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Brain of Blood
(1ère publication de cette chronique : 2023)Titre original :Brain of Blood
Titre(s) alternatif(s) :Brain Damage, The Creature's Revenge, The Oozing Skull, The Undying Brain, The Brain
Réalisateur(s) :Al Adamson
Producteur(s) :Samuel M. Sherman, Kane Lynn
Année : 1971
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h26
Genre : Si j'avais un cerveau...
Acteurs principaux :Zandor Vorkov, Kent Taylor, Vicky Volante, Regina Carrol, Grant Williams, John Bloom, Angelo Rossitto
Brain of Blood est probablement l'un des films les plus représentatifs de ce cinéma alternatif qu'on appelle un peu péjorativement la série Z (tout en demeurant d'un niveau professionnel, on n'est pas non plus chez les Polonia Bros). Tout y est : savant fou, craignos monster, marketing racoleur, gore sauce-tomate, scénario joyeusement invraisemblable, décors de terrains vagues, photographie pisseuse, musique grandiloquente piquée à un autre film, action cacochyme et amateurisme ambiant.
Les spectateurs sont priés de laisser leur cerveau à l'entrée. Simple mesure de précaution, merci.
Avec tous ces éléments ringards, le film pouvait difficilement passer éternellement sous les radars de Nanarland. D'autant qu'on y sent quand même la volonté très louable de satisfaire les attentes du public de ce genre de bandes défraîchies pour salles de quartier, lequel public n'achetait d'ailleurs pas son billet à la vue d'une affiche aussi "exploitative" sans se douter de la faible ambition artistique de l'oeuvre.
Les productions Independent-International Pictures, ce sont des génériques souvent bien plus soignés que les films eux-mêmes.
Sorti à l'aube des années 70, ce film du roi du Z Al Adamson est une suite semi-officielle de la série de films d'horreur philippins d'Eddie Romero inaugurée en 1968 avec Brides of Blood, qui sera suivi par Le Médecin Dément de l'île de sang (Mad Doctor of Blood Island) et Beast of Blood. Romero étant occupé sur un autre projet et ne pouvant par conséquent pas assurer la réalisation d'un nouvel opus, Kane Lynn, le producteur de la série originale, demanda à Adamson et à son partenaire/producteur Samuel M. Sherman de faire un film dans le même style, avec la bénédiction d'Eddie Romero. Bien que certains aient prétendu que le tournage avait eu lieu aux Philippines, Brain of Blood fut en réalité filmé dans la campagne et les abords de Los Angeles, en l'espace de huit jours et pour un budget microscopique.
L'oeuvrette s'ouvre sur une photo du Taj Mahal censée représenter le palais gouvernemental d'un pays fictif du Moyen-Orient, le Kahlid. Le dictateur du Kahlid (Reed Hadley) se mourant d'un cancer, sa maîtresse (Regina Carrol) et ses conseillers tentent de prolonger son règne en transportant le malade aux Etats-Unis, pour confier à un savant fou (Kent Taylor) le soin de transplanter le cerveau du chef d'état sur le corps d'un homme jeune et bien portant. Mais on se doute vite, vu l'air typiquement mégalomane du savant, que ce dernier à d'autres projets encore plus improbables derrière la tête, et désire en fait devenir lui-même le nouveau dictateur du Kahlid...
Un Moyen-Orient de carte postale, au sens propre.
Le gentil dictateur (Reed Hadley, héros du serial "Zorro's Fighting Legion" et de la série télé "Racket Squad").
Regina Carrol, l'épouse et la muse d'Al Adamson, qu'il mit en scène dans presque tous ses films.
Le héros de service (Grant Williams, qui eut son heure de gloire dans "L'homme qui rétrécit" de Jack Arnold et termina sa carrière l'année suivante avec le film de SF cheap "Armageddon 1975" alias "Domsday Machine").
Le docteur Maboul (Kent Taylor, lookalike d'Errol Flynn, vétéran d'un paquet de westerns et de films de guerre de série B des années 30-40, vu dans "The Mighty Gorga" et qui interpréta un rôle identique de savant créateur de monstre dans "Brides of Blood", le premier volet de la saga officielle).
Dans un petit rôle, Zandor Vorkov, inoubliable interprète du vampire dans "Dracula contre Frankenstein", donne le meilleur de son talent au cours d'une scène de crash automobile magnifiquement confuse.
C'est alors qu'un autre dément se met de la partie : le monteur. Un montage bordélique mélangeant allègrement les intrigues parallèles sera l'une des caractéristiques du film. Tandis que le scientifique joue au Trepanator dans son laboratoire nanar à boutons clignotants et fioles Erlenmeyer glougloutantes, un cambrioleur s'introduit dans un appartement pour en fouiller les tiroirs. Puis, retour au labo pour une incision sanglante. Puis, retour à l'appartement où l'habitante des lieux rentre chez elle, obligeant le cambrioleur à se cacher dans un placard. Puis, extraction de cervelle. Puis, plan soutif de la jeune femme se déshabillant. On croit le manège parti pour se répéter indéfiniment quand soudain, la jeune femme pousse un hurlement de terreur et s'évanouit aussitôt lorsque la vedette du film s'introduit à son tour dans l'appart' : Gor.
Une technologie de pointe pour un maximum de réalisme scientifique.
Malgré toutes les précautions prises par le savant fou, le cerveau du patient a un peu fini en marmelade.
HIIIIIIIIIIIII !!!
Gor ! (désolé pour ce pitoyable jeu de mot, pas pu m'en empêcher)
Gor, le craignos monster de service, est un colosse demeuré qu'un traumatisme nanar (raconté en flashback) a transformé en maniaque défiguré, au maquillage/tartine grumeleux qui laisse dépasser ses cheveux et ses rouflaquettes. Gor est le rabatteur de cobayes humains du savant fou. Mais Gor est un peu maladroit (en plus d'être très con) et ne mesure pas sa force. Du coup, il abîme tellement la victime que le corps de celle-ci est inutilisable pour la transplantation cérébrale. Le savant fou décide donc de greffer le cerveau du dictateur sur le corps de cette grosse andouille de Gor. La pensée que son patient puisse réagir violemment en découvrant sa nouvelle apparence physique ne semble pas avoir effleuré le brillant esprit du savant, et le monstre s'enfuit dans la nature pour commettre quelques meurtres ringards.
Perso, je ne m'en lasse pas.
Mais le savant fou avait tout de même eu la prévoyance d'implanter une puce électronique dans le nouveau cerveau de Gor, laquelle permet au scientifique de pister et contrôler sa créature à distance, au moyen d'un ridicule canon-laser futuriste à ondes magnétiques. Avec autant d'éléments grotesques, on ne peut pas vraiment dire que ce film d'horreur soit très effrayant, mais au moins on est assuré de passer un bon moment de détente au soixante-douzième degré (le film, quant à lui, affiche un sérieux imperturbable, rassurez-vous). D'autant qu'Al Adamson n'est pas de ceux qui nous cachent leur craignos monster après l'avoir survendu sur l'affiche. Ici, pas d'entourloupette : le monstre est excessivement ringard et il est bien visible, en plein jour et durant une bonne partie du film.
Une victime qui a la tête de l'emploi.
Aaaargh ! Quelle horreur, j'ai du ketchup dans l'oeil !
Rien ne résiste au pouvoir du LASER FORCE !
J'ai dit précédemment que les auteurs avaient pour mission de reprendre les codes du cinéma bisphilippin. Or, ils ne pouvaient par conséquent faire l'impasse sur la présence d'une personne de petite taille dans le film. Déjà à l'affiche, dans un rôle de freak similaire, de Dracula contre Frankensteindu même réalisateur, l'acteur Angelo Rossitto cabotine de manière réjouissante dans le rôle clichetonesque de l'assistant nain sadique du savant fou, son enthousiasme se révélant particulièrement communicatif pour le spectateur, qui se sent alors complice de toutes ses facéties. Eclatant régulièrement et sans raison particulière en ricanements irrésistibles, Angelo s'amuse visiblement comme un gosse à torturer de jeunes prisonnières enchaînées dans un donjon gothique plein de rats, de squelettes et de toiles d'araignées (en plastique, les araignées). Au passage, le récit se permet un long segment totalement inutile durant lequel une des prisonnières réussit à s'évader et tourne en rond à deux à l'heure dans le couloir du donjon durant un quart d'heure interminable (régulièrement entrecoupé de séquences parallèles, merci au monteur maboul). Tout ça pour finir par se faire re-capturer par le vilain Angelo, ça vous donne une idée du degré de remplissage dont abuse le réalisateur.
Besoin d'un sbire qualifié pour collecter du sang frais sur de jeunes vierges apeurées ?
Faites appel à Angelo, il se fera une joie de remplir cette besogne !
Dites, c'est vrai patron que je peux aller embêter les filles ?
Chic, alors ! Qu'est-ce qu'on rigole ! Mouhahahaha !
Angelo en plein coeur de l'action.
Angelo imitant Ray Charles.
Angelo, tout excité dès qu'il fait une méchanceté.
Nanarde par essence, cette oeuvre bizarroïde et fauchée ressemble à ces vieilles BD de gare aux intrigues naïves et stéréotypées, aux couleurs délavées et aux pages bouffées aux mites, mais qu'on savoure avec une forme d'émerveillement nostalgique et déviant quand on les ressort du grenier. Avec son esthétique cradingue, son postulat délirant, son charme de film miséreux tourné à l'arrache avec un casting famélique, son rythme de course d'escargots, la ringardise de ses effets spéciaux (seuls les gros plans de chirurgie cérébrale se révèlent étonnamment réussis) et son indigence artistique globale, Brain of Blood est un classique désormais culte des productions pour drive-in, qui fera la joie des amateurs de nanars en dépit de ses coups de mou.
Interlude gothique, c'est la maison qui offre.
Parmi les rares vrais bons points, on reconnaîtra que le jeu des acteurs principaux est loin d'être catastrophique, ceux-ci sachant rester sobres sans pour autant sombrer dans le non-jeu (pour les seconds rôles et les figurants par contre...). Le spectacle est aussi un chouïa moins mal fichu et plus "propre" que, par exemple, Blood of Ghastly Horror du même auteur. Sans être un gros morceau, l'ensemble est suffisamment foutraque et farfelu pour que le nanarophile y trouve son compte, pourvu de ne pas se laisser rebuter par les longueurs typiques du genre. Amateurs de cinéma mainstream s'abstenir. Les autres, régalez-vous !
Et dire que j'ai commencé ma carrière avec Tod Browning, moi...
Cote de rareté - 4/ Exotique
Barème de notationA défaut d'une hypothétique rétrospective complète de l'oeuvre d'Al Adamson en France (Artus Films ? Bach Films ? Le Chat Qui Fume ?), quelques passionnés ont déjà numérisé toute la filmo du réalisateur culte dans de bien belles collections outre-Manche et outre-Atlantique (mais pas l'ombre d'une version québecoise). L'éditeur britannique Cinema Club a sorti une galette au contenu basique (le film, les chapitres et la bande-annonce) mais soigné en DVD zone 2, tandis que les Américains de chez Image Entertainment ont édité dans leur "Blood Collection" un disque zone 1 semble-t-il un peu plus fourni, avec une interview d'Eddie Romero en plus des bandes-annonces de la collection. L'éditeur Alpha Video propose de son côté un DVD multi-zones (visuel en en-tête de la chronique) avec un commentaire audio de Samuel M. Sherman, la bande-annonce et une galerie photo.
Le DVD zone 2 britannique.
Le DVD zone 1 américain.