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Le glossaire du Pr. Ryback

Y comme …

Travestis




Mouahaha, on va bien s'marrer !


Dans le registre comique, les travestis nanars constituent une catégorie souvent proche mais néanmoins distincte des homosexuels nanars, et indiscutablement plus fournie. A l'instar des chutes sur une peau de banane ou des tartes à la crème lancées en pleine figure, les hommes se déguisant en femmes semblent en effet constituer un des summums les plus récurrents de ce qu'on appelle pudiquement "l'humour populaire".


Buster Keaton dans "Buster s'en va-t'en guerre" (1930).


Jean Parédès et Jacques Morel dans "Après vous, duchesse" (1954).


Fernandel dans "À Paris tous les deux" (1958).


Jerry Lewis.


Ed Wood, travesti hors catégorie dans "Glen or Glenda" (1953).


Les plus grands ont sacrifié à ce genre de gag prisé du grand public : Buster Keaton, Charlie Chaplin, Laurel & Hardy, Louis de Funès, Fernandel, Jerry Lewis, Benny Hill, Coluche etc. Puisque nous sommes sur Nanarland, il est important de le dire sans ambiguité : non, mille fois non, "comédie + travesti" n'est pas forcément synonyme de gros nanar qui tache. Citons pour la forme des comédies comme "L'aile ou la cuisse" (1976), "Le Père Noël est une ordure" (1982), "Tootsie" (1982) ou "Madame Doubtfire" (1993), qu'il ne nous viendrait pas à l'idée de ranger dans cette catégorie.


Charlie Chaplin dans "Mam'zelle Charlot" (1915).


Louis de Funès travesti dans "L'Aile ou la cuisse" (1976)…


…et dans "Le Gendarme et les gendarmettes" (1982).


Christian Clavier est Katia dans "Le Père Noël est une ordure" (1980).


Dustin Hoffman dans "Tootsie" (1982).


Robin Williams taquine le ballon dans "Madame Doubtfire" (1993).


A l’œuvre dans d'innombrables comédies pas très finaudes, les hommes travestis représentent néanmoins une source inépuisable – mais souvent épuisante – de gags et de quiproquos, généralement assénés avec la légèreté et la délicatesse d'un cachalot ivre de mazout, s'échouant sur une plage en y écrabouillant ce frêle petit parasol qu'on appelle "le bon goût". Dans le domaine de la comédie, ce qui distingue finalement le bon travesti du travesti nanar tient essentiellement à la qualité des gags et de l'interprétation. Même si la subjectivité fait loi, disons que le travesti nanar est d'une façon générale plus grotesque que vraiment drôle, son interprète en fait des tonnes – en prenant par exemple une voix de fausset et en affectant de façon presque embarrassante une attitude supposée féminine – et les gags induits par son travestissement sont poussifs et d'une extrême balourdise.


Sim multiplie les travestissements dans "Drôles de zèbres" (1977), reprenant notamment le personnage de la Baronne de la Tronchembiais, qu'il interpréta de nombreuses fois au cabaret.


Alvaro Vitali, habitué à toutes les avanies, travesti pour les besoins d'une enquête dans "La flic à la police des moeurs" (1979).


Paul Préboist, rompu à l'exercice délicat du travestissement dans les émissions de Patrick Sébastien, et archétype du travesti nanar dans "Mon Curé Chez les Nudistes" (1982).

Philippe Chevallier...

...et Régis Laspalès, travestis dans ce summun d'humour subtil qu'est "Ma femme... s'appelle Maurice" (2002).



"He's my girl" (1987), une comédie américaine avec dans le premier rôle… David Hallyday !


Le fait que les gags tournant autour du concept d'un homme déguisé en femme soient assez limités fait qu'on retrouve très souvent les mêmes idées d'un film à un autre (ainsi, la scène où le travesti se "trompe" de toilettes, ou celle où il est surpris en train d'uriner debout, restent des classiques impérissables). D'où une impression tenace de "déjà-vu", et surtout de "déjà-vu en mieux". Si certains gags mis en scène dans les années 50 ou 60 peuvent aujourd'hui susciter l'indulgence, ce n'est pas le cas des films dans lesquels on retrouvait ces mêmes gags 30 ans plus tard, alors qu'ils étaient déjà usés jusqu'à la corde.


Un travesti navrant dans le navet "On se calme et on boit frais à Saint-Tropez" (1987), mis en boîte par "le roi de l'humour pas drôle" Max Pécas.


Patrick Timsit dans "Pédale Douce" (1996), sorte de relecture pas franchement réussie de "La cage aux folles" (1978).


Parfois, le travesti nanar apparaît inopinément, au beau milieu de films dans lesquels on ne s'attendait pas vraiment à le trouver. C'est le cas par exemple dans "Le Blanc, le Jaune et le Noir" (1975), western parodique dans lequel se compromet Eli Wallach (Tuco dans "Le Bon, la Brute et le Truand"). L'acteur y joue un shérif intègre et ombrageux qui, par un grossier concours de circonstances, se retrouve à devoir danser le French cancan en travesti. Un peu triste pour ceux qui l'ont découvert dans le film de Sergio Leone quand même !



 
Un jeune breaker / livreur de pizza, travesti le temps d'un bon gros quiproquo dans "Breakdance Party" (1984).


Précisons qu'à l'instar de l'homosexuel nanar, la nature du travesti nanar ne doit souffrir d'aucune ambiguïté, du moins dans les grosses comédies populaires. En clair : le public sait d'emblée qu'il s'agit d'un homme déguisé – généralement un des personnages principaux travesti le temps d'une scène "cocasse" – mais les autres personnages du film ne s'en rendent pas compte. D'où la naissance de quiproquos, dont le grand classique veut que le travesti se fasse draguer contre toute attente par un personnage tombant follement amoureux de lui.


Dans "La Championne du collège" (1979), Lino Banfi se déguise en masseuse pour pouvoir tripoter la jolie Nadia Cassini... mais se retrouve malgré lui à devoir masser Renzo Montagnani, en proie à une crise de lubricité aiguë (il réclame un "massage de la clarinette").


De cette absence d’ambiguïté découle une autre règle d'or commune aux grosses comédies : moins un homme est féminin, plus son travestissement est censé être drôle. La vieille ficelle scénaristique qui veut qu'un homme viril, bourru, musclé, macho etc. se retrouve dans une situation typiquement féminine (ex : Arnold Schwarzenegger enceinte dans "Junior", Mel Gibson dans "Ce que veulent les femmes" etc.) trouve ainsi dans le travestissement son paroxysme humoristique le plus foudroyant, que dis-je, son apogée comique la plus zénithale !

Arnold Schwarzenegger dans "Junior" (1994).


Sean Connery, le travesti le moins féminin du cinéma dans "Zardoz" (1974), un film qui n'est pas une comédie mais une vraie curiosité, et qui annonçait déjà le thème devenu à la mode de la "dévirilisation" de nos sociétés post-modernes.


Les travestis nanars sont évidemment archi-présents dans les comédies françaises, italiennes, mais aussi en Inde, à Hong Kong ou aux Etats-Unis, bref partout où l'on produit de l'humour fin et raffiné pour un public exigeant. Les travestis font rire dans le monde entier. Du moins ils essaient…


Un spécimen chinois dans "Twinkle Twinkle Little Star" (1983).


Jackie Chan et Eric Tsang dans "Supercop 2" alias "Project S" (1993).


Fung Woo en inspecteur qui donne de sa personne dans "Thunder Cops" (1989).


Un spécimen indien dans "Alluda Majaka" (1995).


Aussi ringards soient-ils, les travestis nanars semblent avoir encore de beaux jours devant eux. Pour s'en convaincre, il suffit de se pencher sur certains des films sortis ces dernières années comme les vénéneux "Chouchou" (2003) et "Pédale dure" (2004) en France, et les nombreux titres qui ont fleuri aux Etats-Unis tels que "Sorority Boys" (2002), "Girls Will Be Girls" (2003), "FBI : Fausses Blondes Infiltrées" (2004), "Norbit" (2007), la trilogie des "Big Mamma" (2000 – 2006 – 2011) ou encore le redoutable "Jack et Julie" (2011). En matière d'humour, les goûts du public sont décidément impénétrables…


Gad Elmaleh ne rit pas. Gad Elmaleh ne fait pas rire. Gad Elmaleh est "Chouchou" (2003).


Martin Lawrence verse dans un humour d'une insoutenable légèreté dans "Big Mamma 2" (2006).


A noter quand même une petite évolution récente dans l'exploitation de la figure comique du travesti au cinéma : on voit de plus en plus d'acteurs masculins travestis qui incarnent de vraies femmes, et non plus des personnages d'hommes déguisés en femmes. Certes, sur la scène et à la télévision ce n'est pas bien nouveau. Les fantabuleux Monty Python par exemple, ou l'époustouflant trio des Inconnus, ont maintes fois incarné des personnages féminins – que ce soit, pour les Inconnus, Didier Bourdon dans le rôle de la caissière Véronique, Pascal Légitimus dans celui de Marie-Thérèse, l’infirmière indolente de l’hôpital public, ou encore Bernard Campan en Marquise De Merteuil dans "Les Liaisons Vachement Dangereuses".


Mais au cinéma, c'est pourtant beaucoup plus rare, et Eddie Murphy fait un peu figure de précurseur dans le genre. L'acteur, qui s'est depuis longtemps amusé à incarner plusieurs personnages dans un même film (citons "Un prince à New York" en 1988 ou "Un vampire à Brooklyn" en 1995), incarne ainsi toute une galerie de rôles dans "Le professeur foldingue" (1996) et "La famille foldingue" (2000), dont les figures féminines de Maman Klump et Mamie Klump. De même, il joue trois personnages dans "Norbit" (2007), dont celui de la peu délicate Rasputia. La même année, John Travolta campe le personnage féminin d'Edna Turnblad dans "Hairspray", et un peu plus tard Adam Sandler va jouer les jumeaux "Jack et Julie" avec une douloureuse absence de finesse. Ne soyons pas dupes : cette évolution n'en est pas une. En effet, que ce soient avec les sketches des Inconnus ou les films pré-cités, on reste dans le registre de l'humour, et le ressort comique reste le même que pour les personnages d'hommes travestis. En gros, que ce soit un comédien qui joue un homme déguisé en femme, ou un comédien qui joue une femme, au final le public voit la même chose : un homme déguisé en femme. La différence est ténue et l'humour gras ne semble pas s'embarrasser de ce genre de subtilités.


Avec Eddie Murphy & Eddie Murphy & plein de gags pas hyper drôles.


John Travolta dans Hairspray (2007).


Adam Sandler se compromet sans rémission possible dans le très neuro-toxique "Jack et Julie" (2011).


Un mot enfin sur les grandes absentes de cet article : les femmes travesties en hommes. Il faut souligner ce paradoxe troublant sur lequel devront se pencher les générations futures : si les hommes travestis en femmes font rire, les femmes travesties en hommes, elles, appartiennent essentiellement au registre dramatique (de même que les homosexuels nanars pullulent dans le cinéma comique, alors que les homosexuelles… beaucoup moins).


Glenn Close dans "Albert Nobbs".


On s'éloigne ainsi du registre de Nanarland en évoquant des rôles "oscarisables" comme ceux de Barbra Streisand dans "Yentl" (1983), de Tilda Swinton dans "Orlando" (1992), de Gwyneth Paltrow dans "Shakespeare in Love" (1998), de Cate Blanchett en incarnation de Bob Dylan dans "I'm not there" (2007), ou encore de Glenn Close dans "Albert Nobbs" (2011). Petite exception notable avec Julie Andrews dans "Victor/Victoria" (1982), et plus récemment avec "She's the Man" (2006), où le travestissement d'Amanda Bynes en homme est bel et bien exploité de façon comique, mais dans le domaine du nanar pur jus on reste encore à des galaxies de la parité.


Mariah Carey déguisée en homme, bizarrement, c'est moins drôle que Paul Préboist déguisée en femme. Enfin quoique…