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Le glossaire du Pr. Ryback

Y comme …

Covidsploitation



Pendant deux ans, de 2020 à 2022, le monde s'est débattu avec le COVID-19. 

Si entre masques et confinements tout s'est retrouvé à l'arrêt, l'industrie du cinéma d'exploitation a su faire preuve de résilience et n'a pas chômé pour autant. Ce n'est quand même pas un simple virus qui pourrait décemment empêcher nos chers producteurs avides de coups marketing et de publicité gratuite de surfer en opportunistes sur la moindre occase, afin de gratter quelques dollars et fourguer des films faciles à la pelle...

Voici une petite balade autour d'un genre qu'on appelera par commodité la COVIDSPLOITATION ! Des films sortis en plein coeur de l'épidémie et qui ne se cachent pas d'utiliser le Covid-19 et ses conséquences comme principal argument de vente, quitte à renommer en urgence un projet déjà existant pour profiter de l'aubaine.

En cliquant sur leurs titres en gras vous aurez accès à leur bande-annonce pour vous faire une idée du désastre.

Même si ce droit d'inventaire va être assez large, il ne va pas s'agir de chercher à être exhaustifs mais plutôt de se concentrer sur les plus ouvertement crapuleux. De nombreux films développent astucieusement le thème de la pandémie ou du confinement comme un vrai ressort dramatique, comme l'ultra violent film d'horreur taïwanais "The Sadness" qui a fait sensation à Gerardmer. D'autres ont vu leur tournage modifié pour intégrer narrativement l'épidémie dans le récit, comme la production Netflix "Malcolm and Marie". De plus il y a fort à parier que dans les années à venir, de nombreuses productions vont revenir sur ces deux années difficiles, avec le recul et la réflexion qui s'imposent.

Cette notice fera évidemment l'impasse sur les respectables documentaires évoquant le travail du personnel soignant ou les conséquences économiques ou sociétales de l'épidémie. Comme passeront à la trappe les délires complotistes façon "Hold-up" ou "Mal traités", parce que cela serait leur donner trop d'importance et que Nanarland est un site à vocation cinéphiliquo-humoristique, pas une poubelle.

Tout au plus évoquera t-on le très propagandiste et Qanoniste "Donald Trump The Chosen" de Wilfrefo Torres Jr, chroniqué sur le site et sorti au moment de l'élection américaine de 2020, qui utilise rapidement des références à l'épidémie pour renforcer la paranoïa ambiante, et n'oublie pas de souhaiter un prompt rétablissement à Donald et Melania quand ils ont eux-mêmes attrapé le virus.

"God bless you Mister President !"

Expédions vite le plus connu d'entre eux, le très médiocre "Songbird" d'Adam Mason, chaperonné par Michael Bay et sorti sur Amazon Prime début 2021, qui imagine un monde reclu sous loi martiale après une mutation du virus en 2023. Ayant claironné dans sa promotion que le film a été tourné en plein confinement en respectant les règles sanitaires, nous ne pouvons que vous conseiller de continuer à les appliquer en vous en tenant éloigné le plus possible.

Ce n'était pas le premier : pour mieux surfer sur l’actualité, le margoulin Charles Band dégaine en urgence dès avril 2020 son rigolard "Corona Zombies", composé de morceaux de "Virus Cannibale" (oui le film de Bruno Mattei déjà lui même composé de plein de scènes piquées dans d'autres films) et de l'assez pathétique "Zombies vs Strippers" de 2012, le tout redoublé et lié par quelques nouvelles scènes tournées à l’arrache. Autant vous dire que le résultat à l'écran ne tient pas un seul moment les promesses de son affiche.

 

Dans le même temps, parmi les premiers à exploiter le filon, le canadien "Corona" de Mostafa Keshvari, tourné en un mois et sorti en avril 2020, est un film de tension paranoïaque dans un lieu unique (c'est moins cher). Huis clos dans un ascenseur en panne avec plusieurs personnes coincées, dont une qui pourrait être infectée, le film a été partiellement improvisé par ses comédiens et sans être méchant, au vu du trailer ça se sent un peu.

L’espagnol Daniel H. Toraso a visiblement beaucoup aimé "28 jours plus tard" et "The Walking Dead", et recycle dans son "COVID-21 Lethal Virus" une histoire initiale de contagion par un virus préhistorique de la rage décongelé des glaces de l'Antarctique en épidémie de COVID transformant les gens en infectés vénères. 

L'Américain Micah Lyons a rebaptisé en urgence son "Lockdown" en "Covid-19 Invasion", dans lequel le catcheur Kevin Nash, leader pas très net d'un groupe de vigilantes antivax à l'idéologie discutable, démastique au fusil à pompe du SDF prétendument contaminé dans une ambiance post-apocalyptique.

De l'autre côté du spectre politique états-unien (même si dans les deux cas on est plus dans le prétexte scénaristique que dans le brulot militant),  "After the Pandemic" de Richard Lowry imagine la survie des derniers humains, immunisés contre un Covid qui aurait muté pour tuer 99% de la population, et traqués par des agences gouvementales en combinaison NBC aux sombres desseins.

Et un requin infecté par le Covid, pardon le Shvid-1, ça vous dit ? C'est Mark Polonia qui s'y colle et nous offre un "Virus Shark" qui imagine une base sous-marine en pleine pandémie, aux prises avec des squales pleins de boutons de fièvre qui clignotent avant d'obliquer dans le trip post-apo. IMDb avance que le film aurait eu un budget total de 182 $ et on n'est pas sûr de les voir à l'écran.

 
Quittons le post-apocalytique pour un slasher américain semi amateur bien fauché avec "The Covid Killer", avec lequel Jeff Knite réinvente à sa façon le concept de tueur masqué.


On peut aussi aborder la contagion par le biais du confinement, du télétravail et de l'outil informatique qui a pris depuis deux ans une ampleur toute nouvelle. On sait depuis "Unfriended" et "Searching - Portée Disparue" que l'angoisse passe bien aussi en visioconférence. L'astucieux moyen-métrage britannique "Host", de Rob Savage, imagine une séance de spiritisme intégralement filmée sous forme de réunion Zoom, confinement oblige, et qui va évidemment déraper. 

Sur le même procédé, "Safer at Home" de Will Wernick (auteur de la médiocre saga "Escape Room", à ne pas confondre avec la un-tout-petit-peu-moins-médiocre saga "Escape Game") imagine une réunion Zoom entre amis en pleine quarantaine où, suite à un mauvais trip sous ectasy, les choses dégénèrent en drame alors qu'à l'extérieur le monde s'effondre.

Mais vous vous doutez bien qu'en terme de thriller en visioconférence, on n'allait pas passer à côté de la référence française en la matière avec l'affligeant "Connectés"  de Romuald Boulanger, un type assez facinant dont la carrière de DJ/réalisateur/producteur passe de Steven Seagal à Jeff Panacloc, et qui réussit à griller son whodunit dès la bande-annonce, si on est attentif. Un film qui s'est fait incendier par le public malgré un casting comaque (1,4 sur Allociné, c'est très fort).

On quitte l’angoisse pour le mélo larmoyant avec cet "Anti-Coronavirus" de Mishar Kumal Patel, tourné en Arizona dès 2020, aux acteurs amateurs pas toujours très très bons.

Covid-19 du Canadien Iman Azar n'est pas là pour rigoler mais pour nous interroger, via un long plan fixe naturaliste d'1h12 dans un Uber, sur les conséquences psychologiques de la distanciation sociale. Pourquoi pas. Le film ne semble pas avoir connu de vraie distribution pour l'instant.

Les Indiens ont évidemment déjà fait plusieurs films intégrant la pandémie, mais le telugu "Coronavirus", drame familial sur le confinement d'Agasthya Manju, s’acharne lui à faire monter la sauce pendant 4 mn de trailer avec... rien

Du côté des autorités chinoises, on se devait de réagir face à la mauvaise presse liée à leur traitement autoritaire de la crise sanitaire. Diffusé pour l'anniversaire des 100 ans du parti communiste chinois et soigneusement surveillé par les comités de censure,  "Chinese Doctors" d’Andrew "Infernal Affairs" Lau est un film catastrophe très chargé en stars et en pathos, qui a été à la fois conçu pour rassurer les populations locales, célébrer les médecins de Wuhan et rappeler que l’engagement du Parti face au fléau a été efficace, total et sans discussion !

A noter que le succès surprise chinois de l'hiver 2021 a été "Embrace Again", de Xue Xiaolu, un feel good movie sur le retour à la vie à Wuhan tourné par des comédiens locaux. Pas vraiment de la covidsploitation, juste ce dont le pays avait besoin.

Car oui, parfois mieux vaut en rire, les comédies ayant permis de décompresser notamment sur le thème du confinement. A ce jeu les Italiens ont toujours un coup d'avance et Enrico Vanzina a sorti dès l'automne 2020 un"Lockdown All'Italiana" dont l'affiche donne immédiatement le ton. Bon avouons-le, le film s'est fait défoncer par la critique et le public dans son pays.

On sent clairement l'inspiration pour le "8 rue de l'Humanité" de Dany Boon pour Netflix. Nous n'insisterons pas trop sur celui-là tant il a figuré sur les tops des pires films de l'année 2021


De Suède nous vient la comédie noire "Corona Depression"de Linda Sandkvist, où une femme en quarantaine chez elle sombre dans une dépression de plus en plus délirante. Un film reposant sur le jeu très outré de Hedvig Lagerkvist, seule et en roue libre devant la caméra. Une expérience assez déstabilisante.


Comédie américaine à micro budget,  "Coronavirus Conspiracy" de James Sunshine semble être réservé aux amateurs de théorie du complot, de comédiens en surjeu et d'effets spéciaux fauchés. Au vu de la bande-annonce, c'est du brutal.

On pourrait évoquer encore beaucoup d'autres films, mais terminons par le truc le plus invraisemblable de tous : "Cool Cat fights the Coronavirus" .

La série Cool Cat est un projet de films éducatifs pour enfants autour d'une mascotte de chat orange et autoproduite par le réalisateur amateur Derek Savage. Elle a acquis un statut assez hallucinant aux Etats-Unis en 2015, quand son premier film anti-harcèlement scolaire "Cool Cat Saves the Kids" a buzzé dans la sphère internet tant le mélange de bons sentiments guimauve, d'enfants jouant mal, d'effets numériques ringards, de caméos fatigués (d'Erik Estrada à Cynthia Rothrock !) et de numéros musicaux ronge-tête laissait médusé. Sa dernière production voit notre Cool Cat enseigner les bons gestes pour lutter contre l'épidémie face à Dirty Dog, un méchant bulldog rappeur clamant tout d'abord que l'épidémie est un complot gouvernemental, avant de chercher à répandre la maladie dans le monde par pure méchanceté. Quand on sait que son prochain projet est un "Cool Cat Stops a School Shooting", on ne sait plus si on est dans la simple naïvété, l'inconscience ou le cynisme le plus éhonté de la part de ce Derek Savage...