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Les Gladiateurs de l'An 3000
(1ère publication de cette chronique : 2024)Titre original :Deathsport
Titre(s) alternatif(s) :Les Gladiateurs de l'An 2000, Death Sport, Deporte Mortal, Death Race 2050
Réalisateur(s) :Roger Corman, Allan Arkush, Nicholas Niciphor
Producteur(s) :Roger Corman
Année : 1978
Nationalité : Etats-Unis
Durée : 1h23
Genre : Le prix low cost du danger
Acteurs principaux :David Carradine, Richard Lynch, Claudia Jennings, William Smithers, Will Walker, David McLean
Roger Corman était un visionnaire. Parfois, sans même le faire exprès.
Prenez Les Gladiateurs de l'An 3000. Sorti en 1978, ce titre anticipait toute la vague, que dis-je, le tsunami de post-nuke transalpins, les titres du genre Les Exterminateurs de l'An 3000, 2020 Texas Gladiators, Le Gladiateur du Futur et 2072 Les Mercenaires du Futur, qui allaient déferler sur les vidéo-clubs dans le sillage de Mad Max 2 durant la décennie suivante. Dans sa géniale margoulinerie, le pape de la série B est même parvenu à anticiper la place totémique qu'occuperont les motos 125tunées dans tout ce pan de la SF nanarde des 80's.
Une superbe affiche thaïlandaise.
Pourtant, on peut difficilement faire moins original que Les Gladiateurs de l'An 3000. Déjà, son titre américain, Deathsport, et son acteur principal, David Carradine, l'inscrivent clairement comme une fausse suite de La Course à la Mort de l'An 2000 alias Les Seigneurs de la Route alias Death Race 2000, l'un des plus gros succès de la carrière de Corman sorti en 1975. Un film culte qui avait déjà eu droit à une suite en 1976, Cannonball, laquelle essayait elle-même de surfer sur le Rollerball de Norman Jewison, sorti entretemps. Aucun rapport cependant avec notre film, sinon l'argument d'un jeu du cirque futuriste ultra-violent et motorisé. Deathsport se révèle en réalité une resucée discount de La Guerre des Etoiles mâtinée d'une grosse louche de L'Âge de Cristal.
Le jeu des sept erreurs :
Véritable Big Bang dans la galaxie cinématographique, le space opera de George Lucas fut une révolution et un cataclysme pour le cinéma de genre à l'ancienne, des films à petit budget qui offraient jusque-là le genre de divertissement populaire que les majors semblaient mépriser. Nombreux furent les petits producteurs à essayer de glaner les miettes du succès arrogant de ce blockbuster intergalactique, que Roger Corman repompera à nouveau en 1980 avec le très réjouissant Les Mercenaires de l'Espace. Force est de constater que ce premier rip-off de 1978 s'avère beaucoup plus bancal et constitue un amas particulièrement informe d'idées prises ailleurs.
"If you were thrilled by STAR WARS, you'll be dazzled by DEATHSPORT." Ben voyons...
Suivant la méthode Corman, notre film essaye de raconter beaucoup avec pas grand-chose. En l'occurrence, on n'a qu'une petite poignée d'acteurs faisant les marioles à pied, à cheval et à moto dans des terrains vagues de Californie (on imagine la tête des promeneurs du dimanche qui ont peut-être croisé David Carradine et Richard Lynch en train de se tourter à coups d'épées en plexiglas sur une colline, avec la même grâce que Matt Hannon et Robert Z'Dar dans Samurai Cop). Mais grâce à quelques matte-paintings très artisanaux et à une voix-off au ton grave, nous voilà transportés dans un futur post-apocalyptique, quelques mille ans après les "Guerres de Neutrons".
Une affiche espagnole.
La Terre ravagée se résume à de vastes déserts radioactifs (mais verdoyants) où errent quelques nomades et des mutants anthropophages. Pour survivre, les Humains se sont réfugiés dans d'immenses cités à l'architecture tantôt en carton-pâte (pour les scènes d'intérieur), tantôt en aquarelle (pour les plans larges). L'une de ces mégapoles, Helix City, est dirigée par le dictateur Lord Zirpola (David McLean), sorte de Big Brother atteint de maladie mentale dégénérative, vivant entouré de jeunes potiches qui ont du mal à garder leur sérieux à l'arrière-plan. Zirpola charge son bras droit et âme damnée Ankar Moor (Richard Lynch) d'aller capturer les Guides nomades Kaz Oshay (David Carradine) et Deneer (Claudia Jennings) afin de les obliger à participer au "Death Sport", une sorte de tournoi de gladiateurs avec des motos.
Dans le futur, alors que l'Humanité vit agglutinée dans des matte-paintings low-cost...
... la BRAV-M fait régner la terreur à coups d'armes qui font "piou piou"...
... et les dissidents sont incarcérés dans des prisons en carton et en polystyrène.
Mais heureusement, Spawn a décidé de se battre contre le Système !
Ah, pardon... David Carradine a décidé de se battre contre le Système !
Avec le manque d'aplomb légendaire de ses prestations les plus alimentaires et je-m'en-foutistes, David Carradine traverse le film de façon très nonchalante, l'oeil éteint et la mine pâteuse d'un énième lendemain de cuite. Livrant le minimum syndical, le talentueux acteur affiche de la première à la dernière minute son air détaché des jours de vaches maigres. Il est évident qu'il ne croit pas une seconde à son rôle d'ersatz d'Obi Wan Kenobi et de Luke Skywalker, sortant des aphorismes pseudo-mystiques du genre "Comme le sable dans le vent, avançons." en pensant à la prochaine binouze qu'il pourra s'envoyer après la prise pour se donner du courage. Le grand David est cependant beaucoup plus impliqué que dans nombre de ses nanars ultérieurs, n'hésitant pas à mouiller la chemise dans les scènes d'action et portant ce projet brinquebalant sur ses épaules malgré sa démotivation palpable. Qu'il se trimballe en pagne, avec une cape et une capuche en fourrure, ou qu'il porte le pyjama blanc de Mark Hamill, armé d'une épée en plexiglas et d'un désintégrateur aux airs de grosse lampe-torche, il conserve néanmoins toujours ce minimum de classe et de dignité qui sont la marque des grands comédiens.
Laisse-moi sortir de ce nanar ! Tu m'entends, Roger ?! Je veux à nouveau tourner de bons films !
Avec Les Gladiateurs de l'An 3000, on tient sans doute le tout premier vrai nanar de la prolifique filmographie de l'aîné de la fratrie Carradine. A l'époque, l'acteur, bankable et très populaire dans le monde entier, tournait encore des films indépendants de prestige et des séries B efficaces, bien loin des bouses tiers-mondistes qu'il enchaînera quelques années plus tard, quand les drogues, l'alcool et les échecs financiers en auront fait un has-been aux abois. Une traversée du désert dont Deathsport était en quelque sorte le premier jalon et dont David semble deviner à l'écran les perspectives artistiques décourageantes.
Pas au meilleur de sa forme, Petit Scarabée...
Alors, voyons ce que nous réserve l'horizon...
Mmh... "Kaine le Mercenaire", "Dragon Cop", "Dune Warriors", Kill Zone", "Dinocroc Vs. Supergator"... Mouais. Je crois que j'ai besoin d'un petit remontant...
– Dis David, tu trouves pas qu'on a l'air ridicules avec ces casques ?– Bof, tu sais, du moment que j'arrive à réunir le reste du budget pour terminer "Americana", Roger Corman peut me faire porter un tutu rose si c'est correctement payé.
Les méchants ont l'air aussi navrés que les gentils de jouer dans un film pareil.
Plus concerné, Richard Lynch cabotine gentiment dans son rôle de Dark Vador du pauvre, ancien chevalier Jedi... euh, pardon, ancien Guide passé du côté obscur, qui s'est mis au service d'un empereur Palpatine minable après avoir tué la mère de Kaz Oshay, grande guerrière dont notre héros a hérité des pouvoirs mystiques (rappelons qu'en 1978, le monde entier croyait encore que Dark Vador avait tué le père de Luke Skywalker). C'est avec une conviction louable que le bon Richard récite des monologues dont le lyrisme laisse songeur : "La vérité n'a pas besoin d'être présentée. Quand le soleil se lève, il n'est pas nécessaire de l'annoncer. L'homme est comme une bougie. Il doit rayonner la vie en se brûlant. J'ai un destin à rencontrer."
Lord Zirpola et Ankar Moor, l'empereur Palpatine et le Dark Vador de chez Lidl.
Festival Richard Lynch. Sans déconner, c'est celui qui s'en tire le mieux de tout le casting.
Même pas perturbé par le manque de professionnalisme des figurantes. C'est aussi ça avoir la classe !
Si le film accumule les "emprunts" à Star Wars (histoire, background des personnages, épées presque laser, bruitages volés au film de Lucas, tics de montage, looks des protagonistes, ersatz de la Force...), il ne s'agit nullement de son seul argument nanar. Annoncées comme les armes absolues du tyran Zirpola, les "Death Machines" qu'affrontent les héros dans l'arène du "Death Sport" ne sont que des mobylettes customisées et argentées qui explosent au moindre impact, voire parfois sans aucune raison apparente, le pingre Roger Corman se montrant ici fort généreux en explosions avec mannequins et torches humaines. Par contre, si Gégé consent à en mettre plein la vue niveau explosions, il ne se gêne pas pour arnaquer ses spectateurs puisque la fameuse épreuve du "Death Sport" qu sert d'argument au film ne représente qu'une dizaine de minutes du métrage.
Arrêtés par la police des moeurs pour exhibitionnisme sur la voie publique...
... David Carradine et Claudia Jennings sont obligés de combattre dans une arène peinte à la gouache...
...contre des motards déchaînés...
... avec, pour se défendre, de vulgaires lampes-torches...
... qui tirent de zoulis rayons laser à l'ancienne...
... tout ça pour que les abonnés à Canal Sport se goinfrent de bières et de chips le week-end !
Moto Massacre.
Le reste est à l'avenant. Les mutants anthropophages, lointains cousins des Morlocks de La Machine à Explorer le Temps, ne sont que des figurants en haillons titubant à l'aveuglette, parce qu'ils portent des balles de ping-pong à la place des yeux, le film sacrifiant à la vieille tradition du "bug-eyed monster" chère à Corman qui nous donna certains des monstres les plus follement ringards du cinéma.
Les mutants cannibales. Avouez qu'ils valent le coup d'oeil.
Et comme nous sommes dans une prod de tonton Corman, on pourra rire de la gratuité totale avec laquelle les playmates Claudia Jennings et Valerie Rae Clark sont dénudées. Ceci aux moments scénaristiques les moins opportuns, tantôt dans la traditionnelle scène de sexe entre Claudia et David Carradine (jusqu'ici normal), tantôt dans les (plus originales) séances de torture voyeuristes que Zirpola leur fait subir. Le tyran de pacotille se délecte en effet de contempler ses malheureuses prisonnières à poil, ballotant leurs nibards dans une espèce de discothèque, tandis qu'elles se font électrocuter par des tentures électriques sous un éclairage stroboscopique, et que Gégé Corman surveille son chronomètre pour s'assurer qu'il a bien le quota de plans nichons réglementaire, suivant sa méticulosité et son perfectionnisme habituels.
Comme à Nanarland, on ne mange pas de ce pain-là, plutôt que de vous mettre des images des risibles séquences de tortures topless, je préfère vous montrer ce sbire rigolo (un certain H.B. Haggerty).
Allez, pour les érotomanes et les fétichistes du plexiglass, voici une photo de Claudia Jennings dans son accoutrement d'Amazone post-apocalyptique. Une actrice au destin tragique, souffrant alors de toxicomanie, qui disparut l'année suivante dans un accident de voiture à l'âge de 29 ans. Son ultime rôle au cinéma fut le personnage principal féminin de "Fast Company" de David Cronenberg aux côtés de William Smith.
Pur film d'exploitation bordélique, nébuleux et sans épaisseur, Deathsport fit un flop qui enterra la suite prévue par Roger Corman, laquelle devait s'intituler Deathworld. Le film n'est cependant jamais ennuyeux, enchaîne les péripéties à un rythme soutenu et ne manque vraiment pas de charme. On serait très proche de la catégorie "Kitschs et bis sympas" s'il n'y avait pas ce scénario mal fagoté, cette musique au synthétiseur Bontempi inepte, ces mutants craignos dignes d'un Z amateur, ces dialogues un peu rigolos de prétention ampoulée, ces effets spéciaux marqués du sceau de l'artisanat, ces plans nichons grotesques, ces repompes décomplexées de l'univers Star Wars et cet aspect terriblement fauché de l'ensemble du film. Pas un énorme nanar donc, mais de quoi distraire les cinéphiles déviants pendant un peu moins de 90 minutes. Avec un ou plusieurs amis, ça peut être fun.
Cote de rareté - 4/ Exotique
Barème de notationBien que sorti dans les salles de cinéma françaises sous les titres Les Gladiateurs de l'An 3000 et Les Gladiateurs de l'An 2000 (à un millénaire près, on ne va pas chipoter), Deathsport n'a semble-t-il pas connu de distribution commerciale francophone sur support vidéo, pas même pendant l'âge d'or des VHS de post-nuke dans les années 80. Il faudra donc se rabattre sur les nombreux blu-ray et DVD étrangers qui firent honneur à ce petit classique du kitsch. Le BD-R espagnol (vraisemblablement semi-pirate) paru en 2023 chez "Mon Inter" propose le film sans suppléments mais avec une qualité d'image et de son correcte, et des sous-titres français (assez nanars) sont disponibles.
Le blu-ray britannique de "101 Films" ne propose quant à lui que des sous-titres anglais mais offre des bonus intéressants : commentaires audio du co-réalisateur Allan Arkush et du monteur Larry Bock, bande-annonce, émissions TV et radiophoniques d'époque consacrées au film, galerie photos... Et si le film n'est pas en HD, il offre une qualité très correcte avec le son en mono Dolby Digital 2.0.
Au rayon DVD, il y a l'embarras du choix. Le disque zone 1 double programme, sorti en 2010 chez "Shout Factory!", nous propose deux "Roger Corman's cult classics" en adjoignant à notre film le routinier mais sympathique Le Camion de la Mort alias Battletruck (réalisé par un certain Harley Davidson Cokliss !). Une édition minimaliste dépourvue de bonus avec la version anglaise uniquement.
Le même éditeur s'est davantage foulé sur le DVD solo de Deathsport, lequel contient en bonus un commentaire audio, une émission promo télévisuelle d'époque, une galerie photo et des bandes-annonces.
Auparavant, en 2000 puis en 2001, Roger Corman avait déjà ressorti son chef-d'oeuvre sous son label "New Concorde", dans deux DVD zone 1 basiques là encore (version anglaise sans sous-titres et macache pour les bonus).
Mentionnons aussi le DVD britannique édité en 2003 par "Prism Leisure Corp.", qui ne contient malheureusement que la VO sans sous-titres mais au moins c'est en zone 2.
On trouve également en import un autre DVD britannique paru en 2010 chez "In2Film", sans guère de bonus mais lui aussi au format européen.
Sans oublier un DVD allemand édité par "Nnm (Major Babies)" qui n'hésite pas à rebaptiser le film Death Race 2050, du nom d'une autre production Roger Corman de 2017, reboot médiocre des Seigneurs de la Route avec Malcolm McDowell. Et en plus, ce n'est même pas complètement fait exprès puisque le DVD date de 2009 ! Le disque ne propose que les versions allemande et anglaise sans suppléments.
Avec un visuel carrément piqué à "Death Race 2000", histoire d'entretenir la confusion.