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Enter 3 Dragons

(1ère publication de cette chronique : 2007)
Enter 3 Dragons

Titre original : Enter 3 Dragons

Titre(s) alternatif(s) :Le Roi de Shaolin, La Vengeance de Lama, Ninja Blood Sport, Kung-Fu Ninja Blood, Le Défi du Ninja, Dragon on Fire, Le Dernier Défi

Réalisateur(s) :Godfrey Ho, Joseph Velasco (sous le nom Joseph Kong)

Producteur(s) :Tomas Tang, Joseph Lai

Année : 1979

Nationalité : Hong Kong

Durée : 1h25

Genre : Mieux vaut 3 tu l'auras à peu près que 1 tu l'auras plus jamais

Acteurs principaux :Bolo Yeung, Philip Ko, Dragon Lee, Bruce Lai, Bruce Lea, Tiger Yeung Cheng Wu, Kong Do...

Kobal
NOTE
2.75/ 5


J'avoue avoir un petit faible pour la bruceploitation. En effet, quel genre peut s’enorgueillir d'être fondé sur un concept aussi débile ? Se baser sur la repompe non pas d'un style particulier de films ou de mode comme peuvent le faire la bikersploitation ou la nunsploitation, mais uniquement sur le photocopiage du jeu d'un acteur, fut-il mythique, me dépasse. A part Bruce Lee, quel autre exemple d'acteur copié-collé existe-t-il ? Peut-être Eddy Murphy (et c'est lui qui joue ses propres rôles, au moins), sinon je ne vois pas. Le summum étant que malgré les limites évidentes d'un tel parti pris, cette vague d'exploitation a su se montrer d'une fécondité surprenante, se poursuivant au-delà même de la mort de l'icône qui fut son modèle.

Alors vous pensez bien que quand les réalisateurs et producteurs, peu enclins à abandonner un filon tant qu’il n'est pas complètement tari, se sont mis à donner libre cours à tous les délires dégénérés possibles et imaginables, et que les Bruce-fake ont commencé à se rencontrer dans un même film, l'amateur de ciné déviant bizarroïde que je suis ne pouvait que se réjouir.

Voici donc comment on en arrive à chroniquer un grand moment de nawak pelloché comme l'est « Enter 3 Dragons » (dont le titre est un pastiche évident de « Enter the Dragon » alias « Opération Dragon »). Qui pourrait résister à l'attrait de voir 3 mecs participer avec une émulation pleine de ferveur au concours de "qui qui c'est le plus Bruce de nous" ? C'est à se demander s'ils n'étaient pas payés au Bruçomètre.


Le coup d'envoi est donné, les Bruce-fake sont partis !


Quel scénario nous a-t-on concocté là pour justifier une telle foire aux rictus usagés et autres feulements prix promos ? Ah mais je m'arrête tout de suite, qu'aperçois-je au générique ? Tomas Tang et Jospeh Laï à la production (assisté de son frangin Georges) ? Godfrey Ho en assistant-réalisateur ? Mmmh, ces margoulins auront-ils donc été de toutes les escroqueries hongkongaises ? Bientôt, on va apprendre que ceux sont eux qui ont rétrocédé HK à la Chine, mais en plusieurs versions avec des bouts de Thaïlande et des Philippines dedans, avant de foutre le feu à Macao histoire de toucher l'assurance. Bref, cessons de faire de la pub pour ces aimables véreux et concentrons-nous sur leur création.


Sammy (Sam Walles) participe à un échange de diam's qui tourne vinaigre quand son destinataire est lâchement assassiné. Soupçonné par son boss d'avoir volé la marchandise, il devient de fait la proie de nombreux pratiquants de kung-fu, alors qu'il tente de s'expliquer. Débarquent soudain des Bruce-fake.


Les diam's, une obsession dans l'oeuvre Tangholaïenne.


Le Boss, Chi-Tang, trahi de tous bords.


Sammy "je ne suis pas Steve James" Walls.


Bon, je vous préviens dès maintenant, le scénario est incompréhensible. On passe la plus grande partie du film à tenter de comprendre qui fait quoi, où et pourquoi. Ayant regardé le métrage pas moins de trois fois (une pour chaque Bruce) pour bien en tirer toute la substantifique moelle, je vous conseille de bien tout lire avant de vous lancer à votre tour dans cette tempête de nawak nanar.

Tout d'abord un tableau récapitulatif des personnages :



VERSUS


Et voici un résumé spoiler, mal nécessaire : Wong a décidé de doubler le boss en volant les diams et en faisant porter le chapeau à Sammy. Ce dernier, aidé de Joe, tente de s'expliquer. Il est alors secondé par Dragon Hung, puis par Dragon Young et Min-Young. Mais dans l'ombre, Tao Fei agit par l'intermédiaire de son frère Wa : il tue Wong avant d'assassiner froidement le boss, Chi Tang, et fait enlever Dragon Hung ainsi que Kathy. Joe est soudain tué ! Mais Wa est à son tour éliminé par Tao Fei. Quant à Ming, le cousin de Ming-Young, il est harcelé par Requin à qui il doit de l'argent. Les survivants se foutent sur la gueule, tandis qu'un moine Shaolin raconte n'importe quoi dans son coin.


Le Requin, un ressort scénaristique très fin.


Les gweilos karateka syndicaux.


Le gweilo à poil touffu, une espèce qui fait toujours plaisir à voir.

 


Comme tout le monde, vous n'osez pas avouer qu'il vous est parfois bien difficile de faire la distinction entre les différents acteurs des films asiatiques. Combien de fois avez-vous maudit le chargé de casting et résumé un personnage à sa coupe de cheveux, sa barbiche ou ses lunettes ? Combien de fois avez-vous découvert dans le cast final que l'acteur que vous preniez pour Sammo Hung était en fait Alphonse Béni ? Honteux de ce que vous pensez être une tare, vous n'osez pas vous lancer dans un tel film de peur d'être largué au bout de 15 secondes et de passer pour un minable beauf déconnecté de la branchitude asiatique moderne. Heureusement Tonton Kobal a pensé à vous et vous donne aujourd'hui la possibilité de la ramener grave lors de votre prochaine soirée mondaine snob.

Aujourd'hui : comment distinguer les Bruce ?

Dragon Young (Bruce Laï)






Dragon Young a de gros sourcils et une forte ossature de la face. Il porte peu ses lunettes mais il apprécie une bonne tenue chinoise blanche ainsi qu'un costume jaune rayé de noir. Il se déforme souvent la bouche en mâchouillant dans tous les sens. Son personnage est le Bruce-fake le plus impliqué dans l'histoire. Par contre, c'est celui qui ressemble le moins à Bruce Lee.

Dragon Hung (Bruce Lea)






Dragon Hung ne quitte jamais ses immenses lunettes noires et aime s'habiller en tee-shirt rouge laissant ses aisselles libres. Il se bat finalement assez peu et a un intérêt scénaristique quasi-nul. C'est celui qui ressemble le moins à Bruce Lee, mais par contre, c'est visuellement ce qui se rapproche le plus d'un Bruce Le-fake.

Bruce Young (le Coréen Dragon Lee alias Ryong Keo)






Disons-le d'emblée, Dragon Lee est clairement celui qui ressemble le moins à Bruce Lee. Très bridé, sans lunettes, il compense son physique faiblement look-a-like par un surjeu jouissif avec des sautillements intempestifs, des grimaces à déformation faciale optimale et le top du top, les feulements indispensables à tout Bruce-fake qui se respecte. A noter qu'il parle assez peu entre deux cris.


Ming, l'Alvaro Vitali chinois, s'emmêle entre tous ces Bruce.


Le Moine Shaolin, amateur de la force bouddhique et de la philo bouddhiste pour les nuls.


Bien sûr, on pourrait penser que ce bric-à-brac scénaristique est dû à l'incompétence de ses géniteurs. Or rien n'est plus faux : il y a un esprit intelligent derrière tout ça. Tout a été pensé pour embrouiller le spectateur, nul doute possible. Voici donc la méthode parfaite (et authentique) pour rendre confus n'importe quel spectateur.


Le story-board du film.


Le plus important, et le plus évident : mélangez vos Bruce jusqu'à l'écœurement. Exécutez un véritable ballet dynamique inarrêtable, un bonneteau démoniaque qui permettra de piéger tout pigeon qui se présente. Habillez vos Bruce de la même façon, et changez les d'une scène à l'autre. Ne précisez jamais vraiment leurs motivations, faites-en disparaître un du scénario pour mettre en avant un autre. Mixez les noms : que Dragon Hung se présente comme étant Dragon Young et vice et versa, avant d'intervertir. Que Bruce Young se réclame dans un premier temps être le demi-frère de Dragon Hung aux dépends de toute cohérence patronymique, puis rétablissez la continuité. Plus subtil, donnez le prénom Dragon aux deux Bruce-Fake dont le nom d'acteur est Bruce, et faites le contraire pour Dragon Lee en le prénommant Bruce. Vous saurez que vous aurez réussi votre manœuvre quand même les autres acteurs ne s'y retrouvent plus, et que les doubleurs en sont réduits à faire des pirouettes linguistiques.


Le vrai Bruce-fake saura se déformer le visage pour se rendre méconnaissable.


Hop, une clémentine dans la bouche, et ce n'est plus le même homme.


« Enter 3 Dragons », encore un film plagié par Tarantino ?


Evidemment, cette technique est valable pour tous les personnages : pourquoi ne pas parler de Georges en plein film, sans bien préciser s'il s'agit en fait de Joe ? Ou bien de transformer subtilement Chi-Tang, en Chin-Toum puis en Chi-Toung selon les interlocuteurs ? Ou mieux, de ne pas nommer précisément le grand méchant ? Et le fin du fin, balancez des noms sans jamais les rattacher à personne (ça permet de jouer à "mais quelqu'un sait qui est Shito ?"). Et bien entendu, histoire de bien aggraver ce marasme nébuleux, quand plusieurs personnages se présentent et pourraient ainsi faciliter leur identification, tournez la scène dans l'obscurité. Et si vous ne pouvez pas faire autrement que de la filmer en plein jour, ne précisez pas le nom de famille (le "bonjour, je suis Dragon" est particulièrement vicieux et très efficace pour achever le cerveau).


1, 2, 3, tapez dans vos mains !


Le grand méchant (Tao-Fei ?) qui fume sa cigarette au chilom.


La moustache magique de Dragon Hung.


D'ailleurs, pourquoi se contenter de mélanger les Bruce, alors que vous pouvez très bien prendre deux personnes très ressemblantes pour deux rôles légèrement différents, comme par exemple Joe et Ming-Young ; et si en plus l'un d'eux se sent de jouer les Jackie Chan-fake capables de berner encore un ou deux acheteurs potentiels de plus, c'est gagné.

Bien entendu, tout ça n'est rien sans un bon montage au coupe-coupe. Téléportez vos personnages en changeant leurs fringues en plein milieu d'une scène, sans explication. Si le grand méchant déclare qu'il a l'intention de tester le kung-fu de ses adversaires, enchaînez aussitôt avec cette séquence, même si les persos n'ont aucune raison d'effectuer une passe amicale dans une zone paumée on ne sait où. Et les vrais professionnels sauront faire la différence en utilisant à bon escient les méthodes d'inversion de Bruce à ce moment précis, histoire que ce grand traître de l'ombre affronte un Bruce qui n'a encore rien à voir avec lui, et que le dernier spectateur ingénieur en physique quantique appliqué à la philosophie qui arrivait encore à suivre s'effondre en larmes en hurlant "mais bordel, qu'est-ce qu'il se passe à la fin ??!!". Une petite pensée pour cet homme-là qui, dans sa crise de nerfs, n'aura sans doute pas remarqué qu'en plus, le deuxième adversaire n'était même pas le bon Joe.


Bruce Young, en pleine crispation.


Dragon Hung se la joue Capitaine Flirt et ses aisselles.


Dragon Young est mal poli envers les plantes.


Vous affinerez enfin le produit en rajoutant ici et là quelques petites touches confusiogènes supplémentaires, comme le changement de coupe de cheveux de Kathy, l'apparition temporaire d'une moustache sur Dragon Hung ou bien l'échange téléphonique monté comme instantané alors que ce sont deux communications différentes qui se suivent (c'est pas clair ? Et bien Wong parle à Wilson tandis que Tao parle à Wong), ça vous entraînera pour le 2 en 1.


C'est à se demander si c'est bien la même actrice.


Le bon goût des 70's.


Tao, machiavélique, arrose ses plantes.


Il reste en plus de tout ce mic-mac quelques savoureuses tendances à la nanar-attitude en pillant sans vergogne le répertoire musical international (voir Bruce Lea se promener dans Manille sur Bring it back et mourir ; on reconnaîtra aussi Let's All Chant de Michael Zager Band), du bon gros comique chinois qui tache (avec personnage ridicule en accéléré et musique pouet-pouet) et un doublage qui a bien du mal à relever le niveau des dialogues. Morceaux choisis :

Sammy et Joe, censés être de vieux amis, se rencontrent :
-"J't'avertis, mec !"
-"Moi aussi j't'avertis !"
Ils se battent.

Dragon Young à Tao-Fei, à brûle-pourpoint :
"Vous voulez me faire prendre des vessies pour des lanternes !"

Le Boss a rendez-vous avec monsieur Tanaka, qui n'est toujours pas là :
"C'est drôle, il a dû y avoir un malentendu. Monsieur Tanaka n'arrive pas. Il a dû se tromper de jour... et surtout d'heure !"

Joe tombant dans un traquenard :
"On s'est fait avoir jusqu'au trognon !!"

Sammy à Bolo qui passe par là :
"Bolo, ferme ta grande gueule !"

Peu après, Ming-Young à Sammy, en piteux état :
-"Sammy, qu'est-ce qu'il y a de cassé ?"
-"C'est Bolo, un type très fort, un véritable éléphant ! Il m'a jeté du toit et a filé."

Dragon Young, mesquin, à Bolo :
"J'ai l'impression que c'est toi qu'on appelle Bolo : tout dans les muscles et rien dans la tête."


Bolo les Gros Yeux contre Dragon la Grosse Bouche.


Wa a piqué sa denture à Bruce Baron.


Un placement de produit sorti du néant.


Malgré tous ces éléments alléchants, mon honnêteté m'oblige à signaler que les combats remplissent une bonne partie du métrage, certains se payant le luxe d'être assez réussis. Les réfractaires à la baston bruitée à la boîte à baffes prennent donc le risque de s'ennuyer périodiquement. On pourra aussi regretter le faible taux de feulements et autres couinements hystériques dont les amateurs de Bruce Le sont friands. Ne boudons pas notre plaisir pour autant : « Enter 3 Dragons » est l’une des rares occasions de profiter de 3 Bruce-fake pour le prix d'un, réunies le temps d’une histoire parfaitement incompréhensible servie dans un montage foutoir qui réjouira aussi bien les fans de kung-fu déviant que les aspirants réalisateurs en quête de modèle à ne pas suivre.


Merci au site hkcinemagik, et à Dao pour ses précisions.

- Kobal -
Moyenne : 2.38 / 5
Kobal
NOTE
2.75/ 5
Rico
NOTE
2/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Le film est trouvable en DVD Z2 dans la Collection Ceinture Noire sous le titre « Le Défi du Ninja ».




« Dragon on Fire », DVD Z1.


Plusieurs éditions VHS existent, à la jaquette plus ou moins farfelue :


« Le Roi de Shaolin ».


« La Vengeance du Lama ».


« Ninja Blood Sport ».


Il existerait aussi sous le titre Kung-Fu Ninja Blood.

Attention aux fans de bruceploitation un peu tête-en-l’air à ne pas confondre « Enter 3 Dragons » avec « The 3 Avengers » (La Bestia Umana), contenant lui Bruce Li.

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