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Mon Curé Chez les Nudistes
(1ère publication de cette chronique : 2005)Titre original : Mon Curé Chez les Nudistes
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Robert Thomas
Année : 1982
Nationalité : France (ben tiens !)
Durée : 1h30
Genre : De l’humour français, Môssieur !
Acteurs principaux :Paul Préboist, Katia Tchenko, Marc De Jonge, Philippe Nicaud, Georges Descrières, Jean-Marc Thibault, Henri Génès
Approcher le vide, c’est bien. L’explorer de fond en comble, le retourner comme un gant et en extraire, haletant et ravi, la pépite la plus inattendue, c’est mieux. La recherche du nanar conduit souvent le cinéphile intrépide à s’aventurer sur des territoires inexplorés, mais ici la quête devient hasardeuse : on flotte dans les limbes imprécises du néant filmique le plus brumeux, on sonde la purée de navet la plus épaisse avant de tomber sur la perle de bêtise qui nous remet soudain de bonne humeur. Etrange expérience que ce « Mon Curé chez les nudistes ». Titre mythique du nanar comique français, il n’atteint jamais les niveaux de délire que l’on trouve parfois chez un Philippe Clair (« Le Führer en Folie ») mais nous offre l’expérience paradoxale d’un double voyage dans le temps : une plongée dans l’humour vieillot d’une France d’antan, déjà désuète au moment de la sortie du film en 1982.
On tente ici de nous refiler des gags dignes d’Emile Couzinet (« Le Congrès des belles-mères », « Mon Curé champion de régiment ») en les agrémentant d’une vulgarité égrillarde digne de Max Pécas : de la ringardise au carré, voire au cube, dont le mélange acquiert avec les années un fumet délétère des plus déconcertants. Robert Thomas, auteur de ce bijou d’un autre âge, est un homme à la carrière plus riche que ne le laisserait supposer son pedigree de réalisateur (« Mon Curé Chez les Thaïlandaises », « Les Brésiliennes du Bois de Boulogne »…). Scénariste assez prolifique pour la télévision, auteur de théâtre, il s’illustra par un certain nombre de suspenses policiers qui firent les délices d’ « Au théâtre ce soir ». Son nom revint à la mémoire du public en 2002 quand une de ses pièces policières, « 8 femmes », fut adaptée au cinéma par François Ozon.
Généralement considéré comme un auteur de polars assez moyen, Robert Thomas nous prouvait ici qu’il était également un auteur comique en dessous de tout. C’est peu de dire que nous sommes face à une mauvaise comédie : tous les gags tombent si douloureusement à plat que cela en devient fascinant. On n’est même plus dans la comédie nanarde, on est dans le vertige de l’absolu, la spirale du néant, le maelström de l’échec, le trou noir de l’objectif nul ! Et paradoxalement, la médiocrité insondable des gags, la platitude de l’humour, le surjeu des comédiens, finissent par créer chez le spectateur, au choix, une violente crise d’urticaire ou une douce hébétude rêveuse digne d’un trip aux substances illicites. « Mon Curé chez les nudistes » serait-il une drogue douce ?
Et c’est avec ça qu’il remplit son église !
On manquait peut-être un peu de sorties, dans la France rurale…
Paul Préboist incarne ici le Père Daniel, un curé de campagne qui remplit son église en faisant des sermons comiques dans lesquels il imite notamment les animaux de l’arche de Noé. Intrigué par ce phénomène, l’évêque du cru le charge d’aller évangéliser « Le Veau d’or », camp de naturistes qui fait scandale sur la Côte. Les nudistes, apprend-on, seraient tous incroyants et débauchés ! Qu’un camp de naturistes fasse encore scandale en 1982, c’est déjà assez surprenant : d’autant que les nudistes ne semblent pas sortir de leur camp et qu’ils sont vingt à tout casser (la production ne pouvait sans doute pas se payer davantage de figurants). On a vu pire comme menace contre la chrétienté et les bonnes mœurs ! Que les nudistes soient tous anti-religieux, c’est également une nouveauté, sans doute concoctée par l’esprit de Robert Thomas, qui a dû puiser tout son savoir sur la chose dans un vieux numéro de « Pèlerin Magazine ».
La barmaid du camp de nudistes, jouée par LA plus mauvaise actrice du monde !
On se demande comment elle a obtenu son rôle !
Le Père Daniel part donc en mission et va infiltrer le camp, en se faisant passer pour un aspirant naturiste. S’ensuivent une kyrielle de gags pas drôles et de pitreries navrantes, sous-tendues par l’infernal suspense : notre héros parviendra-t-il à célébrer une messe au camp de nudistes ? Ce scénario haletant est soutenu par des « subplots » aussi ingénieux que fascinants : Jean-Marc Thibault, propriétaire en colère du terrain où s’est installé le camp de nudistes, parviendra-t-il à les déloger ? Henri Génès, curé jaloux, parviendra-t-il à saboter la mission du Père Daniel ? Robert Thomas parviendra-t-il à trouver un gag qui fonctionne ?
Jean-Marc Thibault : José Bové attaquait les Mc Do, lui attaque les nudistes !
Mouahaha ! Paul Préboist prie Dieu par l’intermédiaire d’un paquet de lessive St Marc ! Arf arf arf !
Au-delà du côté intensément « dysfonctionnel » de son humour, « Mon Curé chez les nudistes » se distingue également par une remarquable incapacité à prendre son sujet à bras-le-corps. Le réalisateur semble en effet s’être attaché à mener une mission impossible : réaliser un film relativement tout public sur le sujet d’un camp de nudistes ! Tout le paradoxe du film est là : s’il y a pléthore de plans nichons et de plans fessiers, le film ne nous montrera… aucune nudité intégrale ! Robert Thomas use et abuse d’artifices pour cacher les parties intimes des comédiens, introduisant même une scène de… soirée costumée au camp de naturistes ! On notera ainsi une séquence où une actrice, censée jouer une nudiste chevronnée, se déplace sur la plage en cachant son sexe d’une main discrète… Très crédible ! Hé non, mesdames, à aucun moment on ne voit la quéquette de Paul Préboist !
- « Mais… En quoi es-tu déguisé, Banania ? »
- « Ben, en nègre, patron ! Mouahaha ! »
(Dialogue authentique du film)
Le coiffeur homosexuel, interprété tout en nuances par Marc de Jonge : cet acteur joua plus tard le rôle du commandant soviétique dans « Rambo III » ! Si, si !
Cette pudibonderie schizophrène, qui mine d’emblée toute prétention du film à la réussite artistique, ne serait pas grand-chose sans le véritable concours de cabotinage que nous offrent tous les comédiens. Si Paul Préboist a une sympathique nature comique (mais le malheureux est suremployé), la quasi-totalité des acteurs se livrent à un freestyle généralisé pour savoir qui en rajoutera le plus.
Festival Katia Tchenko !
Katia Tchenko, que l’on vit également dans « L’Emir préfère les blondes » et dans de multiples émissions de télé, réussit à donner le change grâce à un certain peps, mais on ne peut pas en dire autant de Philippe Nicaud, tout simplement épouvantable en leader nudiste, ou de la barmaid, qui bat tous les records. Sans parler de Brigitte Auber, ancienne jeune première des années 1950 (elle joue même – très mal – dans « La Main au collet » d’Hitchcock), qui interprète ici la femme de Jean-Marc Thibault avec l’énergie du désespoir.
Brigitte Auber vient de lire le scénario.
Mais le concours de n’importe quoi est remporté haut la main par Georges Descrières, l’ « Arsène Lupin » télévisé des années 1970, qui part totalement en live dans le rôle de l’évêque, surpassant les niveaux de cabotinage de Stuart Smith dans les pires films de Godfrey Ho ! Conscient qu’être mauvais est une chose, mais qu’il vaut mieux enfoncer le clou en évoquant les plus grands, Robert Thomas lui fait réciter des dialogues piqués à Jacques Prévert (« Moi j’ai dit bizarre, comme c’est bizarre ! » « Atmosphère, est-ce que j’ai une tête d’atmosphère ? »), l’inutilité des citations ne faisant que s’ajouter à la longue liste des flops comiques du film.
Inside the actor’s studio avec Georges Descrières !
Alors, faut-il voir « Mon Curé chez les nudistes » ? Je serais tenté de dire oui, mais je semble manquer d’un certain recul depuis que je fréquente Nanarland (d’ailleurs, après m’avoir vu regarder « Robo Vampire » et « Bruce Contre-Attaque », mon épouse m’a imposé d’aller consulter un psychiatre). Si le nanar comique français nous a offert des films plus exaltants (« Mon Curé Chez les Thaïlandaises », avec Maurice Risch, délire nettement plus), il s’agit sans nul doute d’un véritable monument à la médiocrité humoristique, dont on prendra la véritable dimension en rappelant qu’il fit un million d’entrées en salles à l’époque ! Des chiffres dont doivent rêver des films comme « Les Gaous »... Vertige du gag non-fonctionnel, fascination du vide dont l’horizon infini cache souvent de dangereux précipices : les aventures de Paul Préboist au pays des naturistes habillés sont à déguster pour savoir jusqu’où on peut aller dans le registre de la comédie qui ne fait pas rire. Une authentique expérience d'"inquiétante étrangeté"... J’avoue cependant avoir davantage souri en voyant ce film qu'en visionnant « Chouchou » avec Gad Elmaleh, triomphe public plus récent. Les goûts du public évoluent-ils vraiment ? Bon, je vous quitte, je dois aller me procurer un exemplaire de « La Pension des Surdoués » !
Cote de rareté - 2/ Trouvable
Barème de notationLe film a été réédité en 2005 chez "Fravidis" sous la forme d’un petit DVD sans bonus (on aurait pourtant rêvé d’un commentaire audio de Georges Descrières expliquant les subtilités de son jeu…).
Il existe également un double-DVD Mon curé chez les nudistes / Mon curé chez les Thaïlandaises, trouvable un temps dans les hypermarchés Auchan pour 9€90.
Et puis comme ça ne suffisait pas, allez "Fravidis" se la joue luxueuse en le ressortant avec 9 autres films du même tonneau dont "Ca Va Faire Mal" et "Mon Curé chez les Thaïlandaises" dans un coffret "les Rois de la Comédie vol 1". Mine de rien, un tel sens du recyclage, c'est un bel exemple pour enseigner le développement durable à nos enfants.