Ce site web utilise des cookies, uniquement à des fins statistiques.
Ils nous permettent de connaître la fréquentation de notre site web, et les contenus qui vous intéressent.
American Teenager
(1ère publication de cette chronique : 2008)Titre original :Out 2 Lunch
Titre(s) alternatif(s) :Tombé sur la tête (Québec)
Réalisateur(s) :Jon Stevens
Année : 1988
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h20
Genre : Acné & orthodontie
Acteurs principaux :Rami Rivera Frankl, Eugene Bernkrant, Christina Peak, John Traynham, Lenny Gonzalez...
Version française canadienne sortie en VHS chez Videoville Showtime.
Les affres de l'adolescence, tout le monde y est passé et tout le monde a vite fait de reléguer ces souvenirs infamants dans les sombres oubliettes de sa mémoire. Et afin de bien en assurer l'oubli collectif, il est toujours de bon ton de se moquer de la jeunesse actuelle avec sa débilité maladroite, ses modes ridicules et ses velléités temporaires de rébellion via une contre-culture déjà bien intégrée au Système (oui, celui avec un S majuscule). Ah, qu'ils sont exaspérants ces jeunes cons qui croient tout savoir avec leur crête sur la tête et leur polo à losanges roses. C'est pas comme si au même âge, on s'était nous-mêmes cru les rois du monde avec nos baggys, nos chemises canadiennes à carreaux rouges et nos Doc Martens coquées... Bien évidemment que non.
Malgré cela, certaines personnes n'ont pas peur de faire face à la réalité, de se dresser face à cette période ingrate de la vie afin de lui tendre la main, et de lui dire : "viens, on va faire un film ensemble".
La main tendue de l'espoir.
Seulement, voilà, la réalité de l'adolescence, c'est pas très joli. Surtout dans les années 1980. Et en voulant lui rendre hommage sous couvert de bluette sentimentale, « American Teenager » (« Out 2 Lunch » en VO) devient involontairement un véritable défilé de l'horreur pubertaire dans toute sa variété.
Allez, bande de trentenaires chauves, bavez devant ces crinières flamboyantes.
Bienvenue donc aux visages mal dégrossis, aux fringues coolos mais moches, à l'acné et aux poils, aux bandes de loulous fashion, au hard-rock, à la découverte des valeurs idéologiques, aux amourettes embarrassées, à la révolte contre un peu tout et n'importe quoi et aux coupes de cheveux abominables. Aaah, les premiers baisers échangés maladroitement sur la pelouse du lycée, aaah, le romantisme fleur bleue, aaah la vie ponctuée d'interros surprises de maths, aaah la première biture (suivie de la première gerbe, puis de la première gueule de bois)...
Mais comme si cela ne suffisait pas, « American Teenager » décide de nous exposer plus spécifiquement la vie de la jeunesse californienne, accompagnée de tous les grands poncifs du lycée américain que nous avons bien sûr tous connus : les rangées de casiers, la rentrée en classe avant la fin de la cloche, les corvées de nettoyage, le year book, le chauffeur de school bus jaune, le bal de fin d'année couronnant sa Prom Queen et la classique étude de Roméo et Juliette. Perso, je m'en souviens comme si c'était hier.
Une bande de voyous comme on a tous rêvé d'en connaître pour se faire tabasser.
Ch'est-y pas mignon ?
Une première louche de choix esthétiques osés.
L'aspect le plus marquant du film, c'est le parti pris anti-"Beverly Hills". A l'opposé d'un « Elle est trop bien », Jon Stevens a décidé de fuir le cliché gosses de riches aux dents blanches, au brushing impec' et aux fringues de marque, rayonnant d'une beauté factice, pour nous livrer de la pure, de la dure mais de la vraie réalité. Pure, mais hilarante. Oui, désolé les jeunes, mais ce serait vraiment hypocrite d'affirmer le contraire. C'est bien simple, il faudrait quasiment faire des captures d'écran de tout le monde pour donner un aperçu des délires graphiques auxquels nous exposent les looks les plus fous de ces jeunes gens en quête d'identité. Le défilé ne cesse pour ainsi dire jamais, perpétuel renouvellement de la grotesquerie fantasque spécifique de cet âge insensé. C'est là le point nanar le plus intense de « American Teenager », un vrai délice pour tous les amateurs du genre. Et histoire d'enfoncer le clou de la laideur avec encore plus de force, le film semble avoir été sponsorisé par l'Association Americaine d'Orthodontie ; c'est en effet appareil-dentaire haut et bas pour tout le monde, sorte de mode du piercing avant l'heure.
L'androgynie, aboutissement de l'identité sexuelle ?
Tom, mon Adonis préféré.
Par ailleurs, il est intéressant de souligner la contestation du modèle "Melrose Place" jusque dans les ethnies représentées à l'écran. Le p'tit blanc est ici minoritaire, la majorité du casting offrant un teint basané quasi-indonésien qui a de quoi interroger le spectateur. Oui, ça peut paraître con dit comme ça, mais j'ai vraiment été persuadé pendant tout le film que j'avais affaire à une tentative d'imitation philippine d'un campus movie. Je ne sais pas dans quel quartier le métrage a été tourné, probablement que la population locale devait y être marquée par l'immigration hispanique (les noms des acteurs vont dans ce sens), mais le résultat à l'écran est très intriguant, et ma foi agréablement dépaysant. Je suspecte toutefois la qualité de ma VHS d'être partiellement responsable de ce métissage de l'autre bout du monde.
Non, ce n'est pas Giant Weng Weng.
Mais ce n'est pas tout : en effet, il ne faut jamais sous-estimer la capacité de nos doubleurs français à saccager un film, spécialement quand il sont quatre adultes à doubler un lycée entier, soit à peu près une trentaine de personnages différents, âgés de 16 ans. Si les dialogues ne franchissent pas trop le seuil de la connerie, c'est surtout dans les intonations et les accents risibles que le nanardeur trouvera son compte.
Quant à l'environnement musical, c'est encore là un aspect aux petits oignons : hard pop FM 80's jusqu'au bout des doigts, les morceaux s'enchaînent sans coup férir, proposant des titres comme I think I'm in love with you, Can't take my eyes off you, Stronger together ou Girlfriend is better. Et ça tombe bien, vu que très souvent, on peut voir nos ados se déhancher sur les pelouses du campus, dans des chorés en groupe ou en solo. Ca finit par devenir très entraînant pour le spectateur, je me suis moi-même surpris à bouger mon corps et à placer quelques pas de danse sur ces rythmiques énergiques (Do the robot, version aérobic). Cela donne vraiment un côté très sympa et attachant au film.
Des codes vestimentaires stricts marquant l'appartenance obligatoire à un courant musical.
Créativité artistique et spontanéité sont au cœur même du lycée américain.
Le scénario s'intéresse à plusieurs groupes qui évoluent dans leurs petites histoires du quotidien. C'est ainsi que l'on suivra principalement Vickie et son amour pour Tom, un jeune homme fougueux à la volumineuse crinière qui marque son leadership sur son groupe de rock. Mais drame des convenances sociales : en effet, le Code (?) interdit aux metallers (prononcez "métalleur'sse") de fréquenter les étrangers, et plus particulièrement les new-wavers (prenez une patate dans la bouche et prononcez "niouwéveuw'sse"). Les dissensions menacent le groupe, c'est l'escalade dans la violence musicale. Mais Tom est un rebelle amateur en cachette des 4 Saisons de Vivaldi et Vickie a fait de l'harmonica plus jeune, ce qui devrait leur permettre de se sortir de l'adversité.
Tom, un metallers qui avait déjà deviné le futur regain d'intérêt de la mode djeun's pour le rose.
Vickie, new-wavers et son (plein) fard à paupières.
Rob, le copain de Tom, qui veut se faire Gordie, la copine de Vickie.
Une déclaration d'amour rock'n'roll.
James est un introverti tête de turc punkoïde thrashed tendance David Bowie, qui se fait vanner en classe et racketter dans la cour, malgré le soutien de Ricka. Quand une bataille de boules de papier éclate en pleine interro, c'est bien évidemment le seul à se faire prendre. Heureusement, les grands classiques de la littérature britannique sauront l'aider à s'affirmer et à mettre son poing dans la tronche du petit emmerdeur qui profite lâchement de la puissance que lui confère son gang.
James, qui tend quand même le bâton pour se faire battre.
Ricka, et heuuu, bah Ricka, quoi.
Quant à Angie, elle illustre le problème du peer pressure, de la difficulté de l'intégration au groupe, et de l'utilisation ingrate qui peut en résulter. Gauche et niaise, elle cherche par tous les moyens à être populaire comme son amie Chris, et à se faire inviter à la fête organisée par une bande de guignols qui se la pètent. Angie, ou le paradoxe de l'adolescent(e) qui cherche à tout prix à obtenir le droit d'accès à la fréquentation de gros connards qui l'exploiteront sans scrupule avant de l'abandonner comme une vieille chaussette. Alors que l'amitié, la vraie, lui est déjà offerte, là, sous ses yeux, par sa meilleure copine. Gageons qu'après quelques déconvenues, ces demoiselles ouvriront les yeux sur les véritables valeurs de la vie.
Angie, le niais papillon attiré par la lumière clinquante de la beauferie.
Chris, sa meilleure amie, source d'envie et de jalousie.
Enfin, Ella devra faire le deuil de sa relation platonique basée sur les maths et l'histoire avec son ami Peters, suite à l'arrivée dans le lycée de Julia avec qui Peters va se rapprocher. Ah, grandes difficultés que celles de gérer ces nouveaux sentiments bouillonnants qui déchirent l'âme et qui peuvent amener à faire injustement souffrir ceux qu'on aime. C'est bien beau d'avoir inventé le dialogue et la communication, encore faudrait-il s'en servir plutôt que d'attendre que l'autre comprenne miraculeusement ce qu'on a dans la tête, n'est-ce pas Ella ?
Ella, elle l'a cette drôle de voix (mais c'est le doubleur).
Peters, qui drague grâce à ses révisions d'Anglais.
Julia, friquée, mais plutôt soft par rapport aux autre protagonistes.
Mais n'oublions pas non plus les enseignants, qui éprouvent eux aussi une forme de souffrance et s’interrogent gravement sur leur investissement professionnel. C'est "cynisme fatigué" contre "jeunesse idéaliste". Hé oui, « American Teenager » s'intéresse vraiment à tout le monde : c'est un véritable manifeste du lycée dans sa globalité.
La jeune institutrice pleine de foi en l'éducation.
Il faut toutefois reconnaître au film que tout n'est pas pour autant traité avec crétinerie, et que certaines situations relationnelles arrivent à éviter les écueils des clichés faciles. Les personnages surprennent de temps à autre par leurs propos sensés et l'expression authentique de leurs bouleversements sentimentaux. « American Teenager » dégage ainsi une véritable recherche de sincérité dans l'exposé qui est fait de l'adolescence américaine. Ce ressenti va de fait en s'accentuant avec le déroulement de l'histoire, pour atteindre son apogée sur un générique de fin très sympa qui fait défiler tous ses jeunes acteurs.
« American Teenager » permet donc de passer un agréable moment en compagnie d'une jeunesse dont les looks extrêmes et les crises identitaires proposeront un divertissement sans temps mort, tout en conservant une certaine affection compréhensive pour un âge que nous avons tous connu. Un équilibre délicat suffisamment rare pour être noté et encouragé. Bravo à vous m'sieur Stevens.
Un dernier petit tour d'horizon des meilleures coupes de James.
Mais rassure-toi Tom, tu restes mon p'tit chouchou.
Merci à Kornichon pour les captures d'écran.
Addendum de John Nada :
Comment ce film est-il né ? Nous ne pouvons que nous perdre en spéculations oiseuses. Les kids qui s'ébattent dans le film sont clairement des comédiens amateurs, ils n'ont aucun autre crédit sur l'IMDB. Le film lui même est une vraie rareté, on ne trouve trace nulle part d'une édition en VO de ce Out 2 Lunch. Le grain de la pellicule fait penser à celui des films de Norbert Moutier, vraisemblablement du 16mm. Visiblement tourné dans un vrai collège, avec de vrais collégiens, s'agirait-il d'un projet d'étudiants en école de cinéma ? Au générique, on trouve énormément de "L.A.S.U.S.D. Co-Executive Producers", "L.A.S.U.S.D. Associate Producers" et de "L.A.S.U.S.D. Student Co-Producers" venant étayer l'hypothèse d'un film co-produit par le Los Angeles Unified School District. Le réalisateur est un certain Ramon Alon (alias Jon Stevens Alon), un ancien de la Cannon qui a scénarisé quelques chefs-d'oeuvre comme Blood Warriors pour les indonésiens de Rapi Films, Cyborg Cop II et Air Strike, et qui est crédité comme production manager sur d'autres chefs-d'oeuvre comme Créature, Portés disparus 2 et Ninja 3 : la domination. A part ça, impossible d'en savoir plus… En tout cas American Teenager est une vraie curiosité, cette approche quasi documentaire – sorte de mondo de la mocheté acnéique – conférant au film un réalisme, une authenticité qui brûlent les rétines. Sur le fond,c'est un peu Les beaux gosses avant l'heure, mais sans le recul et l'humour très second degré qui faisaent tout le sel du film de Riad Sattouf.
Mis à jour : Nous avons pu retrouver trace de Ramon Alon / Jon Stevens Alon, qui raconte à propos de ce film : "My ex-wife raised $600K in donations to make her film OUT 2 LUNCH because she brilliantly hooked up with the Los Angeles Board of Education, got kids bussed in from the "inner-city" to a West Los Angeles middle-class junior high school to write the stories that became the basis for the OUT 2 LUNCH film's script, then cast the film with students, and had a select group of other kids work alongside the film professionals during the actual filming. She even had union people come down and lend a hand."
Cote de rareté - 6/ Introuvable
Barème de notationInitial a édité le film sous le titre American Teenager, tandis que FIP l'a sorti sous le fallacieux titre American Teenagers 2 (c'est du 1 pour le prix de 2). Aucune trace de Out 2 Lunch à l'étranger (pour tout dire, nous n'avons trouvé aucun visuel original du film lors de nos recherches), si ce n'est une édition VHS canadienne en version française titrée Tombé sur la tête.