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Submersion

(1ère publication de cette chronique : 2022)
Submersion

Titre original :Submerged

Titre(s) alternatif(s) :Crash dans l'océan, Péril en haute mer

Réalisateur(s) :Fred Olen Ray

Année : 2000

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h35

Genre : J'ai le cerveau du fond qui baigne...

Acteurs principaux :Fred Williamson, Brent Huff, Stacey Travis, Tim Thomerson, Coolio, Hannes Jaenicke, Nicole Eggert, Maxwell Caulfield, Dennis Weaver, Yvette Nipar, Meredith Hunt

Jack Tillman
NOTE
2.75/ 5

 

Comme notre confrère Plissken le soulignait dans sa bio de Fred Olen Ray, il n'est pas si facile que ça de dénicher du vrai gros nanar qui tache dans la filmo de ce metteur en scène. Certains créneaux sont notamment à éviter, comme la série de téléfilms catastrophes qu'il tourne avec régularité depuis le début des années 2000, pour les chaînes du câble à la recherche de bouche-trous pas chers pour leur grille de programmes. Des produits ultra-calibrés, aux titres ronflants et interchangeables (Catastrophe en plein cielTurbulences en plein vol, etc.), à base d'ouragan nucléaire et de détournements d'avions, avec dix minutes d'action téléphonée et de FX en images de synthèse toutes pourries, et une heure vingt de blablatage interminable pour donner quelques sensations fortes aux retraités et aux ménagères désœuvrés les après-midi en semaine, ou bien pour servir de tisane aux insomniaques en troisième partie de soirée sur la TNT. Ce Submersion alias Crash dans l'océan alias Péril en haute mer ne s'annonçait donc pas particulièrement folichon. Que nenni ! Ce film se révèle au contraire un nanar d'une débilité absolument réjouissante.


Fred Olen Ray est un gars dont on se dit souvent qu'il aurait le potentiel pour faire plus de nanars, mais qui, la plupart du temps, reste timidement cantonné dans le registre de la série B ou Z au mieux potable, au pire naveteuse. Mais j'aime autant vous dire que quand le bonhomme se décide à faire du nanar, c'est du solide. Avec ce Submersion, Fred nous livre à la fois une parodie involontaire de film catastrophe et une parodie involontaire de film d'action bourrin, enfilant les idioties à un rythme soutenu. Une sorte de mélange premier degré entre Y a-t-il un pilote dans l'avion ? et Hot Shots! en gros.

Des saluts militaires sur fond de musique patriotique !

De la justice expéditive au bazooka sur une route de banlieue pavillonaire californienne !

Des sbires terroristes septuagénaires !

Du catfight en talons hauts !

Le Mac Guffin du jour est le Thunder Strike, un super-ordinateur commandant un super-satellite doté d'un super-rayon laser, financé par un milliardaire texan (Dennis Weaver, héros de Duel de Spielberg et de plein de séries télé). Comme nous l'apprend le dialogue, "cette arme suprême a été créée par l'Homme et par Dieu comme si Dieu en personne nous avait insufflé l'objectif de faire de Thunder Strike l'arme suprême; son faisceau peut éradiquer une ville entière en quelques secondes". Mais le porte-parole du milliardaire nous affirme que "cette arme n'est pas destinée à tuer des hommes, elle a été créée dans le but d'éradiquer la guerre". Nous voilà rassurés.


Evidemment, comme toutes les armes absolues au pouvoir de destruction sans limite créées à des fins pacifistes, Thunder Strike suscite la convoitise de méchants très méchants qui vont tout faire pour se l'approprier. En l'occurrence, les méchants du jour sont un trafiquant d'armes international (Tim Thomerson, héros de la saga Future Cop / Trancer, aussi vu dans Cherry 2000 et Metalstorm, la tempête d'acier), sa sexy bitch en tenue noire moulante, un informaticien sans scrupules et le scientifique en charge du projet Thunder Strike (le fabuleux Coolio), lequel s'est fait passer pour mort en faisant exploser le stock-shot de son laboratoire. L'appât du gain motive cette vile engeance, qui compte bien revendre le Thunder Strike au plus offrant des ennemis du Monde Libre.

Pour s'emparer de "l'arme suprême", ils ont un plan : détourner l'avion transportant le Thunder Strike vers Hawaï, le faire s'écraser dans l'océan et envoyer une équipe d'hommes-grenouilles récupérer l'engin, sans qu'on comprenne trop si le plouf dans l'océan était réellement prévu au programme ou pas, le script n'étant pas très clair sur ce point. Pour les passagers du Boeing, le cauchemar ne fait que commencer... (rôôh, voilà que je parle comme une jaquette de nanar !)

Des méchants enjoués.

Le regretté Coolio, méga-star du rap, de la cuisine et du nanar ("Pterodactyles", "Batman et Robin", "Gangland 2010", "Dracula 3000"...). Ici, il en fait joyeusement des tonnes.

L'arme suprême en pleine démonstration pacifiste.

La version terrestre du Thunder Strike. "Le propriétaire de cette arme contrôlera le monde, que ça lui plaise ou non" croit utile de préciser le méchant.

Vous voyez la petite lumière rouge sur l'aile droite ? Et celle sur l'aile gauche ? Eh ben nous on vole juste au milieu, comme ça on peut pas se perdre !

Les Navy SEALS sont sur le coup. Ça rigole plus.

Le quota "hélicos + explosions" de tout nanar d'action récréatif est respecté.


Là, en voyant les caps, vous vous dites "Waouh ! Des explosions de building, un crash de boeing, un porte-avions, des flottilles d'hélicoptères, une vue spatiale de la Terre... Fred Olen Ray a dû exploser son budget FX !" Ben non ! Toutes les séquences un peu spectaculaires sont en fait des stock-shots honteusement chipés par scènes entières au troisième opus de la saga Airport, Les Naufragés du 747 alias 747 en péril de Jerry Jameson, ainsi qu'une séquence de poursuite en bagnole intégralement piquée à La Mutante de Roger Donaldson ! A l'instar de son copain Jim Wynorski, Fredo est coutumier du pillage de blockbusters (aaah, les innombrables stock-shots décomplexés de Terminator 2 et de Universal Soldier dans Alerte Finale...). Aussi fort que Bruno Mattei et Cetin Inanç ! Bon, c'est vrai que selon certaines sources, il paraît que Fred rachèterait légalement les stock-shots de grosses prods qu'il case dans ses nanars, mais cela n'enlève rien au fait que ce stock-footage de gueule occupe environ dix bonnes minutes du métrage final, sans compter que Fred a baptisé Stevens le milliardaire texan, comme le milliardaire joué par James Stewart dans Les Naufragés du 747, juste parce que le nom Stevens est inscrit sur le fuselage de l'avion. Une fois qu'on a repéré le truc, le visionnage en acquiert une toute autre saveur.


Pour sauver le monde de ce péril stock-shotesque, il fallait un vrai héros, qui soit à la fois cool et blagueur, et qui ait un sens du devoir inébranlable. Histoire de gâter les nanardeurs, Fred Olen Ray nous offre non pas un mais deux héros anti-charismatiques à souhait. La CIA a en effet mis ses deux meilleurs agents sur le coup. Le premier, qui se charge de la partie "catastrophe", c'est Maxwell Caulfield, successeur transparent de John Travolta dans Grease 2 (un four), co-vedette avec Charlie Sheen de l'excellent De sang froid, puis has-been de service dans un paquet de DTV et de téléfilms à l'eau de rose. Avec sa moustache et son faciès béat, Maxwell se révèle ici un acteur monolithique au possible, dont l'inexistence et l'inexpressivité totale n'ont d'égale que l'énorme sympathie qu'il inspire. Pour incarner ce héros au coeur blessé qui ne vit plus que pour son boulot depuis la mort tragique de sa femme et de son fils, Maxwell se contente de rester bloqué sur une expression de cocker triste à la Christopher Mitchum, avec un petit air ahuri en plus, semblant en permanence se demander ce qu'il fout là. Se contentant d'attendre que les évènements passent, son personnage ne fiche pas grand-chose à part débiter quelques paroles rassurantes pour empêcher les passagers du 747 de céder à la panique (bon, OK, il y a bien une scène où il essaye de tenir en joue un sbire de bas étage avec son flingue, mais il se fait latter comme un bleu par le sbire en question). Pour celles et ceux qui s'attendaient à un John McLane-like, c'est loupé. Un vrai héros de film d'action à la ramasse, quoi.

 

Maxwell Caulfield, LA révélation du film. Cet homme est en train d'évoquer la mort atroce de sa femme et de son enfant. Ou alors peut-être bien qu'il est en train de blaguer avec son coéquipier, je sais plus.

Notre héros lors de la happy end. Vous voyez ce visage ? C'est le visage du bonheur. Ce type ne cache même pas sa joie.

- Alors mon pote, ça va mieux ?- Ah purée, oui ! Rien de telle qu'une bonne bastos dans l'épaule pour soulager la constipation...

L'autre héros du film, c'est ce bon vieux Brent Huff qui, après avoir cassé du Viêt chez Bruno Mattei et défoncé de l'Amazone chez Just Jaeckin, va cette fois dessouder du terroriste pour ce qui constitue la partie "action bourrine" du film, Fred Olen Ray nous ayant pondu une oeuvre aux allures de deux en un involontaire. Et lorsqu'il s'agit de défourailler du terroriste, le beau Brent est un champion puisqu'il abat les sbires tantôt sans même les avoir regardé, tantôt en visant trois mètres à côté, alors qu'il leur tire dessus à bout portant. Trop fort le mec ! Les gunfights sont d'ailleurs un des points forts en nanardise du film, avec leur figurants qui en font des caisses dans les convulsions avec un décalage d'une seconde par rapport aux coups de feu et sans que leur corps présente le moindre impact de balle. Et pour apporter une touche d'humour vaudevillesque, histoire de se détendre entre deux déchaînements de violence clownesques, notre super-agent de la CIA macho entre en rivalité avec l'agente de l'ATF Yvette Nipar. Tous deux nous rejouent la pièce éculée du futur couple qui se drague tout en se taquinant gentiment pour savoir qui est le meilleur et lequel des deux mettra la main sur le méchant et le Thunder Strike en premier. La conviction imperturbable des acteurs apporte un coefficient sympathie élevé à leurs personnages, lesquels sont d'ailleurs tellement stéréotypés qu'ils en deviennent paradoxalement attachants.

Brent Huff...

... et Yvette Nipar ("Dr. Mordrid" de Charles Band, la série télé "Robocop"...) en plein concours de slip.

Brent Huff, roi de la métaphore viriliste. Subtil.

En plein dans le mille, même en visant comme un aveugle ! Qu'est-ce qu'il est fort, ce Brent Huff !

Un garde compétent qui respire l'intelligence.

Les forces spéciales d'intervention anti-terroristes au grand complet. Ces gusses sont des pros de l'infiltration en territoire ennemi (territoire ennemi = le jardin de Fred Olen Ray).

Car l'une des caractéristiques du film est sa capacité à enquiller les clichés jusqu'à l'overdose. Les direct-to-video de ce genre brillent rarement par leur originalité mais ici chaque personnage, chaque situation, chaque dialogue et chaque ton de voix des doubleurs est tellement téléphoné qu'on touche véritablement au sublime. Le métrage offre une caricature de tous les poncifs du cinéma à grand spectacle hollywoodien. Quelles sont les chances de survie d'un homme de main qui, une fois son boulot terminé, déclare aux méchants vouloir être payé trois fois plus cher que la somme convenue ? La fille du milliardaire texan va-t-elle pouvoir vivre son grand amour avec l'assistant de son père malgré le fait que celui-ci soit déjà marié ? L'hôtesse de l'air va-t-elle se réconcilier avec la fille du milliardaire ? Brent Huff réussira-t-il à stopper la mise à feu du Thunder Strike avant la fin du compte à rebours, en pianotant à une vitesse effrénée sur les touches du clavier du super-ordinateur, comme un nerd nanar des années 90 ? Le veuf inconsolable Maxwell Caulfield va-t-il retrouver le goût de vivre au terme de cette périlleuse aventure ? Oh mais tiens, il y a justement parmi les passagers une jolie femme enceinte qui semble ne pas le laisser insensible et qui est prise de contractions, se pourrait-il que...?

C'est pas possible, elle attend des quadruplés ou quoi ?!

On ne l'avait vraiment pas vu venir...

 

Les dialogues atteignent quant à eux des sommets de finesse :

"- Je peux vous inviter à dîner ? Mais ne vous inquiétez pas, ce sera strictement professionnel. Je n'ai pas le temps pour le sexe..."

"- Je me demande si vous êtes aussi bonne au lit que vous l'êtes au volant."

 "- Vous avez l'air tendu."

"- Oh, c'est la vieillesse ! L'hypertension. La solitude du tueur..."

Un docteur s'adressant à une femme enceinte : "Juste un petit conseil : après l'accouchement, retrouvez votre ligne !"

Un autre médecin à cette même femme enceinte : "Et surtout, n'oubliez pas de respirer !"

Le tout servi par un doublage aux petits oignons...

La belle Nicole Eggert, ex-enfant star de sitcoms et ex-sauveteuse dans "Alerte à Malibu", essentiellement active pour le petit écran, mais qui ne dédaigne pas apparaître dans l'univers de la série B qui tache (elle incarna notamment une version féminine et sexy de Robocop dans le nanar "The Demolitionist").

Hannes Jaenicke, acteur allemand dont le rythme de tournage intensif, tant en Amérique qu'en Europe, l'amena plusieurs fois à croiser la caméra de Fred Olen Ray. Accessoirement, il ressemble à une petite brute qui m'avait tabassé à l'école primaire.

Un bon nanar catastrophe, c'est avant tout des acteurs en mode "tension dramatique maximale".


Les comédiens, plutôt bons dans l'ensemble, y croient tous à donf et cabotinent beaucoup au service du suspense en mousse, qu'accentue à chaque instant la musique pompière des frères David et Eric Wurst (compositeurs attitrés des DTV de Fred Olen Ray). Mais dans le lot, il y en a un qui se démène encore plus que les autres pour nous faire haleter, transpirer, recroqueviller les orteils et aggriper fébrilement la main de notre voisin devant notre écran. Fred Williamson, alias "Fredo la classe" pour les intimes, donne tout ce qu'il a pour faire monter la tension dramatique au maximum, jouant avec une conviction absolue un officier de la Navy qui évoque irrésistiblement un agent d'Interpol dans un film de Godfrey Ho. Donnant des ordres par téléphone, pestant dans son coin contre la fatalité et les embûches, trépignant d'impatience devant la lenteur de l'opération de sauvetage, tandis que le montage alterne les inserts de l'acteur avec des stock-shots des Naufragés du 747 et une séquence désopilante d'accouchement prématuré, coaché par un toubib hyper-motivé et jamais à cours d'encouragements débiles. Dans le registre de la guest-star venue cachetonner dans une poignée de scènes de dialogues, Fred transforme chacune de ses apparitions en petit moment de magie.

Un degré d'implication et une classe qui forcent le respect (même s'il est un peu beaucoup payé à rien foutre).

Gros délire bordélique camouflé en téléfilm catastrophe de base, Submersion aligne les scènes crétines jusqu'à un assaut final bien ringard, avec son commando avançant en plein jour dans la propriété ultra-sécurisée du méchant sans se faire repérer (mention spéciale à la sentinelle sourde et aveugle qui déclare "Rien en vue !" dans son talkie-walkie). Même s'il reste un nanar mineur, le film parvient à transcender le cahier des charges habituel par sa débilité constante, sa bonne humeur ambiante (tout le monde semble bien s'éclater à l'écran) et son total premier degré, ce qui le hisse sans peine bien au-dessus du tout-venant du genre.

- Jack Tillman -
Moyenne : 2.25 / 5
Jack Tillman
NOTE
2.75/ 5
Rico
NOTE
1.75/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Si vous loupez l'une de ses diffusions télé sous les titres Péril en haute mer ou Crash dans l'océan, vous trouverez avec un peu de bol le DVD de Submersion édité chez FIP pour une bouchée de pain, dans un dépôt-vente ou dans un cash quelconque, sachant que de toute façon tous les sites de vente en ligne le proposent aussi à petit prix. Le film est parfois vendu en duo avec le direct-to-video catastrophe Cyclone alias Twister 2 : Extreme Tornado de Harris Done, fausse-suite du blockbuster Twister dans laquelle Luke Perry et Martin Sheen viennent cachetonner. Comme tous les DVD de cet éditeur, le disque contient la VF et la VOST, la bande-annonce originale, des bios/filmos succintes du réalisateur et des acteurs principaux, ainsi qu'un quizz thématique (ici "Les détournements aériens au cinéma").