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Le Dernier Dinosaure
(1ère publication de cette chronique : 2012)Titre original :The Last Dinosaur
Titre(s) alternatif(s) :Aucun
Réalisateur(s) :Alexander Grasshoff & Shusei Kotani
Année : 1977
Nationalité : Etats-Unis / Japon
Durée : 1h40
Genre : Les hommes viennent du Jurassique, les femmes du Crétacé
Acteurs principaux :Richard Boone, Joan Van Ark, Steven Keats, Luther Rackley
Aujourd’hui nous allons faire un peu de sociologie amusante, avec une œuvre qui décrit les transformations des relations entre les sexes dans les années 70, la montée du féminisme, le re-positionnement de la masculinité et l’art délicat de la chasse au tyrannosaure.
Oui je sais, quand on aborde une chronique qui s’appelle Le dernier dinosaure on s’attend à des monstres kitschs et des aventures invraisemblables. Y en a. Mais globalement on s’en fout, car ce qui sidère le plus dans ce film ce n’est pas tant le décorum préhistorique et les lézards géants en caoutchouc qui gambadent à l’écran que sa vision sociologique d’un autre temps des relations humaines.
Idéologiquement, ce film sorti tout de même à la fin des années 70 véhicule une image des relations hommes-femmes proprement hallucinante. "Back to réac". Son héros, Masten Thrust, est du granit dont on fait les machos d'exception : le dernier dinosaure du film, c'est lui. Une survivance des temps anciens où les vrais hommes avaient le regard décidé et le glaoui touffu, traçant leur route sans jamais laisser personne leur marcher sur les balloches. Et surtout pas les gonzesses. Ce capitaine d’industrie massif et résolu navigue en conquérant dans le monde des affaires et collectionne les conquêtes qu’il séduit sans coup férir par sa puissance de mec qui en a. Il a le pouvoir, il a les femmes. Des dindes qu'il jette ensuite sans remord, comme des kleenex, une fois celles-ci passées par son lit.
Soyons clair, ce type est un sex symbol.
Il faut dire aussi que notre homme n'a qu'une seule véritable passion dans la vie : la chasse. Le générique retrace la vie de ce bloc de masculinité triomphante. Elevé dans une famille fortunée, biberonné à l'amour des armes dès le berceau, Thrust, traqueur de fauves devant l'éternel, parcourt le monde pour collectionner les trophées. Il n'est guère de bestiole qu'il n'ait flingué dans son existence, humain y compris, puisqu'il a fait une Seconde Guerre mondiale brillante. Il faut voir pour le croire, mais notre macho man ne manifeste soudain un semblant d’émotion qu'à l’évocation du velouté de la crosse en noyer du premier fusil de son enfance.
Évidemment, au terme d'une vie bien remplie au service de l'art cynégétique, Thrust n'a plus guère d'adversaire à sa taille… Heureusement pour lui, ses investissements pétroliers lui donnent enfin une nouvelle proie à sa mesure : un T-Rex. Effectuant des recherches dans l'Arctique au moyen d'un sous marin-foreuse, les employés de Thrust Industries tombent sur une poche volcanique où, grâce à la chaleur, s'est maintenue une petite jungle peuplée de dinosaures qui se sont empressés de dévorer l'équipage du sous-marin. L’occasion est trop belle, Masten Thrust met en place une nouvelle expédition pour aller explorer ce monde perdu.
Allez, venez faire un tour en foret !
Officiellement, comme il l'assure devant les caméras, il s'agit d'une pure exploration scientifique, mais personne n’est dupe quant au fait que Masten ne pense qu'à une chose : ajouter une tête de tyrannosaure dans son salon. Le voici donc parti pour cet oasis jurassique, accompagné par son guide de chasse masaï muet, par un vieux prix Nobel japonais humaniste, par le seul survivant de l’équipe précédente (censé être le jeune premier auquel on peut s’identifier), et surtout, surtout par l’élément féminin du film : une reporter de guerre au QI d’alouette.
Parce qu’en comparaison avec ce bloc de testostérone sûr de lui, l’éternel féminin est ici représenté par un modèle particulièrement redoutable de blonde écervelée : Francesca "Frankie" Banks.
Un personnage ahurissant. Au début du film, un rôle secondaire la présente brièvement. Frankie c’est une journaliste free lance, femme libre et indépendante, détentrice d’un prix Pullitzer pour ses reportages à haut risque dans des zones de guerre. Evidemment celle-ci s’intéresse aux activités de Thrust et plus particulièrement à son projet d’expédition spectaculaire auquel elle veut participer. En bon macho man, Thrust ne tolère aucune gonzesse pour ce voyage et envoie sèchement paître la journaliste. Mais Frankie en a vu d’autres et annonce avec un demi-sourire qu’elle ne se laissera pas intimider par ce refus.
Vas-y Frankie c’est bon, tu vas leur montrer à tous ces mecs ce qu’une femme moderne et indépendante est capable de faire, c’est quoi ton plan ?
Ben se déguiser en geisha, coucher avec Thrust, devenir sa maîtresse et participer à l’expédition.
Quoique si ça se trouve c'est une méthode réellement enseignée dans les écoles de journalisme, quand on voit en France le nombre de journalistes politiques qui se sont mises à la colle avec des hommes politiques...
Une fois sur place, Frankie, reporter de guerre chevronnée rappelons-le, va passer son temps à hurler, se plaindre, pleurnicher et s’occuper de la cuisine et de la vaisselle dans la grotte qui leur sert de camp de base.
Oh mon Dieu, je suis montée sur le dos d'une tortue géante pour prendre des photos !
Ah ! et puis sur le partage des tâches domestiques, y aurait à redire !
En fait, dans ce film, aucun personnage n’est véritablement sauvable en dehors de Thrust. La fille est ouvertement idiote, le jeune premier est d’une fadeur invraisemblable et on a envie de lui tirer des claques à chaque fois qu’il ouvre la bouche tant il se la joue couard et raisonnable. Quant aux autres, ils sont juste là pour se faire rapidement boulotter.
"Bunta, en swahili, ça veut dire quelqu’un qui a une centaine de femmes et un millier de têtes de bétail." (sic)
Moi je suis censé être le jeune premier mais en fait j'ai une sale tête et je sers à rien.
Le casting est plutôt bon même si le vétéran du western Richard Boone, qui prête sa silhouette massive à Masten Thrust, est visiblement très fatigué. Il mourra d’ailleurs d’un cancer trois ans plus tard. D’après les témoignages, il est plutôt porté sur la bouteille et se présente sur le plateau pas toujours très frais. Portant une invraisemblable perruque qu’il réajuste ponctuellement, des lunettes fumées qui lui mangent la moitié du visage, mâchouillant occasionnellement son dentier, Boone traverse parfois certaines scènes comme un somnambule. Pourtant, grâce à son charisme évident, il donne une dimension véritablement attachante à ce personnage excessif.
Dans le rôle ingrat de Frankie, la blonde Joan Van Ark (oui c'est son vrai nom) ne manque pas de charme, même si l'attitude infantile de son personnage de dinde la rend vite exaspérante. Elle fera surtout carrière à la télé, devenant célèbre par la suite pour son rôle dans la série "Côte Ouest", avant de faire parler d'elle pour ses opérations de chirurgie esthétique particulièrement ratées qui l'ont transformée en quasi monstre de foire.
Vous serez gentil de poser vos questions doucement, la nuit dernière a été difficile...
Bon, les choses dérapent assez vite et la petite bande va se retrouver coincée au milieu des dinosaures. Faut dire qu’ils se font piquer leur sous-marin foreur par un T-Rex. Je sais, je sais, ça paraît complètement idiot mais le T-Rex se pointe pendant que l’équipe est en exploration, joue un peu avec l’engin puis d’un coup de gueule l’expédie dans un ravin. Et voilà notre équipe perdue sous la terre au milieu des dinosaures.
Ah les dinosaures, il faut aussi en parler un peu ! Ils nous renvoient en un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, où l’image de synthèse ne régnait pas en maîtresse sur le cinéma. Où les jungles dans les films n’étaient pas de simples fonds verts sans âme mais d’authentiques studios garnis de plantes vertes en pot et de rochers en carton-pâte amoureusement reconstitués par des décorateurs. Avant l’âge de pierre et l’âge de glace, il y eut l’âge du caoutchouc. Joués "japanese style" par des acteurs dans des costumes en latex, ils sont l’un des clous du film. Des dinos souvent assez kitschouilles mais bénéficiant du savoir-faire technique de la Toho, les papas de Godzilla. Efficacité japonaise, acteurs américains, tandem de réalisateurs, on peut rapprocher ce film d’autres co-productions nanardes comme Itoka le monstre des galaxies ou Robots 2000 odyssée sous-marine. Aux côtés de la Toho, on retrouve le nom de Rankin-Bass, une société spécialisée dans l’importation de films et de dessins-animés japonais pour le marché US, et qui se charge d’américaniser le produit par le casting et l’habillage. Le film est d'ailleurs sorti avec des montages sensiblement différents aux Etats-Unis et au Japon.
Soyons honnêtes d’ailleurs, ils ne manquent pas d’une certaine allure les dinos. Les fans de Kaiju Eiga à l’ancienne ne pourront qu’avoir la larme à l’œil à la vue de ces bestioles toutes pataudes qui déambulent dans une jungle de jardinerie.
Comme la qualité des caps ne leur rend pas justice, j'en profite pour rajouter quelques photos d'exploitation d'époque plus parlantes.
Il y a le souci du détail dans les costumes, même si ceux-ci n’en sont pas moins totalement irréalistes. En témoigne la scène où Thrust, à cours de munitions, construit une catapulte artisanale pour dézinguer le T-Rex. Le bloc de pierre qui frappe l’animal fait plier (au ralenti s’il vous plaît) le crâne en caoutchouc de la bête d’une façon absolument grotesque.
Dans ta face !
Certains sites spécialisés prétendent que le costume de tyrannosaure a ensuite resservi pour la série Dinosaur War Izenborg surtout connue pour avoir généré le film Attack of the Super Monsters chroniqué chez nous. Au vu des photos ça semble assez probable.
"Le dernier dinosaure" et "Attack of the Super Monsters", effectivement ça semble bien être la même vedette !
Il faudrait aussi évoquer les hommes des cavernes, joués par des acteurs japonais que nos héros mettent gaillardement en déroute. Ils en profitent pour recueillir une cro-mignone pas très farouche qui leur servira rapidement de domestique...
Le film fait partie de cette vague née après le succès du remake du King Kong de John Guillermin, produit en 1976 par Dino de Laurentiis. Il y a de temps en temps des films qui déclenchent des modes. L’énorme campagne médiatique autour du remake a relancé un peu partout l’intérêt pour les films de monstres géants. Dans la foulée, gorilles surdimensionnés et dinosaures en vadrouille allaient faire un come back fracassant sur les écrans, comme dans Queen Kong, Le colosse de Hong Kong ou La Planète des dinosaures. Nul doute que ce Dernier dinosaure n’aurait pas vu le jour sans lui. Il aura un succès honnête et prendra ses lettres de noblesse dans les mémoires des Américains lors de ses multiples passages à la télévision.
Parfaitement représentatif d’un autre temps où l’aventure et la volonté d’en mettre plein la vue l’emportait sur le sens du ridicule, ce film conserve un charme fou teinté de nostalgie lié à son esthétique old school et à sa patine vieillotte. Certains diront : on n'en fait plus des comme ça (les féministes diront tant mieux). Quoiqu’il en soit, on peut l’apprécier très largement au premier degré ou rester médusé devant cette relique d’un autre temps où les hommes étaient des hommes, les femmes étaient des cruches et où les dinosaures étaient en caoutchouc.
L'affiche allemande.
Cote de rareté - 2/ Trouvable
Barème de notationL'affiche française d'époque.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, le film n’a jamais bénéficié d’une diffusion vidéo chez nous, alors qu’il est bien sorti en salle en décembre 77 un peu partout en France, et qu’il a été plusieurs fois présenté à la télé avec son excellent doublage français d’époque. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai moi-même découvert ce film. La qualité assez médiocre des caps, issue d'un enregistrement hertzien sur la chaîne belge RTL, le confirme.
En 2014, l'éditeur "Crocofilm" a sorti un DVD assez controversé. Outre le fait que la qualité est globalement assez médiocre, toute la fin garantie inédite (issue du montage japonais ?) est en VO non sous-titrée. N'ayant pas encore pu voir cette version, nous resterons prudents.
Reste donc à se rabattre sur les éditions DVD étrangères, plutôt bien fournies mais où manque la VF. Les Japonais de chez "Toho" ont été les premiers à dégainer avec une belle édition en anglais sous-titré nippon, nantie de pas mal de commentaires audio de l'équipe japonaise et d’interviews centrés sur les effets spéciaux. Si le film est dispo en anglais, les bonus et commentaires sont en japonais non sous-titré hélas. Par contre c’est un zone 2.
Multi-rediffusé à la télé aux Etats-Unis, Le Dernier dinosaure a ses fans. "Warner Archives" l'a ressorti dans une édition simple en zone 1 qui remplace les nombreuses versions bootleg traînant sur le net. Par contre là c'est du basique : pas de bonus, juste le film en anglais et sa bande-annonce.