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Time Tracers

(1ère publication de cette chronique : 2025)
Time Tracers

Titre original : Time Tracers

Titre(s) alternatif(s) : Time Trap, Time Chasers

Réalisateur(s) : Bret McCormick

Année : 1997

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h41

Genre : Retour vers le nanar

Acteurs principaux : Jeffrey Combs, Rocky Patterson, TJ Myers, Barri Murphy, Dorenda Moore, Tyler Mason

Jack Tillman
NOTE
2.5 / 5

 

Hill Valley, 1985.

– Doc ? Doooc ! Y'a personne ? Ah, tiens, un mot... "Je suis parti faire des courses dans les années 2020. Je reviens tout de suite. Doc."

Soudain, Marty entend trois grosses détonations suivies d'éclairs. Doc est de retour dans sa nouvelle DeLorean volante (le train à vapeur ne rentrait pas dans le garage).

– Marty ! Nom de Zeus ! Je viens de faire une découverte qui remet complètement en question l'équilibre de l'univers. Après avoir déposé Jules et Verne à l'école, je suis allé faire un saut jusqu'en 2025. Eh bien, tu ne me croiras pas si je te dis que dans quarante ans, les gens, et notamment les jeunes, seront de plus en plus nombreux à aimer les nanars !

– Les nanars ?

– Oui, les nanars, les mauvais films sympathiques, les cheezy flicks, les films "so bad it's good". Les inconscients se font des séances au cours desquelles ils regardent des mauvais films pour en rire, et ils le font aussi bien tout seul qu'en groupe lors de soirées pizzas/bières entre amis. Il y a même des projections de masse organisées qui attirent les foules ! Marty, je crois que l'Humanité court un grave danger. Songe au péril qui attend nos descendants si cette épidémie venait à se propager...

– Et vous dites qu'ils aiment regarder ces films ?! Moi, quand je tombe sur un navet, je retourne le rendre au gérant de mon vidéo-club et je prends un autre film en espérant pas ne tomber sur une autre daube, comme tout être humain normalement constitué, quoi.

– C'est là qu'est le vice ! Car les fous honnissent les navets, qu'ils considèrent comme ennuyeux et sans intérêt, mais ils adulent les nanars, car ce sont des films qui les font rire justement à cause de leur nullité. Ma théorie est que le phénomène repose sur une dégénérescence du cerveau provoquée par les tâches solaires et par les trous dans la couche d'ozone. Cette mutation poussera les malheureux vers une fascination malsaine pour la médiocrité qui ne pourra conduire qu'à la ruine de l'espèce humaine ! Marty, c'est l'avenir de l'humanité qui est en jeu ! Il faut qu'on fasse quelque chose pour nos enfants !

– Mais qu'est-ce qu'on peut faire, Doc ?

– La seule solution, j'en ai bien peur, est de nous dévouer pour tester l'antidote que je viens de créer et qui en est au stade expérimental. Pour cela, je nous ai pris le DVD – c'est un disque qui remplacera la VHS dans les années 2000 – d'un nanar pas trop violent, histoire de ne pas courir un trop grand risque. C'est un film à tout petit budget qui aborde un sujet que toi et moi connaissons bien : le voyage temporel. L'avenir de l'espèce humaine dépend de notre résistance à l'état d'hilarité qui s'empare naturellement de l'être humain à la vue du ridicule.

– D'accord, Doc, mais tout ça m'a l'air très risqué. Et puis que va dire Jennifer si elle apprend que je mate des films de merde comme un nerd boutonneux ? J'ai une vie sociale, moi !

– Une vie sociale ? Là où on va, on n'a pas besoin... de vie sociale !

 

– Et donc, c'est quoi déjà ce film qu'on va devoir se farcir ?

– "Time Tracers", aussi appelé "Time Trap", une série Z texane sortie en 1997 et réalisée par... un certain Bret McCormick...

– Qu'est-ce que vous faites, Doc ? C'est quoi ce truc que vous avez dans les mains ?

– C'est ce qu'on appelle une tablette. Dans le futur, tout le monde en possèdera une et sera scotché dessus toute la journée. Il me suffit de la sortir de ma poche et de faire une recherche sur Internet pour avoir instantanément toutes les infos que je souhaite. Par exemple, je peux te dire que Bret McCormick va commencer l'année prochaine sa carrière de tâcheron avec deux navets gores appelés "Abomination" et "Ozone", et qu'on lui devra dans les années 90 des titres comme "Repligator", "Bio-Tech Warrior", "Armed For Action" et "Cyberstalker". Il est aussi écrivain de romans horrifiques tels que "Headhunters From Outer Space" et "Skin Dreams".

– Ça doit valoir son pesant de cacahouètes, Doc.

– Quant à "Time Tracers", c'est une adaptation très libre et complètement officieuse de la nouvelle "Un Coup de Tonnerre" de Ray Bradbury, sans doute tournée pour profiter du succès d'un film appelé "Jurassic Park", ainsi que de la sortie d'un feuilleton appelé "Sliders : Les Mondes Parallèles" et de la reprise de la série "Star Trek" en 1995. Bref, on a affaire à une resucée fauchée d'oeuvres plus connues. Tu constateras donc l'insanité même du projet dès sa conception, chose récurrente dans le domaine du cinéma d'exploitation en général et du nanar en particulier. Ce qui ajoute encore à la nature douteuse d'un tel engouement pour les films médiocres.

– Et c'est un machin pareil qu'on est obligés de regarder ? C'est pas l'pied !

– Et si j'avais été un amateur de nanars, je t'aurais répondu : "Je mets les pieds où j'veux et c'est souvent dans la gueule !"

Notre héros, joué par Rocky Patterson, le médecin-légiste à deux de tension de "Carnage".

Sa coéquipière, jouée par la cascadeuse Dorenda Moore. Notre héroïne.

Le méchant, grand amateur de cols pelle à tarte.

Le journaliste, grand amateur de polos hideux.

Toute ressemblance ou similitude avec un film qui vient de casser la baraque au box-office et dont on annonce la suite pour cette année serait purement fortuite.

 

– Wouah ! la vache ! Mais c'est trop nul !

–  Bien sûr, Marty, c'est un nanar.

– Non mais à ce point ! Le son est presque inaudible et la photo est atroce, c'est d'une laideur à faire saigner les yeux.

– Oui, c'est un film tourné directement en vidéo avec un camescope bas de gamme.

– Les couleurs sont horribles ! Et ces transitions à base de fondus enchaînés et de fondus au noir moches... Vous êtes sûr qu'on n'est pas en train de regarder un porno, Doc ? Les comédiens jouent super mal et les dialogues sont nazes. Et j'ai jamais vu une poursuite en voiture aussi bordélique. On comprend que dalle à l'action vue la manière dont les plans sont montés. C'est vraiment la dèche. Et le héros a une de ces tronches... On dirait Biff Tannen avec une moustache.

Des comédiens charismatiques (dont un très vague lookalike maigrichon de Chuck Norris).

De l'action !

Et toujours cette éternelle manie de laisser trainer des cartons dans la rue pendant les poursuites des années 80-90.

 

– Eh ! mais celui-là, je le connais ! Je l'ai vu jouer dans une comédie d'horreur l'autre jour, ça s'appelait "Re-Animator".

– C'est Jeffrey Combs, Marty, le seul acteur un peu connu du casting. Dans les décennies qui vont venir, on le verra cachetonner dans d'impérissables chefs-d'oeuvre comme "Mutronics", "Sharkman", "Spoiler" et "Blackwater Valley Exorcism". Il sera presque systématiquement abonné, comme ici, au rôle de savant fou.

– Attendez, Doc, y'a un truc que je pige pas. Jeffrey Combs crée une machine à voyager dans le temps pour le compte du méchant milliardaire chauve, c'est bien ça ? Mais pourquoi le méchant milliardaire envoie-t-il son homme de main kidnapper une jeune fille sous la douche ? Et que faisaient le héros et sa copine détectives privés en planque devant la maison de la jeune fille ? Et comment se fait-il que la jeune fille devienne l'assistante de Jeffrey Combs dans la scène suivante ? Et pourquoi le méchant recrute-t-il les deux détectives privés, un reporter, deux paléontologues et une bimbo blonde idiote pour faire partie de son expédition, et voyager dans le passé avec lui et son homme de main ?

– Les incohérences et la confusion scénaristique sont courantes dans un nanar, Marty. Écrire un bon scénario qui tient la route prend du temps et quand on ne dispose que de quelques jours pour tourner un film, pas facile de faire des miracles. [NDLR : ça demande aussi un minimum de talent !]

Un laboratoire high-tech financé à hauteur de plusieurs milliards de dollars.

 

– Dites, Doc, il est vachement raide ce cascadeur !

– C'est un mannequin en mousse, Marty. Ça aussi, c'est très courant dans les nanars.

– Oh la la, qu'est-ce que c'est que cet effet spécial ? Les téléportations des premiers "Star Trek" dans les années 60 étaient mieux faites que ça. Vous êtes sûr que ce truc a été filmé dans le futur ?

– Ce sont des images de synthèse, aussi appelées CGI, des effets spéciaux faits par ordinateur. Tous les films de science fiction du futur en feront une grande consommation.

– Et c'est ça l'avenir des effets spéciaux ? Ben, ça promet !

Une téléportation spatio-temporelle moche.

Avec en prime un petit message bien sudiste sur les méchants capitalistes de New York et de Boston voulant saigner à blanc les petits paysans du Vieux Sud (ben oui, c'est un film texan...).

 

– Tiens, la guerre de Sécession fait un poil plus réaliste que le reste. Mais on dirait plus un de ces groupes de passionnés costumés qui reconstituent les grandes batailles dans la campagne devant un public de touristes ou d'écoliers qu'un vrai affrontement entre soldats sudistes et nordistes.

– C'est exactement ça, Marty. Bret McCormick a réussi à embaucher le "Anderson Batterie", une troupe texane, avec ses canons, ses chevaux, ses armes et ses uniformes d'époque. Ça donne un peu l'impression de regarder des images filmées au camescope familial par un spectateur assistant à l'une de leurs représentations.

– Le réalisateur a quand même réussi à louer un train à vapeur d'époque. Mais la réalisation évoque beaucoup plus un film amateur qu'un film de cinéma. Et le reporter venu du futur avec son collant de Bioman qui filme Sudistes et Yankees sans se faire remarquer ni se prendre une balle perdue... Il réussit même à réaliser une interview d'un général confédéré les doigts dans le nez, c'est quand même un peu n'importe quoi ! Tiens, lui aussi rend hommage à Clint Eastwood.

– Cette citation de "L'inspecteur Harry" semble bien être un gag volontaire. Pour changer des gags involontaires du reste du film, sans doute...

Chapeau pour le rayon laser qui change de couleur d'un plan sur l'autre quand même.

Il y en a même un qui se fait doubler par Max Thayer, merde quoi, la classe !

 

– Ah ouais, mais là c'est vraiment plus possible, Doc. J'ai bien compris que le film avait l'excuse d'être très fauché, mais pour un film du futur, il a vingt ans de retard sur ce qui se fait de nos jours. Avec la partie se déroulant au Jurassique, nos voyageurs du temps dans leurs costumes débiles battent tous les records de ridicule. On dirait des enfants qui jouent à Flash Gordon dans la campagne avec leurs armes lasers jouets. Et pourquoi les plans avec les dinosaures sont flous avec un grain d'image pas du tout raccord avec le reste ?

– Ce sont des stock-shots, Marty, des scènes volées à un autre film plus ancien et incorporées dans le métrage. En l'occurrence, ce sont des plans provenant d'un nanar des années 70 appelé "La Planète des Dinosaures".

– Un nanar qui recycle un autre nanar ! Ça fait un peu pervers comme concept. En tout cas, ça pique les yeux. Et d'un plan à l'autre, la fille n'a plus la même couleur de cheveux et sa robe passe du gris pale au bleu azur. Et c'est donc pour être un minimum raccord avec les stock-shots que les héros sont habillés avec ces fringues d'aventuriers de l'espace ringards ?

– Cette musique faite au synthétiseur est vraiment atroce pour les oreilles, Marty. Je sens que je vais craquer devant tant de médiocrité.

– Tenez bon, Doc.

Une technologie de pointe...

... au service d'une équipe de choc.

DinoMan dans toute sa splendeur (le costume est recyclé du film Repligator (1996), du même réalisateur).

 

– Nom de Zeeeeuuuus !

– HA HA HA !

– Marty, si tu commences à rire, tu risques d'être contaminé à ton tour par la nanaropathie. Tu dois résister !

– Désolé, Doc. Mais admettez que cet homme dans un costume de dinosaure qui fait des plis est complètement grotesque. Cette fois, c'est en dessous de tout. Vous êtes vraiment sûr que c'est pas un boulard dont on aurait enlevé les scènes de fesses ? On s'attend franchement à une scène chaude et scabreuse entre DinoMan et la bimbo blonde à gros nichons du film.

– Pour des questions d'économies, Bret McCormick s'est en fait contenté de recycler le costume d'un de ses films précédents, "Repligator". J'avoue que même dans un film aussi Z, l'apparition de ce chaînon manquant entre l'homme et le dinosaure est une horreur visuelle assez inattendue.

– Et ce stock-shot granuleux de dinosaure à cornes qui se met à poursuivre le méchant milliardaire en courant en accéléré, moi j'trouve ça marrant.

– C'est en effet une séquence assez grand-guignolesque...

– D'ailleurs, pourquoi le méchant se sacrifie pour sauver l'héroïne, lui qui était si méchant jusque-là ?

– De toute façon, son comportement tout au long du dernier tiers n'a aucun sens. Et son homme de main, qui assassinait jusqu'ici les gens sans broncher, devient subitement gentil.

Retrouvez la scène originale parmi les extraits vidéos du site.

Un alien ex machina.

Le coût de la guerre contre les Klingons a grevé le budget de l'Enterprise.

 

– Hpfm... hi hi hi !

– Ah, vous voyez, Doc, vous aussi vous vous y mettez.

– Hem, c'était nerveux. C'est juste la débilité de cette conclusion qui m'a occasionné un instant de faiblesse. Cet extraterrestre sorti de nulle part qui vient jouer les deus ex machina pour sauver nos héros prisonniers en plein paradoxe spatio-temporel, au moyen d'une pirouette prétexte à caser d'autres stock-shots de vaisseaux spatiaux de "La Planète des Dinosaures", c'est quand même très drôle. Quant à l'intérieur du vaisseau, c'est à faire passer "Les Cochons Dans l'Espace" pour les décors de "L'Empire Contre-Attaque". Vraiment, quelle indigence ! Et Jeffrey Combs qui disparaît du film en plein milieu parce qu'il avait terminé son unique journée de tournage...

– Et d'ailleurs, on se demande bien pourquoi les héros se sont acharnés à tuer le T-Rex jusqu'à aller le traquer dans sa grotte, au risque de créer un paradoxe, alors qu'ils pouvaient regagner leur époque n'importe quand.

– Apparemment, le scénariste Ted Newsom écrivait des scénarios de pornos avant de travailler sur des films comme "Time Tracers". Ça explique peut-être son sens de la cohérence si rigoureux...

– Ben finalement, Doc, on a passé un bon moment devant ce film. C'était même marrant, à certains moments on se serait cru devant une parodie. N'empêche, avec un vrai budget et un meilleur casting, y'avait sans doute moyen d'en tirer un film correct.

– Oui, Marty, je suis au regret de constater que mon antidote est un échec. Le virus du nanar ne nous a pas épargnés. Bon ! que dirais-tu si on s'en refaisait un autre ? J'ai ramené du futur un sac plein de merveilles navrantes. Qu'est-ce que tu préfères ? J'ai "White Fire", "Space Mutiny", "Robo Vampire", "Birdemic : Shock and Terror"...

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Dans son catalogue VOD, Prime Video propose Time Tracers parmi d'innombrables daubes du même acabit. L'offre VOD n'ayant rien de péreine, sachez qu'il est également sorti en DVD aux USA dans une édition "collector" à tirage très limité, sous le titre Time Trap. Pas facile à dénicher. La VHS américaine parue en 1997 chez "Mti Home Video" est aussi devenue très rare.

Le repackaging d'Amazon Prime, qui fait subir au film un gros lifting pour tenter de camoufler son indigence cacochyme.

Le DVD américain, apparemment édité par Bret McCormick lui-même.

Attention à ne pas le confondre avec un autre Time Trap de 2017 réalisé par Mark Dennis et Ben Foster.