Drugsploitation (ou Drug Scare Exploitation)
Terme désignant une catégorie de films d'exploitation (dans la définition sensationnaliste du terme) ayant pour sujet la drogue. Historiquement, le premier film américain à aborder la question des stupéfiants est « Opium Joint », en 1894, mais une des premières œuvres relativement connues à oeuvrer dans ce registre est le mythique « High on the Range » alias « Notch Number One » (1924), film muet en noir et blanc dépeignant les ravages causés par la marijuana sur de braves et honnêtes cow-boys américains. On y trouve des répliques aussi savoureuses que "There’s too much marijuana smoking on this ranch and I’m going to stop it !"...
Le genre se développa très substantiellement dans les années 30 avec des films comme « Stupéfiants » (1932), « Narcotic » (1933), « Majihuana : Weed With Roots in Hell » (1935), « Assassin of Youth » (1937) et surtout ce qui allait devenir la référence du genre, « The Reefer Madness » alias « The Burning Question » alias « Tell Your Children » (1936, et qui a fait l’objet d’un remake en 2005 sous forme de comédie musicale déjantée). Bien qu’elle demeura inédite, l’existence d’une œuvre comme « Comtesse Hachisch » témoigne que la France ne fut pas épargnée par cette vague de films qui entendait, situations dramatiques à l’appui, mettre en garde la pimpante jeunesse américaine et leurs parents contre les dangers de la drogue.
Pour comprendre l’apparition aussi soudaine que massive de ces films, il suffit de se pencher un peu sur la politique du gouvernement américain en matière de stupéfiants, le cinéma étant comme toujours le reflet d’une société :
1909 : The Opium Exclusion Act (qui interdit l’importation et la consommation de l’opium).
1914 : The Harrison Narcotics Act.
1919 : The Volstead Act (qui rend illégal la drogue et l’alcool, marquant le début de la prohibition).
1931 : 46 des 48 Etats qui forment alors les Etats-Unis d’Amérique proscrivent la marijuana.
1932 : Création du Federal Bureau of Narcotics.
A noter que derrière l'indignation vertueuse et la rectitude morale affichées, les films de Drug Scare Exploitation constituaient souvent un bon prétexte pour montrer à l'écran des scènes de violence et de nudité normalement prohibées par le code de censure. Ainsi, lorsque Dwain Esper rachète le moyen métrage anti-marijuana « Tell your Children », réalisé par le Français Louis Gasnier pour un lobby catholique de Los Angeles, il le complète par des séquences de bagarre et de striptease avant de l'exploiter sous le titre de « Reefer Madness ». De la violence et du cul, oui, mais quand c’était pour la bonne cause, on pouvait semble t-il aller au-delà de ce qu'Hollywood tolérait alors !
Au fil du temps et du changement des mœurs, le genre a fatalement évolué : là où les films fondateurs du genre évoquaient essentiellement les dangers du haschich et de la marijuana de façon hyper dramatique et, disons-le, assez peu objective (on apprend ainsi dans « The Reefer Madness » que tirer 3 lattes sur un joint peut rendre fou et pousser au meurtre et au suicide), on a progressivement vu des œuvres évoquer un panel de drogues de plus en plus large et de façon de moins en moins partiale. Pendant des années et des années, le traitement alarmiste (pour ne pas dire paranoïaque et mythomane) de la consommation de drogue reste malgré tout de mise.
Découverte en 1898 par un scientifique allemand qui la prescrivait alors comme médicament contre la toux, on ignora pendant longtemps les propriétés hautement addictives de l’héroïne (qu’on utilisait d’ailleurs pour guérir l’addiction à la morphine !). Dans les années 50 cependant, les dangers de l’héroïne étaient bel et bien connus et donnèrent matière à quelques films, tels « The Narcotic Story » (1958) ou « One-Way Ticket To Hell » (1952). A noter que ce dernier mettait en fait son public en garde contre toute une série de menaces allant indistinctement de l’héroïne à la marijuana en passant par les adolescents, les motos et les « méchants étrangers ».
Ces avatars constituent cependant les derniers soubresauts d’une « Drug Scare Exploitation » pure et dure en voie d’extinction. Face au traitement de plus en plus objectif de Hollywood sur la question des stupéfiants, de tels films apparaissent en effet profondément caricaturaux. En 1955, Otto Preminger réalise « L’Homme au bras d’Or ». Influencé par le néo-réalisme italien, le réalisateur y aborde la question de l’addiction à la drogue de façon ouverte et réaliste, évitant les écueils sensationnalistes des productions passées. Le projet n’ayant pas reçu l’aval du "Production Code Office" (aussi appelé "Breen Office", et chargé de faire appliquer le "Production Code" ou "Hays Code" : un organisme de censure officieux mis en place au sein des studios à partir des années 30 sous la pression de groupes religieux, qui avait pour fonction d’examiner les scenarii et, le cas échéant, de réclamer des retouches, sous peine de ne pas apposer son label d’approbation), Otto Preminger dû tourner le film avec ses propres fonds. Le succès de « L’Homme au bras d’Or » entraîna une protestation massive contre le "Production Code Office", qui fut sommé sous la pression d'amender le "Hays Code", ce qu’il fit la même année en autorisant désormais les films à évoquer l’addiction à la drogue, la prostitution et l’enfantement, à condition cependant de le faire dans les limites de la bienséance.
Autre époque, autres mœurs : les années 60 voient l’avènement du mouvement hippie, et avec lui l’utilisation de plus en plus massive et décomplexée de psychotropes. Hier farouchement hostile, l’industrie cinématographique évolue peu à peu vers plus d'impartialité, voire plus de complaisance dans le traitement de ces drogues nouvelles qui font fureur chez les jeunes. Citons par exemple « Hallucination Generation » (1966), « LSD Flesh of Devil » (1967), « The Weird World of LSD » (1967) ou « The Acid Eaters » (1968), fers de lance des films de drugsploitation psychédéliques 60’s. Otto Preminger remettra d’ailleurs lui-même le couvert avec « Skidoo », film complètement barré sur le LSD sorti en 1968, année où fut définitivement enterré le "Hays Code".
Le genre perdure aujourd’hui de façon plus complexe et plus éclatée, produisant encore quelques singuliers nanars (le « Overdose » de Jean-Marie Pallardy) et, phénomène nouveau, d’authentiques chefs-d’œuvre (« Trainspotting », « Requiem for a Dream », « Las Vegas Parano »). Exploité par les producteurs de grosses comédies à destination des djeun’s, le créneau subsiste essentiellement sous forme de stoner movies (« films de défoncés »), dérivé ultra complaisant en forme de clin d’œil bien gras au public de teenagers (la série des « Cheech & Chong », « Eh Mec ! Elle est où Ma Caisse ? », « Harold et Kumar chassent le burger », « La Beuze »), parfois mâtiné d’horreur potache (« La Main qui Tue », « La Nuit des Losers Vivants », « Evil Bong »).
Un petit article sur le genre, écrit à l’occasion de la ressortie en DVD de « The Reefer Madness », « Majihuana » et « Assassin of Youth » chez Bac Vidéo.
Un site en anglais sur le genre.
Un mini article d'Arté en français sur le genre.
Le genre se développa très substantiellement dans les années 30 avec des films comme « Stupéfiants » (1932), « Narcotic » (1933), « Majihuana : Weed With Roots in Hell » (1935), « Assassin of Youth » (1937) et surtout ce qui allait devenir la référence du genre, « The Reefer Madness » alias « The Burning Question » alias « Tell Your Children » (1936, et qui a fait l’objet d’un remake en 2005 sous forme de comédie musicale déjantée). Bien qu’elle demeura inédite, l’existence d’une œuvre comme « Comtesse Hachisch » témoigne que la France ne fut pas épargnée par cette vague de films qui entendait, situations dramatiques à l’appui, mettre en garde la pimpante jeunesse américaine et leurs parents contre les dangers de la drogue.
Pour comprendre l’apparition aussi soudaine que massive de ces films, il suffit de se pencher un peu sur la politique du gouvernement américain en matière de stupéfiants, le cinéma étant comme toujours le reflet d’une société :
A noter que derrière l'indignation vertueuse et la rectitude morale affichées, les films de Drug Scare Exploitation constituaient souvent un bon prétexte pour montrer à l'écran des scènes de violence et de nudité normalement prohibées par le code de censure. Ainsi, lorsque Dwain Esper rachète le moyen métrage anti-marijuana « Tell your Children », réalisé par le Français Louis Gasnier pour un lobby catholique de Los Angeles, il le complète par des séquences de bagarre et de striptease avant de l'exploiter sous le titre de « Reefer Madness ». De la violence et du cul, oui, mais quand c’était pour la bonne cause, on pouvait semble t-il aller au-delà de ce qu'Hollywood tolérait alors !
Au fil du temps et du changement des mœurs, le genre a fatalement évolué : là où les films fondateurs du genre évoquaient essentiellement les dangers du haschich et de la marijuana de façon hyper dramatique et, disons-le, assez peu objective (on apprend ainsi dans « The Reefer Madness » que tirer 3 lattes sur un joint peut rendre fou et pousser au meurtre et au suicide), on a progressivement vu des œuvres évoquer un panel de drogues de plus en plus large et de façon de moins en moins partiale. Pendant des années et des années, le traitement alarmiste (pour ne pas dire paranoïaque et mythomane) de la consommation de drogue reste malgré tout de mise.
Découverte en 1898 par un scientifique allemand qui la prescrivait alors comme médicament contre la toux, on ignora pendant longtemps les propriétés hautement addictives de l’héroïne (qu’on utilisait d’ailleurs pour guérir l’addiction à la morphine !). Dans les années 50 cependant, les dangers de l’héroïne étaient bel et bien connus et donnèrent matière à quelques films, tels « The Narcotic Story » (1958) ou « One-Way Ticket To Hell » (1952). A noter que ce dernier mettait en fait son public en garde contre toute une série de menaces allant indistinctement de l’héroïne à la marijuana en passant par les adolescents, les motos et les « méchants étrangers ».
Ces avatars constituent cependant les derniers soubresauts d’une « Drug Scare Exploitation » pure et dure en voie d’extinction. Face au traitement de plus en plus objectif de Hollywood sur la question des stupéfiants, de tels films apparaissent en effet profondément caricaturaux. En 1955, Otto Preminger réalise « L’Homme au bras d’Or ». Influencé par le néo-réalisme italien, le réalisateur y aborde la question de l’addiction à la drogue de façon ouverte et réaliste, évitant les écueils sensationnalistes des productions passées. Le projet n’ayant pas reçu l’aval du "Production Code Office" (aussi appelé "Breen Office", et chargé de faire appliquer le "Production Code" ou "Hays Code" : un organisme de censure officieux mis en place au sein des studios à partir des années 30 sous la pression de groupes religieux, qui avait pour fonction d’examiner les scenarii et, le cas échéant, de réclamer des retouches, sous peine de ne pas apposer son label d’approbation), Otto Preminger dû tourner le film avec ses propres fonds. Le succès de « L’Homme au bras d’Or » entraîna une protestation massive contre le "Production Code Office", qui fut sommé sous la pression d'amender le "Hays Code", ce qu’il fit la même année en autorisant désormais les films à évoquer l’addiction à la drogue, la prostitution et l’enfantement, à condition cependant de le faire dans les limites de la bienséance.
Autre époque, autres mœurs : les années 60 voient l’avènement du mouvement hippie, et avec lui l’utilisation de plus en plus massive et décomplexée de psychotropes. Hier farouchement hostile, l’industrie cinématographique évolue peu à peu vers plus d'impartialité, voire plus de complaisance dans le traitement de ces drogues nouvelles qui font fureur chez les jeunes. Citons par exemple « Hallucination Generation » (1966), « LSD Flesh of Devil » (1967), « The Weird World of LSD » (1967) ou « The Acid Eaters » (1968), fers de lance des films de drugsploitation psychédéliques 60’s. Otto Preminger remettra d’ailleurs lui-même le couvert avec « Skidoo », film complètement barré sur le LSD sorti en 1968, année où fut définitivement enterré le "Hays Code".
Le genre perdure aujourd’hui de façon plus complexe et plus éclatée, produisant encore quelques singuliers nanars (le « Overdose » de Jean-Marie Pallardy) et, phénomène nouveau, d’authentiques chefs-d’œuvre (« Trainspotting », « Requiem for a Dream », « Las Vegas Parano »). Exploité par les producteurs de grosses comédies à destination des djeun’s, le créneau subsiste essentiellement sous forme de stoner movies (« films de défoncés »), dérivé ultra complaisant en forme de clin d’œil bien gras au public de teenagers (la série des « Cheech & Chong », « Eh Mec ! Elle est où Ma Caisse ? », « Harold et Kumar chassent le burger », « La Beuze »), parfois mâtiné d’horreur potache (« La Main qui Tue », « La Nuit des Losers Vivants », « Evil Bong »).
Un documentaire canadien de 1999 réalisé par Ron Mann, qui analyse de façon rigolarde et partisane la politique du gouvernement américain en matière de répression de la consommation de cannabis. L’intérêt de ce film réside essentiellement dans le grand nombre d’images d’archives, films institutionnels et métrages de drugsploitation qu’il contient.
Un petit article sur le genre, écrit à l’occasion de la ressortie en DVD de « The Reefer Madness », « Majihuana » et « Assassin of Youth » chez Bac Vidéo.
Un site en anglais sur le genre.
Un mini article d'Arté en français sur le genre.