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Le Sadique à la Tronçonneuse
(1ère publication de cette chronique : 2012)Titre original :Mil gritos tiene la noche
Titre(s) alternatif(s) :Pieces, Le Maniac, Mutilator Man, Trop tard pour hurler, Le cri du cobra
Réalisateur(s) :Juan Piquer Simón
Année : 1982
Nationalité : Espagne
Durée : 1h27
Genre : Un film Ravensburger
Acteurs principaux :Edmund Purdom, Bruce Le, Frank Braña, Jack Taylor, Paul L. Smith, Christopher George, Lynda Day George, Ian Sera
Ne voyez aucun opportunisme dans l'accroche "You don't have to go to Texas for a chainsaw massacre" ("Vous n'avez pas besoin d'aller au Texas pour avoir un massacre à la tronçonneuse")
Lorsque l'on se lance dans le visionnage du "Sadique à la tronçonneuse", il est bon d'avoir en tête les antécédents de son réalisateur : JP Simon comme il aime lui-même se créditer, affectant ainsi bénéficier d'une nationalité américaine qui, pour le grand public, est la preuve évidente d'un véritable talent cinématographique. Meilleur en tout cas que celui d'un certain Juan Piquer Simón qui aurait auparavant réalisé un film improbable comme "Supersonic Man" (dont la popularité repose sur la chanson du générique) ou une adaptation méconnue de Jules Verne ("Le Mystère de l'île aux monstres"). Et qui, sous couvert de superproduction ricaine, s’apprête à nous refiler un "Mil gritos tiene la noche" de consonance déjà plus ibérique. Mais ne crions pas au scandale, le vol sur la marchandise est après tout une sympathique filouterie dont nous avons bien l'habitude.
C'est en tout cas logique qu'un réalisateur s'alléguant d'obédience américaine situe l'histoire de son nouveau métrage à Boston, et plus précisément dans un de ces campus étudiants cyclopéens si chers au gigantisme US. Mais que se passe-t-il donc de si particulier en ces lieux ? C'est bien simple, et horrible à la fois : des jeunes femmes à la beauté sculpturale sont retrouvées découpées en petits morceaux (d'où le judicieux titre international "Pieces"). Mais la police patauge des deux pieds. Si les hypothèses du suicide, de l'accident (thèse pourtant officielle) ou de la maladie sont rapidement écartées, l'enquête pour démasquer l'auteur de ces supposés assassinats fait un surplace d'autant plus incompréhensible que le campus ne semble comporter à l'écran que 5 personnes récurrentes (un doyen, une secrétaire, un prof d'anatomie, un étudiant beau gosse et son laid side-kick), les autres étant composés des victimes ou d'une fugace foule de figurants.
Messieurs, le tueur est dans cette pièce. Enfin, sans doute.
La jaquette américaine opportuniste existe aussi en version française.
Cela dit, en France, on n'a pas peur de monter d'un cran le plagiat (et en plus on sait pas écrire "tronçonneuse" correctement).
Formés à l'école Derrick, les deux inspecteurs savent en effet prendre le temps de la réflexion pour bien appréhender tous les aspects de l'affaire, quand bien même les morceaux de cadavre s'accumulent inexorablement sur la civière des deux brancardiers, apparemment en service permanent, et dont le sérieux tout professionnel à transporter avec précaution des bouts de bidoches sanguinolentes est source d'un involontaire comique de répétition. Enfin, quand je parle de réflexion, il faut plutôt entendre glandouille intellectuelle, personne ne semblant trop prendre en considération qu'il manque toujours un morceau ou un autre au puzzle humain. Allez, n'ayons pas peur des mots, autant y voir une crasse incompétence qui amène d'ailleurs ces deux policiers à finalement s'adjoindre les services officieux (et que l'on devine gracieux) d'un jeune étudiant, Kendall, bellâtre désœuvré, et à envoyer en infiltration une de leur blonde de bureau en espérant que ses atouts physiques lui permettent de découvrir l'identité du maniaque (qu'elle puisse ne pas pouvoir ensuite rapporter cette information pour cause de décès à la tronçonneuse ne semble toutefois pas les inquiéter).
Deux cerveaux (Christopher George et Frank Braña) ne seront pas de trop pour déjouer la perversion machiavélique du sadique.
Kendall (Ian Sera) dont la première apparition fait penser qu'il occupe le rôle de nerd à pull moche, avant de comprendre qu'il s'agit en fait du tombeur de ces dames (quel que soit leur âge d'ailleurs).
Il bénéficie sans doute du look insurpassable de son comparse (sa chemise aura fait couler beaucoup de larmes de sang durant la projection du film).
Mary (Linda Day George, épouse de Christopher) s'apprête à prêter ses charmes à l'enquête.
Les brancardiers, une profession méconnue dans la mécanique de l'horreur.
Si le script mange à plusieurs râteliers de la série B, il insiste essentiellement sur son aspect thriller afin de tenir en haleine un public impatient de connaitre la résolution de cette enquête. Enfin pas trop vite non plus, car les meurtres sont tout de même l'occasion de profiter des charmes méditerranéens des victimes qui, par un mystérieux hasard, finissent toutes par se retrouver complètement nues à l'écran (à ce sujet, félicitations au directeur du casting féminin qui a su éviter de tomber dans la vulgarité parfois glauque du cinéma d'exploitation... Oui Ilsa, c'est à toi et à tes esclaves russmeyeriennes que je pense !). L'ensemble des protagonistes représente donc un panel complet de serial killers potentiels qu'il est bien difficile de départager. Seule la lourde insistance portée à Willard, le jardinier obèse au regard détraqué (vous lui mettez une pipe à la bouche et c'est Popeye) qui se trouve être le seul à manier la tronçonneuse dans l'exercice de ses fonctions, fait penser que non, là, ça ne doit sûrement pas être lui. D'autant que la silhouette du tueur, empruntée à "The Shadow", fait la moitié de son tour de taille. Mais cela n'empêche pas pour autant JP Simón d'user et abuser de cette fausse piste au point de faire marrer son spectateur à chaque apparition du nounours mal léché.
Willard n'a jamais peur d'en faire trop dans les signes extérieurs de culpabilité.
Aux commandes de ce rôle ingrat, Paul L. Smith, dont la filmographie fait le grand écart entre "Midnight Express" et les rip-off de la franchise Bud Spencer (à noter sa prestation déjà bien nanarde dans "Les Guerriers de la jungle").
Le professeur d'anatomie (Jack Taylor) ne craint pas d'expliquer aux policiers qu'il détient un crâne de jeune fille de 16 ans de provenance inconnue (un cadeau d'un étudiant !).
Le doyen (Edmund Purdom) tente d'étouffer l'affaire afin de ne pas nuire à la réputation de son campus. La version française s’emmêle les pinceaux à son sujet en l'affublant du nom de Dean... C'est vrai que c'est écrit sur la porte de son bureau mais il s'agit plutôt du nom de sa fonction en Anglais !
De par ses meurtres très graphiques, "Le Sadique à la tronçonneuse" s'apparente également au slasher, alors en pleine émergence (en 1982, 3 chapitres de la saga "Vendredi 13" sont déjà sortis ; l'un de ses producteurs, Steve Minasian, est même de l'aventure espagnole). La preuve, y'a une scène au début avec un groupe de djeuns qui s'passent le oinj et tiennent des propos lubriques. Les effets spéciaux des mises à mort sont d'ailleurs un des aspects les plus réussis du film, avec une générosité gore qui leur permet de conserver encore aujourd'hui leur puissance graphique à l'écran. A leur sujet, le forumeur Nadsat proposait judicieusement d'employer le terme goret, voire porcin ; nos amis à queue en tire-bouchon ont en effet fourni une bonne partie de la tripaille nécessaire au maquillage des jeunes victimes.
Vu le taux de mortalité, il aurait été plus cohérent de situer le bahut dans l'Oise.
Vous saviez que la constipation chronique favorisait les hémorroïdes ? Mieux vaut donc éviter de pousser trop fort (et ce n'est pas cette jeune femme qui nous contredira).
La cuisine du doyen, un autre effet gore.
Pour autant, Simón ne renie pas l'ancêtre immédiat du slasher en conservant une imagerie proche du giallo. La caméra conserve ainsi une fascination récurrente pour l'arme blanche du tueur, toujours dans l'ombre, ainsi que pour ses gants en vinyle mappa (un avatar du fétichisme ménager). Les exégètes de l’œuvre de Dario Argento reconnaîtront également quelques "emprunts" à certains de ses plus célèbres titres. C'est d'ailleurs l'aspect giallo qui offre au film sa plus belle scène, le meurtre au ralenti dans le waterbed, la photographie saisissant pleinement le contraste des couleurs et s'approchant probablement des intentions initiales du réalisateur. Dommage qu'elle se conclue sur une remontée de culotte accidentelle et pas très sexy.
Pour le coup, voilà une idée qui inspirera les scénaristes du "Cauchemar de Freddy".
Jeune fille repassant ses leçons en toute candide innocence dans les jardins du campus.
La volonté d'orienter son script vers une tentative de symbolisation psychanalytique est tout autant patente. Que le résultat soit une psychologisation misérabiliste à la va comme j'te pousse est un autre problème, d'autant qu'elle apporte une petite touche de nanardisation intellectuelle pas désagréable. En effet, c'est promo discount sur la thématique de la substitution phallique par la tronçonneuse, en réaction à l'angoisse de castration maternelle. Alors comme ça maman dénigre l'image paternelle, étouffe le développement psychoaffectif de son chérubin et le frustre de ses pulsions pré-pubertaires en lui interdisant de se confronter à la femme amante (un inoffensif puzzle pour routier) ? Pas grave, il reste toujours la hache et la scie pour couper le cordon ombilical. Mais les séquelles sont là : les jeunes demoiselles deviennent toutes le miroir de cette mère castratrice, dont la féminité n'est perçue qu'à travers la sanguinité menstruelle (le pubis ensanglanté du puzzle). Seul mécanisme de défense viable : la maîtrise de l'angoisse par la chosification du corps féminin qui peut être segmenté par le pénis de métal afin d'être plus facilement manipulé (les morceaux de cadavre), puis reconstruit selon le désir infantile de toute-puissance. La tronçonneuse, nouvel outil du retour à l'objet partiel lacanien ?
Pour ceux qui ont du mal avec les phrases trop longues, voici la version en images.
Les menstrues et le phallus (un chouette titre de film à confier à BHL... ou à feu Mattei).
Quand je parle des angoisses en miroir, c'est à prendre au sens littéral.
Les plus tordus iront chercher des échos de ce fantasme castrateur chez cet inspecteur incapable d'allumer son cigare de tout le film, ou chez ce professeur homosexuel qui reste de marbre face aux avances anatomiques de ses élèves délurées. Et que dire de la conclusion de l'histoire, totalement aberrante du point de vue de la cohérence du script, mais qui est génitalement lourde de sens... Bon, livré comme cela, prédigéré par écrit, cela peut faire illusion, mais à l'écran, c'est beaucoup plus rigolo. Faut dire que tenter de reconstituer son puzzle avec ses gants 2 tailles trop grandes, c'est un exercice de haute voltige.
"Professeur, pouvez-vous me montrer où sont situés les muscles pectoraux ?" (sic).
Cela vire au fétichisme masochiste, cette histoire.
Tant qu'à parler bite, autant en montrer. Détail amusant : en Espagne, le plan bite est acceptable s'il est latéral, mais pas en frontal.
N'allez donc pas croire que "Le Sadique à la tronçonneuse" est une banale bisserie un peu bancale que l'on chroniquerait de mauvaise foi en ces lieux. Ses multiples ratés justifient pleinement son appartenance à la grande famille du nanar, et renforcent d'ailleurs grandement sa cote de sympathie. Les éléments non-sensiques sont en effet au rendez-vous : entre les toilettes situées au 36ème dessous de ce campus essentiellement composé de couloirs et de portes, l'hallucinante séquence de l’ascenseur (responsable à elle-seule de la popularité du film dans les milieux autorisés), le caméo foudroyant d'inattendu (voir la section spoiler pour ceux qui veulent), les incohérences du script (il a combien d'exemplaires identiques de sa tronçonneuse, le sadique ?), le parti-pris décoratif (la cuisine improbable du doyen), la logique toute rationnelle (mélanger un sédatif avec du café "et de la saccharine" ?), la résolution à l'arrachée de l'enquête ("sa mère est morte dans son enfance, ça a dû le traumatiser, on y va !"), etc., c'est un véritable festival. Quant aux acteurs, si leur boulot, sorti du cabotinage sus-mentionné de Paul L. Smith et d'un moment de folie vocale de la policière infiltrée ("Bestiiaaaaaaa !" en VO ; "Bâtaaaaaaard !" en VF), n'est certes pas à jeter aux orties, l'indolence de leurs personnages face au drame qui se joue devant eux est lui bien grotesque.
Ayayayay, je suis poursuivie par le tueur. Ah, c'est vous, ouf. On prend l’ascenseur ensemble ?
Quelle promiscuité dans ce petit espace... Ah mon dieu, vous étiez parvenus à dissimuler une tronçonneuse sur vous ?
La policière infiltrée donne un peu de crédit à son rôle de prof de tennis en battant avec difficulté une jeunette (une séquence catastrophique qui s'explique par le fait qu'aucune des deux actrices n'avaient jamais touché une raquette).
Le budget figurant totalement cramé en une prise (on appréciera d'ailleurs leur compétence de groupe lorsqu'il s'agit de suivre des yeux la balle).
Le film a été diffusé lors de la 8ème Nuit Excentrique dans sa version originale (remasterisée avec des fonds publics par la Cinémathèque de Madrid, ce qui éclaire sans doute un peu mieux l'état actuel des finances européennes), au montage légèrement différent de celui de l'édition française. La différence majeure réside dans la bande-son, les Espagnols ayant droit à un thème musical stéréotypé particulièrement envahissant, avec une même séquence au piano déclinée à l'infini et virant au ridicule... fini. La scène où chaque pas du tueur dans les escaliers est illustré par une note provoque plus le rire nerveux que l'effroi. Certains spectateurs ont d'ailleurs avancé à juste titre que le véritable maniaque de cette partie de Cluedo géante était plutôt le pianiste.
Il reste un peu de Paul L. Smith, je laisse ?
Mais si l'on ne devait retenir qu'une seule chose de ce "Sadique à la tronçonneuse", c'est sa démonstration éclatante de limpidité qui nous prouve que, bien plus que les jeux vidéo, le véritable mal qui ronge les esprits, corrompt notre jeunesse, enfante les tueurs de masse et ruine notre société... c'est le puzzle ! Et rien que pour ça, je dis merci, monsieur Simón.
SPOIL ZONE
Imaginez. Vous êtes une policière infiltrée dans un campus universitaire afin de démasquer un sournois sadique. Votre vie est l'hameçon qui est tendu à ses funestes pulsions mortifères. Vous errez seule dans les allées désertes, en pleine nuit. Chaque bruit est une menace potentielle. Tous vos sens sont en alerte. Quand soudain, vous êtes violemment agressée par un mystérieux individu qui vous assaille de coups de pied sautés. Vous ne voyez rien dans cette obscurité, vous vous débattez à l'instinct, vous frappez au hasard, et, providence !, vous heurtez par chance l'entrejambe de votre ennemi qui s'effondre à terre... Reprenant votre souffle, vous savourez l'intervention rassurante (bien qu'un peu tardive) d'un ami qui passait par là. Mais le tueur se réveille, et là, vous découvrez...
Bruce Le !!!
Avouez qu'il y a de quoi être sidéré.
Mais que fout-il donc là ?! Et bien dans le film, c'est un professeur d'arts martiaux qui fait son jogging la nuit... et qui, apparemment, agresse les étudiantes qui ont fait le mur. Enfin, rien ne sert de trop s’inquiéter, car après quelques excuses, il repart faire son jogging, et on ne le reverra plus. Quant à sa justification au générique, c'est pas plus glorieux. On devine que Dick Randall, célèbre producteur de nanars à l'échelle mondiale et co-scénariste du "Sadique...", a dû profiter que son poulain tournait pas très loin en Espagne dans une de ses productions, "Challenge of the Tiger", pour offrir à son pote Juan Piquer une ch'tite apparition de derrière les fagots. Mais personnellement, ce qui me fascine le plus, c'est d'imaginer quelles attentes étaient placées dans un tel tour de passe-passe (Hé JP j'ai un sosie de Bruce Lee, ça t'intéresse ?). Parce que dans le genre caméo crypto-underground (Bruce Le n'est même pas crédité), difficile de faire mieux. En tout cas, la plus-value nanarde est indiscutable.
Cote de rareté - 3/ Rare
Barème de notation
Le DVD de Uncunt Movies.
Une édition VHS qui a tout juste (le titre, le visuel, le résumé et les crédits), ce qui en fait une vraie rareté !
Une autre édition VHS française. Ce coup-ci, le titre est presque le bon.
Ici, la jaquette part en vrille (bien que très jolie, cela dit), mais le résumé tient encore la route.
Ici, le visuel est piqué à "Massacre à la tronçonneuse", et le titre est presque bon si on fait abstraction de la faute d'orthographe qui ampute un "n" à "tronçonneuse".
Un titre et un visuel complètement fantaisistes, mais le résumé et les crédits sont bons. Enfin presque, Francis Lai n'a pas du tout composé la musique...
Et enfin cette perle : le titre, le visuel, le résumé et les acteurs, ici tout vire au puzzle macabre.
Une édition VHS américaine qui surfe sur le succès de "Vendredi 13".
Celle-ci table sur les conseils de Leonard Maltin pour nous pousser à l'achat.
Celle-ci également, mais elle offre en plus au tueur un relooking gratuit.
Une VHS néerlandaise.
Un DVD américain.
Cette édition DVD semble actuellement la plus complète, avec le film en version uncut, VO et VA, interview du réalisateur, etc.
Une jolie couverture artisanale pour cette édition DVD britannique.
Merci au site vhsdb.org pour certaines jaquettes.