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Un Vol pour l'Enfer

(1ère publication de cette chronique : 2025)
Un Vol pour l'Enfer

Titre original : Captive Rage

Titre(s) alternatif(s) : Fair Trade, Blood Ransom, Fire with Fire, Fighting Fire with Fire

Réalisateur(s) : Cedric Sundstrom

Producteur(s) : Avi Lerner, Harry Allan Towers

Année : 1988

Nationalité : Afrique du Sud

Durée : 1h39

Genre : Rambette et les Picaros

Acteurs principaux : Robert Vaughn, Oliver Reed, Lisa Rinna, Claudia Udy, Maureen Kedes, Sharon Schaffer

Jack Tillman
NOTE
2.5 / 5


Une VHS néerlandaise.

 

Vous avez aimé Les Guerriers de la Jungle ? Son concours de has-beens dans la panade entre Paul L. Smith, Woody Strode et John Vernon ? Sa tortionnaire blonde platine jouée par la grande Sybil Danning ? Ses bimbos transformées par la grâce du Saint Esprit en machines de guerre ? Plus généralement, voir des jolies filles massacrer des sbires au AK-47 suffit à votre bonheur ? Alors vous allez aimer Un Vol pour l'Enfer, production 100% sud-africaine de 1988 se faisant passer pour une série B ricaine, afin de pouvoir s'exporter hors des frontières d'un pays mis à l'époque au ban des nations pour cause d'apartheid. C'est co-produit par le Britannique Harry Allan Towers, un margoulin à qui l'on doit de nombreuses merveilles, comme Alerte dans le Cosmos et Emmuré Vivant (avec déjà Robert Vaughn).



Harry Allan Towers ayant participé à plusieurs films de la Cannon, comme Gor (avec déjà Oliver Reed) et American Warrior 3, on ne s'étonnera pas de le voir ici associé comme producteur avec l'Israélien Avi Lerner, poulain de la Cannon et futur co-fondateur de Nu Image. Tant qu'on parle d'American Warrior 3, signalons que le Sud-Africain Cedric Sundstrom en était aussi le réalisateur et qu'on lui doit également American Ninja 4 (en plus, son frangin Neal a réalisé une bonne partie de Space Mutiny, ainsi que le soporifique Hurlement 5 : La Renaissance mais c'est une autre histoire). Les meilleures fées du nanar se sont donc penchées sur le berceau de ce long-métrage pour en faire un mauvais film sympathique.

 

 

Nous sommes en effet en présence d'une série B divertissante qui sombre de plus en plus dans le nanar au fur et à mesure de ses rebondissements d'une irrésistible idiotie. Il y a tous les ingrédients qui font la saveur du cinéma d'exploitation des années 80, tous les clichés reaganiens sont réunis, à part que les méchants semblent a priori ne pas être communistes. Enfin, ce n'est ni infirmé ni confirmé. Ne soyez pas trop déçus, car ce sont tous des Chicanos sud-américains trafiquants de coco commandés par un dictateur/baron de la drogue anti-USA, le féroce général Belmondo (rebaptisé Belmonte en VF pour les raisons que l'on devine), modèle putschiste barbu vivant reclus dans sa forteresse au fin fond de la jungle d'un état terroriste d'Amérique du Sud, le Parador (pays frontalier du San Carlos, situé à quelques encablures de l'île de Santa Marta, c'est-à-dire un peu au Nord de la Galibie).

 

Le Parador, terre de contrastes.

 

Le général Belmondo est incarné avec goguenardise par un Oliver Reed en totale roue libre. Avant de conclure en apothéose une vie d'excès et une carrière très périclitante grâce à Gladiator, Oliver est venu cuver dans un certain nombre de productions miteuses. Ici, il nous offre un show absolument hilarant, sans qu'on sache toujours ce qui relève du second degré décontracté et ce qui tient du je-m'en-foutisme hagard. On a droit à quelques dialogues réjouissants, notamment pendant ses échanges d'auto-congratulation, tour à tour avec sa femme sadique et avec sa maîtresse sadique :

_ Tu vois, Maria, lorsqu'une opération est bien planifiée, le résultat coule de source. Et c'est mon point fort. Mais je vais te confier un secret : je pare à toute éventualité, et ça c'est... c'est la marque d'un... d'un VRAI général !

– Et d'un grand homme, mon chéri.

– Oui, tu as raison...

– Tu n'imagineras jamais à quel point il est jouissif d'avoir sur autant de destinées une totale main-mise, Chiga.

– Oh oui ! un pouvoir qui peut vous brûler les doigts s'il n'est pas absolu !

– Héhéhéhé ! Tu es folle, mais tu as raison !

 

Grand show Oliver Reed.

 

Si le méchant en chef est surjoué par un acteur de la trempe d'Oliver Reed (dont le talent brilla tout de même davantage dans des classiques comme La Nuit du Loup-Garou, Tommy, Les Diables, Les Charognards, Le Lion du Désert, La Cible Hurlante, The Trap ou encore On l'appelait Milady), pour lui faire face, il fallait un autre has-been à la hauteur afin de sous-jouer le rôle du chef des gentils. Mission accomplie par un Robert Vaughn qui semble vraiment n'en avoir rien à péter. Le Napoleon Solo de la série Des Agents Très Spéciaux – qui avait fait ses classes en jouant au Teenage Caveman pour Roger Corman avant de connaître la gloire dans Les Sept Mercenaires et d'autres productions de prestige, puis de retomber dans le bis et le Z alimentaires – assure ici le minimum syndical dans le rôle du patron de la DEA, Eduard Delacorte. Après l'avoir habilement trompé au moyen de quelques bimbos topless dans un jacuzzi, notre flic anti-stup sous couverture réussit à appréhender le fils du général Belmondo, grâce à une arrestation coup de poing dans un hangar ne lésinant pas sur les agents kamikazes déguisés en gangsters et absolument pas couverts par leurs collègues (il devait s'agir de Samurai Cops adeptes du code du Bushita, ou du Bullshido). Voilà donc Belmondo junior sous les verrous pour trafic de drogue, ce qui fait naître une haine implacable entre le méchant métèque Oliver Reed et le gentil Yankee Robert Vaughn. La confrontation entre ces deux monstres sacrés est inéluctable, le choc des titans est imminent...

 

Allô, Signore Joe D'Amato ?... Oui, c'est Robert, je viens d'écouter votre message sur mon répondeur. Alors, cette semaine je serai bloqué en Afrique du Sud, mais je peux être en Italie dès lundi pour tourner "Zombie 5"...

Au milieu, Claude Belmondo (le Sud-Africain Deon Stewardson, aperçu dans "American Ninja 4"), le fils bien-aimé du général.

Deux futurs martyrs de la guerre contre la drogue.

Après que ses sous-fifres se soient fait tuer, Robert n'a plus qu'à descendre de voiture et à montrer sa plaque au méchant d'un air détaché. Inutile de préciser qu'il ne prend aucune part à la fusillade et aux cascades qui ont précédé.

 

Hem, pardon, j'oubliais qu'en sa qualité de guest-star, Robert Vaughn totalise une dizaine de minutes d'apparition en échange de son gros chèque, alors le duel avec Oliver Red se résume à leurs deux noms écrits en gros caractères face à face sur l'affiche. On a plutôt affaire à un bon gros WIP dans la jungle avec des acteurs pour la plupart inconnus. Pour faire libérer son fils sur le point d'être jugé par la justice américaine, le Général Belmondo a en effet mis au point un plan hautement débile, facilité par le fait que la fille de son ennemi juré a justement décidé de partir faire un spring-break au Mexique avec ses camarades lycéennes cette semaine-là. Le Général fait donc détourner l'avion pris par Lucy Delacorte et ses amies par deux pirates de l'air, qui obligent l'appareil à se poser au Parador. Après le massacre en règle de l'équipage, les jeunes filles sont conduites captives dans le camp jouxtant la villa de Belmondo et enfermées dans des cages en bambou. Le Général Belmondo fixe un ultimatum au gouvernement des Etats-Unis : si son fils n'est pas libéré dans les 72 heures, il donnera les prisonnières américaines à manger à ses piranhas domestiques, mouhahaha !

 

Nos étudiantes juste avant le drame.

 

Mais le Général Belmondo semble ne pas avoir vu beaucoup de nanars, sinon il saurait que le gouvernement américain ne négocie pas avec les terroristes et qu'il préfère leur envoyer la Delta Force sur des motos bioniques. Sauf que là on n'avait vraiment pas le budget pour se payer Chuck Norris, Steve James et Lee Marvin en plus d'Oliver Reed et de Robert Vaughn, alors les otages vont devoir se débrouiller toutes seules. Mais point d'inquiétude, car nos jeunes lycéennes (dont certaines semblent avoir largement dépassé la trentaine, signe qu'elles ont dû redoubler beaucoup) n'auront nul besoin des troupes de l'Oncle Sam pour éradiquer totalement le trafic de drogue en Amérique Centrale. Au terme d'un montage badass, mix entre Commando et les pubs L'Oréal, et d'un entraînement express de trente secondes chrono, nos frêles adolescentes permanentées, vêtues de crop-top et de shorts kakis (leurs tenues de prisonnières), seront transformées en chiennes de guerre invincibles par leur cheffe de meute, la redoutable Lucy Delacorte.

 

Nos héroïnes sautent dans une rivière pour échapper aux méchants...

... ce qui permet à Cedric Sundstrom, finaud, de caser ce plan pas du tout gratuit de nos jeunes Playmates toutes mouillées. Merci, Cedric !

Plein de sollicitude, le scénariste a eu la gentillesse de faire s'écraser un avion rempli de matériel de guerre à l'attention de nos fugitives.

Parce qu'elles le valent bien.

 

Notre héroïne est jouée par la mignonne Lisa Rinna, bien avant qu'elle subisse une opération de chirurgie pas très esthétique à base de gonflage de lèvres et soit la vedette de soap-operas bling-bling comme Melrose Place et de télé-réalités bling-bling comme The Real Housewives of Beverly Hills (tout un programme). Pour l'anecdote France Dimanche, le forumeur Buck Banzai nous précise qu'elle est aussi madame Harry Hamlin, le Persée du Choc des Titans version 1981. Lucy est une dure à cuire qui fait évader ses compagnes de captivité en séduisant un garde abruti et en lui faisant une fellation à travers les barreaux de sa cage (une scène qui eut assurément inspiré un dialogue épique aux doubleurs de Femmes en Cages). La teenager semble être une experte en maniement d'armes et en tactiques commando, à croire qu'elle a pris des cours du soir avec Mike Danton. Ce qui explique peut-être le fait que son père semble moyennement inquiet suite à son kidnapping (on me souffle que c'est parce que Robert Vaughn est totalement inexpressif). En tout cas, la jeune Lucy semble bouffer du lion tous les matins dans son campus et il ne faut pas lui baver sur les rouleaux parce qu'elle a des couilles en acier trempé. "Mais alors c'est ça qu'on leur apprend à l'université aujourd'hui ? On les entraîne à tuer des gens ?" se lamente d'ailleurs Oliver Reed.

 

Beeuuaaarh ! Pour survivre à une guerre, faut devenir la guerre, mon Colonel !

Dis, toi aussi t'as eu ton master guérilla avec mention ?

 

Il faut cependant ajouter que si notre groupe d'étudiantes en goguette extermine l'armée privée du Général Belmondo les doigts dans le nez, c'est aussi parce qu'en face, on a affaire à une sacrée bande de manches ! Le festival de louze des méchants est d'ailleurs l'un des points forts nanars du film. Ah ça, quand il s'agit de massacrer des villageois à sombreros ou de se mettre à deux pour violer une prisonnière enchaînée (quota plan nichons !), ils font les fiers, mais ne comptez pas sur les mercenaires du Parador pour venir à bout d'une petite demi-douzaine de spring-breakeuses américaines ! On se régale à chaque fois que le lieutenant neuneu de Belmondo vient lui rapporter un nouvel échec d'un air tout péteux.

 

Des fugitives à découvert, tournant le dos à des poursuivants armés jusqu'aux dents. Qu'attendent-ils pour faire feu ?

Que nos Rambettes les entendent arriver et se mettent à les canarder bien sûr !

Miguel, le bras droit manchot du Général Belmondo.

 

Qu'à cela ne tienne, puisque ses soldats bras cassés sont des tanches, le Général Belmondo fait appel à Chiga, l'indispensable matonne sadique du camp. Avec sa crinière blonde au vent, ses épaulettes mad-maxiennes, ses mitaines en cuir et ses bottes, Chiga est la sexy bitch parfaite des années 80. Elle est jouée par Claudia Udy (qui fut elle-même l'otage de terroristes sud-américains crasseux dans Night Force, où elle était enfermée toute nue dans une cage en bambou gardée par un nain, et se faisait délivrer par Linda Blair, Chad McQueen et Richard Lynch !), actrice native du Nouveau-Mexique mais ayant grandi au Canada, qui dans la VO s'exprime en français. Une méchante sous-Ilsa française au look SM cuir 80's, nymphomane et cruelle comme il se doit, et répondant au doux nom de Chiga ? Voilà de quoi nous ravir. Cependant, malgré sa classe et son jeu tout en arrogance quand elle s'en prend à ses vertueuses prisonnières américaines, Chiga n'est pas beaucoup plus compétente que les autres quand il s'agit de capturer les fugitives, même quand elle les traque dans la jungle avec ses cavaliers ninjas ! Des ninjas à cheval, oui. Et qui se font occire en trente secondes par quatre bimbos. Aucun respect.

 

La branche morte, arme absolue contre les ninjas sud-américains.

 

Les terroristes de Belmondo = hors jeu. La matonne sadique = hors jeu. Les ninjas = hors jeu. Qui reste-t-il pour stopper nos lycéennes en furie ? Les Jivaros, bien sûr ! Sans doute cannibales, nos Indiens d'opérette tout droit sortis d'un Umberto Lenzi se révèlent encore plus nuls que les précédents adversaires de nos donzelles. Incapables de viser, ils décochent leurs flèches en loupant nos héroïnes d'un bon mètre. Ces dernières n'ont alors plus qu'à tirer dans le tas en faisant la moue, massacrant la totalité de la tribu sans jamais recharger. Lucy et ses copines de chambrée auront même le temps de recruter deux géologues américains nigauds sortis d'une production Sidaris, changés instantanément en bêtes de guerre as du bazooka lors de l'assaut final. Moralité : les Paradoriens sont un peuple de branquignoles et les Américains sont tous des super commandos d'élite nés, quand bien même ils n'auraient jamais touché à un flingue de leur vie. Le Deuxième Amendement, on l'a dans le sang au pays de l'Oncle Sam !

 

Cannibal Ferox.

America, fuck yeah!!!

Un plan coucougnettes involontaire (repéré par notre estimé confrère Vincent Le Gallois dans sa chronique de "Vous reprendrez bien du nanar").

Les géologues américains, qui font office de sidekicks comiques.

En chaque Américain, il y a un John Rambo qui sommeille.

 

Mélange très sympathique d'aventures exotiques, de bis crapoteux et d'action pure et dure aux relents joyeusement reaganiens, Un Vol pour l'Enfer (à ne pas confondre avec le plus routinier Dernier Vol pour l'Enfer avec Reb Brown) est un pot-pourri du cinéma de genre bourré de clichés. Dans combien d'actioners a-t-on déjà vu cette scène où un baron de la drogue pas content réunit deux de ses sous-fifres pour leur dire que quelqu'un l'a trahi, puis désigne l'un des deux sbires en lui disant que c'est lui le coupable, et aussitôt tue l'autre sbire, qui avait naïvement poussé un ouf de soulagement, en l'étouffant dans sa propre coke ? Est-ce la provenance sud-africaine du long-métrage qui oblige la seule Noire du film à mourir en se sacrifiant de la manière la plus idiote et inutile qui soit ? Toujours est-il que l'oeuvre s'avère très distrayante par son bourrinage, ses invraisemblances au kilo, la bonne humeur de ses participant(e)s et ses facilités scénaristiques. Quelques longueurs sont ceci dit à signaler mais rien de bien méchant au final. Suffisamment premier degré, se voulant même dramatique par moments, cette rocambolesque histoire est à voir comme un petit nanar à la lisière de la bonne série B.

 

Et quand la cavalerie arrive, il n'y a plus que des cadavres à compter, nos collégiennes ayant déjà fait tout le boulot.

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Edité par ILC dans un DVD zone 0 sous le titre Fair Trade, notre film est aussi disponible chez nos amis allemands sous le titre Fire on Fire : Das Frauencamp auf der Todesinsel. Ce disque, zone 0 lui aussi, contient les versions allemande et anglaise. Un autre DVD zone 0 de provenance grecque est trouvable sur le Net. Attention, au Canada et aux Etats-Unis, il vous faudra un lecteur multizone.

 

 

Pour voir le film en VF, vous devrez mettre la main sur une des vieilles VHS de CBS Fox (très rares).

 

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