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Pierino medico della SAUB
Titre original : Pierino medico della SAUB
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Giuliano Carnimeo
Année : 1981
Nationalité : Italie
Durée : 1h29
Genre : Toubib or not toubib
Acteurs principaux :Salvatore Baccaro, Alvaro Vitali, Mario Carotenuto, Ennio Antonelli, Gianni Ciardo
(Traduction littérale : Pierino médecin de l'assistance publique)
Les Italiens ont effectué, avec vingt ans de retard, un certain nombre de réhabilitations des éléments les plus "honteux" de leur cinéma. Celle d’Alvaro Vitali compte parmi celles qui se sont fait le plus attendre : l’ancien « Pierino » était devenu bien malgré lui le symbole le plus vil du trash italien, portant sur ses frêles épaules tout le poids de l’opprobre visant une certaine comédie populaire italienne. A la vision de ce film inédit en France, on comprendra à la fois les raisons de son purgatoire et celles de sa réhabilitation.
La série des Pierino a visiblement été très populaire au Portugal, le personnage ayant été rebaptisé pour l'occasion João Broncas. La plupart de ses films sont d'ailleurs ressortis en DVD là bas.
D’une part, Alvaro et ses partenaires y poussent très loin la grossièreté et l’usage des gags flatulents et aérophagiques. De l’autre, un certain nombre de gags font mouche et une partie des acteurs y fait preuve d’un indéniable talent pour le cabotinage, renvoyant par moments à la tradition du comique théâtral italien et conférant au film un statu de curiosité quasi-ethnologique.
Malgré son titre, le film – réalisé par un ancien spécialiste des westerns spaghetti – ne fait pas partie de la série officielle des « Pierino » avec Alvaro Vitali : « Le Cancre du bahut » (« Pierino contro tutti ») ayant obtenu un énorme succès, le film qui nous occupe, qui venait d’être tourné, fut rebaptisé à la hâte, le personnage d’Alvaro se voyant affublé du surnom de Pierino en cours de post-synchronisation. Alvaro interprète ici, non pas un écolier retriplant, mais le fils d’une famille de beaufs romains enrichis, qui vient de terminer ses études de médecine en obtenant un diplôme douteux à Addis-Abeba.
Notre héros se porte aussitôt candidat pour un poste à la SAUB (« Struttura Amministrativa Unificata di Base », le nom donné à l’époque à l’équivalent italien de l’assistance publique hospitalière). La scène de son embauche nous vaut une satire assez bien venue de l’usage extrême du piston pratiqué en Italie, chaque candidat présentant une lettre de recommandation émanant de la Présidence du conseil, de la mairie de Rome, du Vatican, ou de la Camorra. C’est finalement Alvaro qui empoche la mise grâce au soutien de la loge P2 (loge maçonnique impliquée dans divers scandales au tournant des années 1980).
Les ripoux italiens pistonnent vraiment n’importe qui !
Embauché comme sbire ramasse-miettes dans un hôpital public lamentable, Alvaro va faire des pieds et des mains pour monter en grade, ne reculant devant aucune pratique déloyale. C’est d’ailleurs sur ce point que le film fait mouche en plusieurs occasions : satire extrêmement féroce des hôpitaux publics italiens, « Pierino medico della SAUB » nous présente un héros absolument antipathique, qui ne pense qu’à peloter les infirmières au lieu de faire son travail, maltraite les malades, escroque des pauvres en leur faisant payer des droits d’admission exorbitants et acheter eux-mêmes les médicaments… On se croirait parfois dans une bande dessinée de Reiser ou d’Edika en live.
Il ne s’agit cependant pas de vous faire croire que ce film est un joyau méconnu de la comédie italienne : ce n’est absolument pas le cas, au contraire. Mains au cul, pets, rots, jeux de mots aussi lamentables qu’intraduisibles, cabotinage à tous les niveaux, « Pierino medico della SAUB » crève tous les plafonds de la vulgarité, en alignant les séquences comiques navrantes à un rythme d’enfer qui frôle l’hystérie. Il est bien sûr nécessaire, en l’absence de toute VF, d’avoir une bonne maîtrise de la langue de Dante pour goûter à leur juste mesure toutes les pitreries d’Alvaro Vitali, mais les italophones devraient apprécier ce violent dépaysement culturel, proche parfois des délires les plus poussés de Philippe Clair.
Le caractère foncièrement méchant de cette comédie vaut ainsi des moments de délire assez poussés. Constatant que l’avancement au sein de l’hôpital dépend du nombre de malades que l’on amène, Alvaro pousse toute sa famille à se faire admettre comme patients. Un oncle figurant de cinéma est ensuite censé lui envoyer un collègue déguisé en cardinal : mais le faux cardinal ayant eu un empêchement, c’est un vrai prélat qui se présente à l’hôpital. Alvaro le traite avec la dernière des familiarités, le quiproquo étant finalement résolu quand notre héros se fait engueuler au téléphone par le pape en personne.
Le running gag du film est à la hauteur de l’ensemble de l’œuvre : soignant une nymphomane dont le mari menace à tout moment de se pendre, Alvaro essaie simultanément de tripoter la donzelle (avec laquelle il se prendra finalement un râteau) et d’empêcher le suicidaire de passer à l’acte.
Une autre séquence le voit expédier des consultations en trente secondes chacune, donnant aux malades des conseils tous plus idiots les uns que les autres. Parmi eux, nous avons l’heureuse surprise de retrouver notre ami Salvatore Baccaro, à qui Alvaro conseille galamment de « retourner chez ses parents, pour se faire refaire ».
Le film ne serait cependant rien sans l’énergie de ses comédiens, qui surjouent tous avec une frénésie palpable. Alvaro Vitali se taille évidemment la part du lion en interprétant un double rôle, celui du héros et de son jeune frère Pippetto, sans que l’on puisse vraiment déterminer dans quel emploi il en rajoute le plus. Parmi les autres interprètes, on pourra citer l’incroyable Mario Carotenuto, comédien un peu méconnu présent dans de nombreuses « sexy comédies » italiennes (« La Toubib du Régiment », « Infirmière de Nuit » etc.) et qui joue ici le rôle du père d’Alvaro avec une véritable maestria dans la cabotinage.
Mario Carotenuto.
Seule déception, et contrairement à ce qu’annonçaient certaines sources, Sabrina Siani ne joue pas dans le film. Sa scène a-t-elle été coupée au montage ? On n’ose y croire.
Je me suis demandé si cette infirmière n’était pas Sabrina, en début de carrière et avant un intense relooking, mais finalement, non.
Tenu par un rythme narratif assez électrique, « Pierino medico della SAUB » est une comédie sans beaucoup de temps morts, ni dans la succession des gags, ni dans la puissance de consternation que le poids de l’humour suscite la plupart du temps. La méchanceté générale de l’humour et la beauferie de tous les personnages lui donnent en tout cas un caractère particulièrement extrémiste, lui conférant un rang de cousin taré des comédies noires italiennes comme « Les Nouveaux monstres ».
Bien qu’une partie de l’humour soit a priori intraduisible, on ne peut que regretter que cet exemple particulièrement dévastateur de comédie trash italienne soit restée inédit dans notre beau pays, le rendant accessible aux seuls italophones. L’aspect "sexy" de l’humour se faisant un petit peu plus discret que d’habitude (malgré la présence de plusieurs filles déshabillées), les distributeurs français ont sans doute trouvé l’humour trop "local". C’est bien dommage, car le potentiel hallucinatoire de ce film en faisait l’un des représentants les plus corsés du comique caca-prout italien. A découvrir sans hésitation si vous maîtrisez l’idiome de Leopardi et savez apprécier les raffinements les plus exquis de la culture transalpine.
Cote de rareté - 4/ Exotique
Barème de notation
La VHS italienne.
Le DVD italien.