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The Future World (Iranian Star Wars)
(1ère publication de cette chronique : 2025)
Titre original : Donyaye Ayandeh
Titre(s) alternatif(s) : Aucun
Réalisateur(s) : Ahmadreza Joghataei
Année : 2001
Nationalité : Iran
Durée : 1h19
Genre : Le djihad des étoiles
Acteurs principaux : Hossein Yaryar, Mahshid Afsharzadeh, Ghodratollah Izadi, Bita Baadraan, Manuchehr Oliai, Kamran Imami
Alors, prêts pour un space trip ?
Après Turkish Star Wars et Brazilian Star Wars, voici Iranian Star Wars ! Et dans la catégorie des rip-offs de l'univers créé par George Lucas, c'est encore une fois du brutal. Comme toujours avec ce genre de plagiat exotique, l'intérêt réside dans la manière dont le réalisateur accommode un grand succès hollywoodien à la culture perse, pour un résultat aussi spectaculaire qu'un spectacle de kermesse d'école maternelle. Le scénario n'a pas grand-chose à voir avec Star Wars. A la lutte palpitante des Jedi contre le côté obscur de la Force, Ahmadreza Joghataei préfère nous raconter le récit vaguement initiatique et remarquablement peu trépidant d'un enfant iranien crispant amené à vivre de minables, molles et absconses aventures dans l'espace.
De la haute technologie.
Scoop : C3PO a eu un fils avec un four à micro-ondes.
Dès la scène d'introduction, l'idéologie nationaliste de ce film familial est claire comme le pyjama de Luke Skywalker : un grand-père à longue barbe blanche lit ce qui semble être un recueil de contes et légendes perses à son petit-fils Farhad. Après le générique défilant sur le dessin d'un valeureux guerrier perse pourfendant des hordes barbares (peut-être de belliqueux Croisés ?), nous voilà transporté dans le jardin de la famille du jeune garçon prenant son déjeuner en plein air, théâtre d'une conversation édifiante entre le grand-père et la mère de Farhad. Le papi et sa bru déplorent tous deux que tous ces films de science-fiction américains détournent les enfants de la culture et des traditions ancestrales de l'Iran. Un dialogue d'une involontaire ironie pour un film de SF iranien copiant éhontément la recette des blockbusters hollywoodiens...
Mais nous allons voir que l'industrie cinématographique du Grand Satan n'est pas la seule menace qui pèse sur les traditions iraniennes. En effet, à la nuit tombée, Farhad est réveillé par un copain de son âge l'invitant à aller jouer dans un vaisseau spatial garé dans le coin en compagnie d'un troisième bambin. A peine se sont-ils introduits dans le vaisseau qu'ils sont faits prisonniers par des Stormtroopers (enfin, leur version iranienne) et emmenés dans l'espace jusqu'à la station spatiale X2. Là, un méchant scientifique entouré de ses deux filles les fixe sur leur sort : ils vont subir un lavage de cerveau. Le but des extraterrestres est de détruire la culture et les coutumes iraniennes afin de pouvoir conquérir la Terre. Car sans la République islamique d'Iran et ses saines valeurs, la planète bleue est totalement sans défense. Ces méchants aliens sont sûrement en cheville avec la CIA et le Mossad, moi je dis...Pas besoin d'inventer des méthodes aussi compliquées pour lobotomiser les enfants. Il suffit de leur montrer ce film.
Si le Star Wars iranien n'atteint pas le niveau de perfection absolue de son équivalent turc, c'est qu'il souffre d'une tendance très marquée au bavardage. Ca bavasse et ça parlotte pendant des plombes, autant vous prévenir tout de suite. En fait, on se demande s'il ne s'agit pas du dernier cri en matière de torture psychologique et s'il n'a pas été produit par la VEVAK pour être diffusé en boucles aux prisonniers politiques des geôles de Téhéran. Voir le film doté de sous-titres anglais, même si ceux-ci sont assez approximatifs, fut d'une aide inestimable, et m'a au moins permis d'apprécier toute la morale délicieusement réac des dialogues. Heureusement, si le film est plutôt pingre en action, son esthétique explose toutes les barrières du kitsch à un degré inégalé depuis Star Crash 2 et Our Friend Power 5.
Toujours ces usines pseudo-désaffectées en guise d'intérieurs de vaisseaux spatiaux dans les films de SF fauchés. C'est pas "Iranian Star Wars" mais "Iranian Space Mutiny" !
Le metteur en scène met ainsi un point d'honneur à nous vitrifier les rétines à chaque plan. Les spectateurs pourront savourer le degré de perfectionnement révolutionnaire obtenu par les superproductions iraniennes du début du XXIème siècle en matière d'effets spéciaux. Ici, on mélange avec générosité nanardise à l'ancienne et nanardise moderne. Les vaisseaux spatiaux de The Future World sont dignes de ce qu'on pouvait alors télécharger gratuitement sur Internet comme animations 3D libres de droits, et sont de toute façon complètement décalqués sur les vaisseaux de la franchise Star Wars, mais aussi des séries télé Babylon 5 et Battlestar Galactica. Petit panorama de cette débauche de laideur Playstation1-compatible :
Dans l'espace, personne ne vous entend vous plaindre d'avoir mal aux yeux.
Comme les images de synthèse moches, ça peut vite devenir indigeste à trop forte dose, on nous offre aussi du splendide craignos monster à faire se bidonner toute la galaxie. Alors qu'ils errent dans la station spatiale des méchants, les héros sont abordés par Iranian Princess Leia, à savoir une femme coiffée d'une couronne en carton, qui leur offre un poulet rôti à manger. Mais alors qu'un des gentils invoque le nom d'Allah pour célébrer ce festin, la jeune femme dévoile sa véritable nature, hurlant tel un vampire au nez duquel on aurait brandi une gousse d'ail. Elle se transforme alors en un Wampa de L'Empire Contre-Attaque, superbement pelucheux (on dirait le Yéti de Shriek of the Mutilated en encore plus ringard), et se met à attaquer nos héros en grognant. Ce monstre d'un grotesque réjouissant finira comme à la fin d'Alien, aspiré dans le vide sidéral via un effet spécial superbement raté. Une séquence qui demeure l'un des moments de bravoure et d'héroïsme les plus ridicules du cinéma.
Quand le monstre censé nous terrifier nous fait rire et que le pitre censé nous amuser nous donne la chair de poule, on se dit qu'on tient le bon bout.
The Future World, ce sont des effets spéciaux en mousse, des décors en mousse, des costumes en mousse mais aussi des personnages en mousse. Faisons plus ample connaissance avec les protagonistes de cette aventurette spatiale, puisque nous aurons à les subir pendant un peu plus d'une heure et quart de néant intersidéral. J'ai déjà parlé du jeune Farhad, spécimen de marmot tête à claques à la voix geignarde, dont certains masochistes du nanar sont d'indécrottables fans inconditionnels. Les autres gosses du film sont plus inexistants les uns que les autres. Parmi eux, on distinguera juste un petit Iranien maquillé en Noir via un blackface très Birth of a Nation-approved.
En Iran, quand on n'a pas d'enfant acteur noir sous la main, il reste la solution du cirage.
Séquence débilo-mièvre : sur le point de subir un lavage de cerveau, les enfants prisonniers des aliens font connaissance et se mettent subitement à rire comme des ravis de la crèche sans aucune raison.
Après avoir capté un signal de détresse de Farhad, son père assure quant à lui le rôle de Iranian Han Solo, volant ni une ni deux au secours de sa progéniture à bord de son Millenium Condor personnel, défiant bravement la mort dans son seyant gilet en cuir. Manque de bol pour la crédibilité du film, le comédien qui l'incarne affiche autant de charisme qu'un débris d'astéroïde planté dans le pare-brise d'un chasseur X-wing.
Le Millenium Condor iranien dans toute sa superbe.
C'est plus Han Ramollo que Han Solo.
Enfin, dans le camp des gentils Terriens, nous avons droit au toxique, au redoutable, à l'anxiogène Rashid, le comique de service. Comme les auteurs essayent de surfer sur le succès de La Menace Fantôme, ils ont décidé de nous infliger leur propre Jar Jar Binks. Pleurnichard, trouillard, idiot et grimaçant, ce moustachu coiffé d'un bob se révèle l'un des comparses comiques les moins drôles du système solaire et saura contenter les amateurs de sidekicks insupportables (généralement les mêmes détraqués qui aiment les gosses énervants).
Rashid le terrible (joué par un certain Ghodratollah Izadi). En fait, davantage que devant un rip-off de "Star Wars", on se croirait franchement face au remake iranien de "Turkish Star Trek".
Dans le camp des extraterrestres, nous avons donc, comme dit précédemment, le méchant vieux scientifique laveur de cerveaux, qui a l'avantage de posséder une garde-robe inqualifiable dont même Bozo le clown n'aurait pas voulu. Ses deux filles, dont l'une est gentille, l'autre méchante, portent toutes deux le hijab réglementaire ainsi qu'un béret et un énigmatique masque Zorro. La gentille fille est en quelque sorte la Iranian Padmé de service et se révèle être le sosie de la mère du jeune Farhad, tandis que sa méchante soeur passe son temps à minauder et à se délecter de sa propre méchanceté, un sourire sadique mi-gourmand, mi-ravie de la crèche aux lèvres. On apprend subitement à la fin qu'en fait le méchant scientifique et sa vilaine fille sont gentils ; ce sont en réalité des prisonniers vénusiens obligés d'obéir au grand méchant sous menace de mort. Enfin, ça n'a pas empêché la fille de suggérer au méchant d'enfermer les héros dans une cage dont les murs se rapprochent, en ricanant à l'idée que nos gentils Iraniens soient broyés comme dans le vide-ordures de La Guerre des Etoiles, donc le coup du "en fait, elle est gentille" est moyennement cohérent...
A gauche, un alien aux allures de sous-Bozo le clown, affublé d'un bonnet de bain rouge qui lui donne une belle tête de gland.
Une de ses filles, qui ose le redoutable combo béret basque, hijab et masque de Zorro.
Une famille qui a le sens de la classe.
Last but not least, admirons l'inégalable splendeur du grand méchant tyran intergalactique, que j'ai baptisé Darth Mollah. Personnage grandiose, ce Darth Vader perse arbore l'un des looks les plus estomaquants de l'histoire des maîtres de l'univers mégalomanes. Son casque est en effet un mix entre un grille-pain et une statue de l'île de Pâques, avec en plus des oreilles en choux-fleur pour sublimer le tout (ils ont même pensé à lui ajouter des trous de nez !). Tout simplement sidérant. Comme tout vilain conquérant interstellaire qui se respecte, il passe son temps à donner des ordres d'une voix grave et emphatique (n'est pas James Earl Jones ou Georges Aminel qui veut, puisqu'en essayant d'imiter la voix caverneuse de Darth Vader, le comédien donne surtout l'impression d'être enrhumé), ainsi qu'à punir ses sbires ayant fauté. Pour ce faire, il tend le bras et leur tire un rayon laser avec la paume de la main. On a alors droit à un plan d'une magnifique surimpression telle qu'on en faisait dans les années 1960. Le final, anti-spectaculaire à un point relevant de l'escroquerie, nous fait constater que tout dictateur de l'espace grandiloquent qu'il est, Darth Mollah n'est vraiment pas solide puisqu'une simple baffe suffit à le décapiter. Voilà un bad guy dix fois plus ridicule que Rick Moranis dans La Folle Histoire de l'Espace, mais filmé et joué avec un imperturbable premier degré.
Ca fait beaucoup de caps du méchant mais admettez qu'il le vaut bien.
Endure le courroux de Darth Mollah, misérable vermisseau !
Les personnages secondaires valent aussi le coup d'oeil. Au cours de leurs tribulations sous Lexomil, nos héros croiseront ainsi Iranian Obi Wan Kenobi, lui aussi prisonnier des méchants, ainsi qu'un nain intergalactique coiffé d'un bonnet de bain (que Rashid prend pour Superman : GAAAAG !), qui se révèlera aussi fort à l'harmonica que Charles Bronson dans Il Etait une Fois dans l'Ouest. Le film nous offre aussi un joli lot de sbires aux uniformes bariolés, encore plus kitschs que dans Flash Gordon, sans oublier un superbe robot en carton presque aussi beau que Darth Mollah. Enfin, n'omettons pas de saluer la BO du film, qui remplace la partition orchestrale épique de John Williams par une immonde soupe Bontempi anti-mélodieuse au possible. Pour battre les Yankees sur leur terrain, l'ayatollah Khamenei peut compter sur les choix artistiques visionnaires d'Ahmadreza Joghataei.
Il y aurait sûrement une thèse à écrire sur le pourquoi de l'omniprésence des personnes de petite taille dans les nanars à l'échelle mondiale.
– Dis, grand-père, où t'as trouvé ce postiche ?– Dans une pochette surprise.– Haha, elle est bien bonne !
Vous l'aurez compris, cet Iranian Star Wars déçoit un peu nos attentes. Il vaut surtout pour sa profusion de kitsch hallucinant et pour l'écart se comptant en années-lumières entre ses ambitions affichées et le résultat pitoyable défilant à l'écran. Voilà un film qui s'adresse à la jeunesse iranienne pour lui dire : "Oubliez Star Wars et regardez comment nous, avec notre culture et nos traditions, on fait mieux que ces kuffars d'infidèles américains décadents et leurs dollars sataniques !" Sauf qu'on se retrouve devant une daube intersidérante n'arrivant même pas à la cheville des nanars turcs en termes de rythme et de divertissement, un film de SF en papier mâché à peine du niveau des space operas d'Alfonso Brescia mais tourné vingt ans plus tard. L'intrigue n'a résolument aucun sens et patine sévèrement dans la semoule (le dernier quart-d'heure semble interminable) jusqu'à une conclusion piquée au Magicien d'Oz que le moins perspicace des spectateurs aura vu venir une heure à l'avance. La ringardise irradie chaque millimètre de pellicule et transforme ce qui aurait tout d'un horrible navet en un fascinant ovni bricolé aux couleurs disco. On jurerait une série Z des 70's à laquelle un George Lucas iranien aurait ajouté des CGI hideux chipés à un jeu vidéo PS1 pour le ressortir comme un tout nouveau film à l'aube des années 2000. Un spectacle éprouvant, hardcore, souvent très pénible mais en même temps scotchant et stupéfiant par son mauvais gout outrancier et sa stupidité abyssale.
"Que la Force soit avec vous. Vous en aurez besoin pour regarder ce nanar !"
Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti
Barème de notationEncore un film ayant difficilement traversé les frontières de son pays d'origine. On peut cela dit le trouver sur Internet en cherchant bien...