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Le glossaire du Pr. Ryback

Y comme …

X (film classé) - ses rapports avec le nanar



Film érotique à caractère pornographique (ou "porno hard" : présentant des actes sexuels non simulés entre les principaux acteurs). Pour une histoire complète du classement X en France, voir l'excellent petit livre de Christophe Bier, "Censure-moi!" (Editions l'Esprit frappeur).


Les rapports entre le cinéma X et le nanar sont multiples : nombreux sont les réalisateurs de cinéma bis (nanar ou non) qui se reconvertirent dans le cinéma X. Avec la chute du cinéma italien (voir : Italie), Joe D'Amato en fit sa spécialité et tourna plus de 100 films X dans les années 1990. Jean-Marie Pallardy, issu de l'érotisme soft, réalisa quelques hard sous le pseudonyme de Boris Pradley. Parmi les cinéastes de second plan qui tournèrent des films X à l'époque où cette industrie était florissante, on peut citer Eddy Matalon ou Claude Bernard-Aubert (alias Burd Tranbaree). Un certain nombre de maisons de production spécialisées dans le porno ont pu se risquer dans des projets de films de série B, allant de la comédie au film d'aventures. La société française Impex Films, active dans le X, figure ainsi au générique de films comme "L'Emir préfère les blondes", ou "Les Trottoirs de Bangkok", où certains acteurs et actrices des films habituels de leur catalogue venaient tenir des rôles plus ou moins importants : c'est ainsi que Jean Tolzac, qui tint des rôles de voyeurs dans divers pornos, se retrouva dans le premier des films cités, jouant l'Emir du titre aux côtés d'acteurs illustres comme Roger Carel et Paul Préboist.




Yoko, l'héroine des "Trottoirs de Bangkok", en action avec Laura Clair et Alban Ceray dans "Une fille dans la peau" (Marc Dorcel productions)


Le X ayant de nombreuses passerelles avec les milieux les moins luxueux du cinéma, de nombreux interprètes ont ainsi pu passer du porno hard au nanar et inversement. La coproduction française de "Caligula et Messaline" imposa ainsi des acteurs de X français dont le réalisateur, Bruno Mattei, se serait bien passé ("des délinquants", selon lui). Dans plusieurs productions Eurociné, une maison de production pourtant non spécialisée dans le X, on peut apprécier les délicats visages d'acteurs de porno hard venus jouer les seconds rôles.


Moana Pozzi tente de séduire Alvaro Vitali dans «Paulo Roberto Cotechiño, centravanti di sfondamento».


Le film X de Paola Senatore, ancienne vedette de sexy-comédies.


Certains interprètes commencent dans le X avant d'investir le nanar : ce fut le cas de Michelle Bauer, célèbre "scream queen" des années 1980 qui fut actrice porno sous le nom de Pia Snow. On peut aussi citer le cas de Brigitte Lahaie, qui est passée du X à la série B dans les années 80. Inversement, Moana Pozzi tint des seconds rôles dans un certain nombre de films bis italiens (dont "Les Guerriers du Bronx 2") avant de devenir la reine du porno chez nos voisins transalpins. Le X peut hélas être l'ultime étape de la décadence de certains professionnels : Karin Schubert fait figure de cas extrême. Cette actrice allemande, active dans le cinéma bis italien et connue en France pour avoir interprété la Reine dans "La Folie des grandeurs", devint actrice de X à quarante ans, pour payer les soins de son fils toxicomane : toute la fin de sa filmographie est ainsi composée de longs-métrages aux titres raffinés comme "Babette aime ses quéquettes" ou "Enfoncées bien à fond". Lilli Carati, actrice de sexy-comédies italiennes, tourna également quelques porno hard dans les années 1980 pour se payer l'héroïne à laquelle elle était devenu accro. Paola Senatore, également connue pour ses rôles dans diverses comédies cochonnes, tourna elle aussi un film hard en fin de carrière. Stephen Geoffreys, jeune acteur américain vu notamment dans "Vampire, vous avez dit vampire?" (il interprète l'ami vampirisé du héros) puis dans des séries B d'horreur, devint ensuite, sous le nom de Sam Ritter, acteur de porno gay, spécialisé dans les rôles passifs. A l'inverse, citons le cas de Chuck (Charles) Peyton, héros de l'italo-philippin Zombie 4: After Death, plus connu dans le milieu du porno gay sous le pseudonyme de Jeff Stryker.


De Stephen Geoffreys à Sam Ritter.


(nous avons préféré censurer le membre du transsexuel pour éviter l'interdiction aux mineurs de nanarland)


Jeff Stryker dans "Bigger than life" (1986).

Du fait de la fréquente médiocrité (voire absurdité) de ses scénarios et de son interprétation, le X peut être assimilé au nanar mais sa nature de cinéma spécialisé en fait un cas à part, les qualités qui font ordinairement un film classique étant secondaires (à part la photo, et encore). Les quelques films X chroniqués sur Nanarland le doivent en fait à leur doublage français proprement ahurissant, comme Jamaix plus encore ou Deux soeurs à enc..., ou des extraits de films comme Pulsions Inavouables ou Maîtresses très particulières.


On peut aussi citer le cas très particulier de Clodo, comédie pour enfants de 1970 signée Georges Clair, que l'indélicat réalisateur a truffé d'inserts hards transformant l'oeuvre en improbable comédie pornographique canine, retitrée Clodo et les vicieuses ! D'autant plus surréaliste quand on sait que le film est le dernier tourné par André Bourvil, qui accepté d'apparaître par amitié pour Georges Clair, alors qu'il était rongé par un cancer des os particulièrement douloureux (et bien entendu sans savoir quel sort serait réservé au film).


Le X étant une forme d'ornière, les cas de cinéastes sortis de cette spécialité pour tourner des films grand public sont un peu plus rares. Michel Lemoine, réalisateur de films érotiques passé plus tard au hard, sortit un temps de sa spécialité pour tourner l'impensable film d'horreur "Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff". Gérard Kikoïne, réalisateur français très actif dans le X, nous offrit un fabuleux film d'épouvante "à l'anglo-saxonne", « Emmuré Vivant », avec Robert Vaughn, Donald Pleasence et John Carradine, prouvant qu'on peut oeuvrer pendant des lustres dans le X sans rien apprendre sur la manière de faire de bons films! Quant à Tim Kincaid, son expérience dans le domaine du porno gay (sous le pseudonyme de Joe Gage) ne l'a pas non plus aidé à réaliser des films fantastiques convaincants au temps où il travaillait pour Charles Band.


La carrière de Tim Kincaid, côté pile et côté face.


Alain Payet, alias John Love, réalisateur de "Elle suce à genoux" et "L'Emir préfère les blondes".


Ajoutons au passage que le porno a beaucoup contribué, du moins dans ses premières années, à enrichir l'anthologie du titre nanar, avec des trouvailles comme "Tourne ton cul que je marque un but", "Change de trou ça fume", "Suce pas mon pouce j'ai mieux plus bas", "Un grand coup dans le pare-chocs", "Le Nain assoiffé de perversité" (avec le futur Giant Coocoo des feuilletons AB Prod), "Les Camionneuses carburent au sperme", "Insphincter Gadget", "Le Fabuleux vagin d'Amélie Boubrin", "Qui veut la bite de Roger Rapeau ?", "Suce mes boules à Istanbul", "Weapons of ass destruction", "Viol au-dessus d'un nid de cocus", "Les Brigades du chibre" et autres "Blanche-Fesse et les sept mains". Un effet comico-grotesque peut également découler de l'outrance même de certains titres ou slogans, comme "4 heures de sexe non-stop avec des grosses" ou le célèbre "Enculadas por un Pastor alemàn y sus amigos" ("Enculées par un berger allemand et ses amis", sic).


On peut également citer les contributions de longs-métrages X à l'art délicat du dialogue nanar, comme le film "Maîtresses très particulières" (1979, de Burd Tranbaree), émaillé de répliques mémorables comme "En ce moment je parierais que tu t'imagines déjà que tu suces ma bite au rythme des coups de fouet de mes couilles sur ta gueule".




Pour la capacité de l'érotisme (soft ou hard) à nanardiser un film, voir également "Q" et "Plan nichon". Pour la technique consistant à transformer un film soft en film hard, voir Insert.