meurtrier (Cypress Edge)

2000 - Never Look Back

1999 - Lima, Broken the Silence

1999 - Pirates of the Plain

1999 - The Big Tease

1999 - Austin powers l’espion qui m’a tiré (Austin Powers The Spy Who Shagged Me)

1998 - Beloved

1998 - Fatal Pursuit

1998 - Le Ranch de l’amour (Second Chance)

1998 - Armstrong

1998 - Centurion force



1997 - Justicier d’acier (Steel / Shaq Steel)

1997 - Austin Powers

1997 - Riot

1997 - L’Evasion (Jailbreak / Macon County Jail)

1997 - No Small ways

1996 - Disjoncté (The Cable Guy)

1996 - Original Gangstas

1996 - Expert Witness

1996 - Billy Lone Bear

1996 - Alien Species

1995 - Ballistic

1995 - Hard Justice / Justice Maximum

1995 - Jury Duty

1995 - 3 Ninjas se révoltent (3 Ninjas Knucle Up)

1995 - Ripper Man

1995 - Felony

1995 - Fatal Choice

1995 - Max is Missing

1994 - Savage Land

1994 - Strip Girl (Raw Justice)

1994 - Silk Degrees



1994 - To Die, to Sleep

1994 - Body Shot

1994 - Silent Fury

1993 - Philadelphia

1993 - Skeeters

1993 - Petit Cauchemars avant la nuit / Body Bags (John Carpenter presents : Body Bags)

1993 - Alarme Fatale (Loaded Gun I)

1992 - Mean tricks (Hornsby e Rodriguez, sfida criminale)

1992 - Eye of the Beholder

1992 - Center of the Web

1992 - La passagère de l’oubli (Treacherous Crossing)

1992 - Frogtown II / Return to Frogtown

1991 - Un homme fatal (Lonely Hearts)

1991 - Soldier’s Fortune

1991 - Indio 2 (Indio 2 la rivolta)



1991 - Le silence des agneaux (Silence of the Lamb)

1991 - Under surveillance

1991 - Killer Instinct

1990 - Les Arnaqueurs (The Grifters)

1990 - Maniac Cop 2

1990 - Futur Zone

1990 - Le flic de Miami (Miami Blues)

1990 - Ernest en prison (Ernest Goes to Jail)

1990 - Dragonfight

1990 - Sulle tracce del Condor

1990 - Cop Target



1990 - Le dernier match (l’ultima partita)

1989 - One Man Force

1989 - Alien La créature des abysses (Alien degli abissi)

1989 - Hit list

1988 - Veuve mais pas trop (Married to the Mob)

1988 - Le retour de l’incroyable Hulk (The Incredible Hulk returns)

1988 - L’invasion des cocons (Deep Space)



1988 - Body Count (Camping del terrore)

1987 - Kidnapping

1987 - The Night Stalker

1986 - Dangereuse sous tout rapports (Something wild)

1986 - Instant justice

1985 - Rambo II, la Mission (Rambo, First Blood Part II)

1984 - Swing Shift

1984 - In Search of a Golden Sky

1982 - Wacko

1980 - Gridlock

1980 - Melvin et Howard

1980 - Les Blues Brothers (The Blues Brothers)

1979 - Meurtres en cascade (Last Embrace)

1978 - Big Bob Johnson and his Fantastic Speed Circus

1977 - Un cocktail explosif (Thunder and Lightning)

1977 - Handle with Care / Citizen Band

1977 - Ransom for Alice !



1975 - Supervixens (acteur/coproducteur)

1973 - Moonfire

1971 - Love and Kisses

1971 - The Seven Minutes

1970 - La vallée des plaisirs (Beyond the Valley of the Dolls/Orgissimo)

1970 - Cherry, Harry et Raquel

1969 - The House near the Prado

1969 - The Hanging of Jake Ellis



Ainsi qu'un nombre incalculable de séries télé et de doublages en tout genre...